Djibouti. Fatouma sera la première fille à obtenir son diplôme

Publié le par unmondeformidable

Fatouma sera la première fille à obtenir son diplôme de lycéenne dans son village (Source UNICEF Djibouti/2007)

ARDO, Djibouti, 2 janvier 2007 - Fatouma, 20 ans, porte un lourd fardeau sur ses frêles épaules. Elle est l'aînée de 16 enfants dont le père a disparu au cours de la guerre civile à Djibouti et dont la mère gagne péniblement sa vie en vendant des crêpes. Et pourtant, en dépit des épreuves de sa vie quotidienne, Fatouma va bientôt être la première fille du village d'Ardo à achever son éducation secondaire.

C'est une réussite spectaculaire car Ardo, qui se trouve dans une des régions les plus pauvres de Djibouti, n'a même pas d'école secondaire. Alors, bien que les filles représentent la moitié des élèves de l'école primaire du village, rares sont celles qui poursuivent leurs études dans le secondaire. L'enjeu est important. La famille et la communauté de Fatouma suivent ses progrès avec attention car elle a 20 ans et elle n'est pas mariée et elle est donc considérée à Ardo comme une « vieille fille ». Cela fait cinq ans que son grand-oncle essaie de lui faire épouser son fils mais la mère de Fatouma a réussi à le tenir à distance. Mais si Fatouma ne réussit pas ses examens de fin de secondaire, elle sera obligée d'accepter le mariage.

Les problèmes que Fatouma doit résoudre dans sa quête d'une éducation supérieure sont d'ordre pratique et culturel à la fois. Sa journée commence à 5h30 du matin. Il faut faire la vaisselle de la veille et nettoyer tout le logement avant de partir, vers 6h30, pour livrer les crêpes de sa mère. Une fois qu'elle a fini de vendre les crêpes, elle rentre vite à la maison pour se préparer, elle et ses petites sours, pour l'école. Sa maison est sans électricité parce que sa mère ne peut pas se la payer. Alors, Fatouma étudie à la lumière d'une lampe à pétrole. Comme ses examens de fin d'année approchent, elle passe tellement à étudier qu'elle a développé de graves problèmes de vision. Heureusement, une organisation non gouvernementale lui a donné une paire de lunettes.

La mère de Fatouma n'ayant pas les moyens d'acheter les fournitures scolaires de base pour ses enfants, elle compte sur le programme de l'UNICEF « Cartables ». Dans le cadre de ce programme, l'organisation a distribué en 2005 ces cartables remplis de fournitures scolaires aux 46 500 enfants du pays qui vont à l'école publique à Djibouti. « Je n'aurais pas pu continuer mes études si l'UNICEF n'avait pas aidé mes sours et mes frères », affirme la jeune femme.

Les pressions sociales sur Fatouma sont tout aussi intenses. « Je ne suis pas une élève normale, dit-elle, je serai la première fille d'Ardo à obtenir son diplôme de secondaire et c'est une responsabilité bien lourde ». « Dans ma communauté, poursuit-elle, tous les mariages sont arrangés et les filles doivent obéir aux décisions de leurs parents. Mais ma mère sait que si elle me marie, elle perdra son unique espoir de s'extirper de la pauvreté. C'est pour cela qu'elle me permet de poursuivre mes études, elle m'encourage même. Elle aimerait que je devienne une femme respectable dans un bureau qui lui donnerait chaque mois un salaire ». Après s'être assurée que personne ne peut écouter ce qu'elle va dire, Fatouma continue : « Ici, les parents envoient leurs filles à l'école simplement pour qu'elles apprennent à compter et comment accueillir les touristes français. Une fois qu'elles ont appris cela à l'école primaire, les parents les retirent des classes pour les marier et les faire travailler dans le tourisme. ».

La mère de Fatouma a décidé de déménager toute sa famille d'Ardo à Tadjourah, une ville plus importante, pour que sa fille aînée puisse aller à l'école secondaire. Résultat, certains parents d'Ardo qui, au début, insistaient pour retirer leurs filles de l'école une fois qu'elles avaient terminé le primaire, les ont autorisées à aller à Tadjourah pour continuer leurs études.

Fatouma envisage de continuer son éducation au-delà du secondaire. « J'aimerais aller à l'Université et devenir un exemple pour le reste de la communauté » dit-elle. « Si j'y arrive, j'aimerais retourner à Ardo pour enseigner et me battre pour le droit de toutes les filles d'aller à l'école ». La dure réalité de la pauvreté risque toutefois d'assombrir ses rêves lumineux. « Il faudra malheureusement que je me trouve un travail après le lycée, affirme Fatouma, ma mère est très pauvre, très vieille et très faible, alors mes rêves d'université s'évanouissent. Quand on est pauvre on n'a pas beaucoup de choix ».

Publié dans Afrique de l'Est

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