Maputo, nouveau port de l'espoir des Portugais

Publié le par Un monde formidable

Chaque mois, des Portugais par centaines arrivent au Mozambique, fuyant la crise, pour trouver un travail à Maputo, mais l'image de carte postale d'un pays africain avec plages et boom économique se trouve parfois loin de la réalité.
Certes, il y a les enthousiastes comme Mafalda Soares, partie en 2010 avant que les choses ne tournent vraiment mal. "Ici, c'est l'été dix mois de l'année sur douze, et les gens me disent +tu as de la chance d'être partie au bon moment+. Quand j'envoie des mails à la maison, j'ai plein de choses à dire car c'est une économie en croissance, ça bouge tandis que là-bas ils taillent dans les budgets, dans les effectifs", explique-t-elle à l'AFP.
Mme Graca Pereira, consul général du Portugal à Maputo, passe pourtant son temps à mettre en garde des compatriotes s'illusionnant sur leur avenir dans ce pays où l'on parle le portugais. "Je conseille de ne pas venir sans connaître. C'est mieux de visiter avant, de jeter un oeil et de ne pas venir sans contrat", estime-t-elle. "Les gens pensent qu'on ne fait pas grand chose", reprend Mafalda. "Qu'on va juste à la plage et qu'on a une belle maison, mais ce n'est pas comme ça. Au Mozambique, on touche un salaire moyen et se loger est affreusement, affreusement cher".
Les loyers à Maputo ont explosé en deux ans, sous l'effet de l'arrivée du personnel des multinationales attirées par l'exploitation du charbon ou du gaz. Un deux-pièces dans le centre peut coûter 2.000 dollars par mois.
Environ 25.000 Portugais vivent au Mozambique, la plupart à Maputo. Quatre vols hebdomadaires font la rotation entre les deux pays, généralement pleins. La TAP, la compagnie portugaise, vient de doubler ses vols Lisbonne-Maputo.
Diogo da Cunha, 42 ans, a abandonné une exploitation de laitues naines au Portugal pour faire de l'importation de chewing-gum et de whisky à Maputo avec un oncle qui l'héberge depuis mars. "Je n'avais pas beaucoup d'options. Continuer le déclin, ou payer mes dettes et partir", dit-il. "J'ai un salaire, même si je dois vivre avec mon oncle. Je vois de l'espoir dans tous les domaines de ma vie. Pas seulement professionnel".

Le Mozambique est l'une des économies du monde en plus forte croissance (7% attendu cette année) alors que le Portugal est en récession avec un taux de chômage supérieur à 15%. Les Portugais, partis au moment de l'indépendance du Mozambique en 1975, sont revenus au compte-gouttes à la fin de la guerre civile en 1992. Mais la nouvelle vague d'arrivées fait grincer des dents. "Ils prennent des emplois à des Mozambicains", critique Hortencio Lopes, directeur du Centre d'études internationales et mozambicaines (CEMO).
Le chômage est élevé. Seuls 2% de la population occupe un emploi qualifié, la majorité se débat avec des petits boulots ou dans l'économie informelle. "Les gens qualifiés restent au Portugal, les moins compétents arrivent ici. Ils apportent leurs problèmes" et "le Mozambique n'a pas envie d'être colonisé une deuxième fois", poursuit M. Lopes. "Faux", rétorque la consul du Portugal, qui avance que "les Portugais créent de l'emploi". Un système de quota impose en effet aux entreprises d'employer dix Mozambicains pour un étranger embauché.
"Je ne suis pas venu ici pour coloniser qui que ce soit", réagit Jose Soares, un diplômé en management qui vient de perdre son travail. Son patron a opté pour l'embauche de trois Mozambicains et il envisage avec réticence de rentrer. "Il y a deux ans, le travail d'un étranger était très coté. La demande reste la même, mais l'offre a augmenté énormément", constate son compatriote Fabio Gao, 24 ans qui s'est lancé dans la restauration à domicile. Le retour sur investissement, assure-t-il, est très rentable car la main d'oeuvre est très bon marché. "Mais pour rester ici, il faut des amis haut placés au gouvernement", relève-t-il, se plaignant d'une corruption qui, selon lui, fausse le jeu du business: "Je ne pense pas rester à long terme. Il y a beaucoup d'opportunités, mais aussi beaucoup de risques".

Publié dans Afrique australe

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