Webdocumentaire, l’information en relief par le multimédia

Publié le par unmondeformidable

Sélection de webdocumentaires

http://iraq.reuters.com/

Le corps incarcéré prix France 24-RFI du meilleur webdocumentaire au Festival Visa pour l'image

MediaStorm

Gaza-Sderot

Voyage au bout du charbon

Les webreportages de Géo

Waterlife

http://www.france5.fr/portraits-d-un-nouveau-monde/

Webdocumentaire, le reportage à l'ère du multimédia par Armelle Canitrot et Stéphane Dreyfus (La Croix. 04/12/2009).

 Les médias en ligne s’intéressent à ces nouvelles formes de réalisations multimédias qui cherchent à exploiter tous les potentiels du Net

« L’humanité grossit. Vous avez décidé de mener une enquête sur l’obésité… » En deux clics sur Curiosphere.tv, l’internaute se trouve propulsé dans la salle d’opération d’un hôpital de la région parisienne, où les chirurgiens discutent avant d’opérer un patient obèse. Vous pouvez alors choisir l’option « J’attends la fin pour parler avec le chirurgien » ou « Je cherche à rencontrer des malades »… Dans son webdocumentaire The Big Issue, l’obésité est-elle une fatalité ?, le photoreporter Samuel Bollendorff convie l’internaute à se mettre dans la peau d’un journaliste qui enquête sur ce sujet.

« Le Web est un lieu formidable pour diffuser de l’information. Il permet d’intéresser les jeunes générations qui lisent peu, qui considèrent que la télé n’est pas crédible et qui vont directement chercher sur Internet », s’enthousiasme Samuel Bollendorff, auteur avec Olivia Colo de ce webdocumentaire. Ces produits multimédias aux contours flous et aux formes encore bâtardes associent texte, photo, vidéo, son, animation, de façon plus ou moins longue, interactive et didactique.

Sur fond de crise de la presse, de mort annoncée du photojournalisme, renforcée cette année par la disparition de la maison Gamma, le dernier festival Visa pour l’image à Perpignan vivait lui-même, en septembre, une discrète mais passionnante mutation, en présentant neuf réalisations retenues pour la première édition du prix France 24-RFI du webdocumentaire. Selon les membres du jury, sur la centaine de projets consultés, « la majorité n’était pas beaucoup plus sophistiquée que l’ennuyeux diaporama accompagné d’un son en toile de fond ». Bien loin en tout cas d’un véritable travail d’investigation, servi par une écriture et une forme cohérente et originale. Comme c’est le cas, selon eux, du premier prix – Le Corps incarcéré –, sur la prison, dont la réalisation a nécessité le travail de plusieurs salariés du site LeMonde.fr pendant trois mois.

Les plus optimistes des photojournalistes voient en tout cas dans les webdocumentaires des formes et des débouchés nouveaux pour montrer leurs images. « Transformer un reportage en média est une belle opportunité pour le photographe, qui peut ainsi transmettre un témoignage personnel, réaliser un magazine interactif sur le Net, mais aussi gérer ses partenariats, la pub, les flux. Cependant, entre le photographe, la direction artistique, le montage, la création sonore, le graphisme… la réalisation de ces petites œuvres multimédias (POM) peut nécessiter l’intervention de trois à sept personnes », explique le photojournaliste Wilfried Estève, membre de la maison de production Hans Lucas créée en 2007.

Il fabrique depuis une douzaine de POM par an pour des Ong, le Parlement Européen, des offices du tourisme. Mais pas encore pour des sites web de journaux. Pour ces derniers, les coûts semblent démesurés par rapport aux budgets, modestes, des reportages photo en version papier. Habituées aux coûts de production de films documentaires ou de reportages vidéo, les chaînes de télévision sont en revanche mieux préparées à investir dans ces nouveaux objets pour leurs propres sites. Arte a ainsi produit pour 216 000 € le webdocumentaire Gaza/Sderot, transformé en un film de 52 minutes diffusé ensuite à l’antenne. De la même façon, France 5 a lancé un appel à projets pour un projet au long cours intitulé Portraits d'un nouveau monde , dont le budget est de 400 000 €.

Ce sont donc vers les différentes maisons de production et de diffusion qui se sont créées ces dernières années (Narrative, Upian) et vers les sites Web de chaînes de télévision ou de radio que se tournent les webdocumentaristes. « Nous sommes déjà producteurs d’images fixes et animées, le webdocumentaire est une nouvelle façon de les mettre en valeur. Internet représente la perspective d’un grand essor pour l’information », explique Ayperi Karabuda Ecer, responsable du département Images et graphisme à l’agence Reuters News. Co-auteur de Bearing Witness : five years of the Iraq war , webdocumentaire mixant photos et vidéos réalisées par l’agence, elle participe à l’élaboration d’un autre projet sur la crise financière avec MediaStorm.

« Le coût n’est pas négligeable mais c’est une façon pour Reuters d'occuper ce terrain, précise Ayperi Karabuda Ecer. Le modèle traditionnel de la presse et du photoreportage n’est plus la seule façon dont les jeunes générations veulent voir le monde ». Comme le pointait au cours d’un débat à Perpignan Vincent Giret, directeur chargé du multimédia à France 24, « tout le défi est de trouver, au sein de nos organisations traditionnelles, les moyens de réaliser ces projets aux écritures encore très expérimentales ». L'équipe web de la chaîne d'informations internationale réfléchit ainsi à une organisation du travail qui permette de réaliser des webdocumentaires en 24 ou 48 heures sur des sujets d'actualité chaude. «Le but est d'industrialiser le processus», selon Karine Broyer, rédactrice en chef de France24.com.  

Réaliser des images est un métier, rappellent de leur côté les photoreporters, confrontés à la nouvelle concurrence des journalistes multitâches. Une compétition qui s’accompagne souvent d’une baisse de qualité visuelle. Dans le même temps, une nouvelle génération d’appareils photo professionnels permettant aussi de filmer offre des perspectives aux photographes ouverts à de nouvelles écritures.

Mutation de la diffusion de l’image du papier à l’écran, le webdocumentaire en est encore à un stade expérimental et attend de trouver ses financements. L’exemple du succès du site américain MediaStorm témoigne de l’avance de la presse en ligne américaine en matière de multimédia, et de l’intérêt du public pour cette nouvelle façon interactive de s’informer.

 

Mediastorm, l’information en relief par le multimédia par Kim Hullot-Guiot (La Croix.02/08/2009)

La vie quotidienne des Kurdes d'Irak, l'après-Katrina, le voyage d'un Camerounais migrant vers la France... le site Internet Mediastorm joue sur l'ensemble des outils multimédias pour dire une actualité peu ou mal traitée

Lorsqu’il travaillait pour la chaîne de télévision américaine MSNBC en 1995, Brian Storm tenta un jour de proposer un sujet autour du génocide rwandais. La réponse qu’on lui opposa fut violente, « le public est apathique, le public s’en fout », se remémore-t-il dans un entretien avec le journaliste Philippe Couve sur le blog Samsa News. Le photojournaliste était convaincu du contraire : le public voulait être informé sur les sujets importants, il voulait s’engager. Quelques années plus tard, Storm décida de monter son entreprise de presse dont le contenu, diffusé principalement sur le site Internet éponyme Mediastorm,se concentre sur des sujets souvent peu ou mal traités par les médias d’information généralistes, et d’intégrer différents médias, photo, audio, vidéo, entre autres, dans la production.

Ainsi, le site regorge de courts documentaires qui traitent des sujets parfois sensibles (la guerre en Irak vue par les familles des soldats américains, le voyage d’un Camerounais migrant vers la France, l’après-Katrina), parfois peu connus (l’un des documentaires expose la vie quotidienne des Kurdes d’Irak). Tous ces reportages se fondent sur la notion de « storytelling », littéralement « dire une histoire ». Et surtout, sur l’idée de donner une voix à ceux que bien des médias ignorent. L’intelligence du concept est de jouer sur l’ensemble des outils multimédias pour qu’ils se renforcent l’un l’autre. L’audio vient appuyer la photo, un récit de la voix du protagoniste lui donnant d’avantage de force. La vidéo vient s’ajouter à la photo, certains gestes ne pouvant pas être captés par un unique cliché. La complémentarité des outils est donc centrale chez Mediastorm.

Les clichés sont toujours d’une qualité exemplaire, les récits mesurés et justes, l’ensemble graphique stylisé. L’objectif de Mediastorm étant de diffuser ce contenu le plus largement possible, le site Internet est pensé en ce sens, avec la fonction « Envoyer à un ami » disponible sur chaque documentaire par exemple. Il s’agit finalement de choisir un projet pour son véritable intérêt, et non sa rentabilité. Le pari fonctionne : l’entreprise a six salariés et davantage de collaborateurs. Loin de n’être qu’une transposition des autres médias sur un nouveau support, le documentaire multimédia est bien un « genre » à part entière.

 

 

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