USA. TV, les puritains ne séviront plus

Publié le par Un monde formidable

Les puritains américains ne séviront pluspar ldewolff (Source LeMatin.Ch. 14/07/10)

L'Amérique est en ébullition. Dès aujourd'hui, les shit ou fuck n'ont plus à être couverts de bips sonores sur les chaînes américaines. Quant à Janet Jackson, elle peut tranquillement dévoiler son sein. «C'est une baffe pour les parents et les familles», s'est étranglé Tim Winter, président de l'association conservatrice américaine Parent Television Council. «Soyons clairs, aujourd'hui, des juges ont autorisé les chaînes à utiliser le mot commençant par «f» à chaque heure de la journée. Même devant les enfants!»

«Je suis choqué par une décision si antifamiliale», a ajouté Michael J. Copps, l'un des cinq dirigeants de la puissante Federal Communications Commission (FCC). Qui se demande comment les parents peuvent dorénavant «protéger leurs enfants des images indécentes et violentes qui nous bombardent chaque jour davantage».

Des règles absurdes. Il peut être fâché, Mr Copps. La vraie baffe, c'est sa commission qui l'a prise. Depuis les années 1970, la FCC traque et sanctionne les chaînes de télévision ou de radio qui, de manière «manifestement offensante», font allusion au sexe ou aux excréments. Ou utilisent des termes «indécents». Fini. Mardi, un tribunal new-yorkais a enlevé ce pouvoir à la FCC. Parce qu'il est contraire à la liberté d'expression. Et surtout parce que les critères de la FCC sont trop vagues. Impossible de savoir ce qui est offensant ou indécent. Le tribunal de Manhattan a ordonné la suspension des règles de la commission, et exigé leurs révisions. Les obscénités peuvent pleuvoir tranquillement. «Le score du jour, c'est un point pour la liberté d'expression, zéro pour la censure», s'est réjoui Andrew Jay Schwartzman, de l'organisation de défense de la liberté d'expression Media Access Project.

Mais le jugement va bien plus loin. Exemples à l'appui, il démontre l'absurdité des règles qui terrorisaient les Etats-Unis. D'abord, on apprend que la FCC est devenue quasi hystérique à cause de Bono. En 2003, la star de U2 lâche un «fucking brilliant» durant les Golden Globes. Des téléspectateurs hurlent. L'année d'après, la FCC réagit. Violemment. Voilà qu'elle sanctionne aussi les jurons isolés. Et multiplie par dix le montant de l'amende maximale - qui passe de 32 500 à 325 000 dollars. Résultat: la FCC a infligé pour 440 000 dollars d'amendes en 2003. En 2004, l'ardoise passe à 8 millions!

Ce n'est pas tout. Les foudres de la FCC s'abattent de façon arbitraire. Ainsi, elle accepte les fuck et shit qui pullulent dans le film «Il faut sauver le soldat Ryan». Ils seraient «réalistes». Mais fustige les mêmes termes dans «The Blues», documentaire produit par Scorsese. Les censeurs épinglent aussi le bullshit d'un «NYPD Blue». Mais tolère, dans le même épisode, kiss my ass ou dickhead. «Embrasser le derrière d'un autre est apparemment admissible», sourit le Washington Post.

Dehors, le grossier élu!  Autre aberration, la FCC traque sans relâche les émissions des télévisions et radios publiques entre 6 h et 22 h. Mais ne peut sanctionner les chaînes privées, où l'on peut aligner les jurons. Or «87% des foyers américains ont souscrit à un abonnement au câble ou au satellite», soulignent les juges de Manhattan. D'autres dérives sont plus graves. «La règles de la FCC, écrit le tribunal, créent un effet glaçant qui va bien au-delà de quelques jurons passagers.» Et d'expliquer que, par peur des amendes, des médias se sont censurés. Ont bridé leur liberté de parole. Certains ont banni le direct, pour avoir le temps de couvrir tout dérapage de bips. Une radio du Vermont a même refusé d'accueillir un important politicien local lors d'un débat parce qu'il avait lâché un juron par le passé.

Malgré cette claque, la FCC n'a pas décidé si elle allait faire appel ou non. Le risque, selon le New York Times, c'est que la Cour suprême lui supprime sa compétence de veiller sur le contenu des programmes. Reste que les écrans américains ne vont pas crouler sous les fesses, les seins et le langage de charretier. Les quatre grandes chaînes (FOX, NBC, ABC, CBS) viennent de gagner une guerre. Mais ne comptent pas sombrer dans la vulgarité. «Du fait de la relation de confiance construite avec nos audiences depuis des décennies, vous ne verrez jamais des déluges de f... durant les heures de grande écoute», a promis Dennis Wharton, porte-parole de l'Association nationale des diffuseurs. Ce ne sont pas les obscénités qui font leur retour aux Etats-Unis. C'est l'obscénité des amendes perçues à chaque dérapage qui disparaît.

Pas de charte anti- gros mots à la TSR (Télévision Suisse Romande) Pas de règles mais un baromètre: le téléspectateur. C'est ainsi que la TSR gère la question d'éventuelles grossièretés à l'antenne. «Nous n'avons pas de charte sur le sujet, détaille Darius Rochebin. Nous nous devons évidemment d'utiliser un langage correct. Mais ensuite il est question de bon sens: il ne faut pas non plus apparaître aseptisé.» Et le journaliste et présentateur du «19:30» de préciser que, pour chaque écart, les réactions fusent. «Le langage dépend aussi du programme. C'est au téléjournal que l'exigence est la plus grande. Parce qu'il s'agissait de réelles informations, nous avons par exemple dit à l'antenne les insultes d'Anelka à Domenech, ou le «Casse-toi pauvre con» de Sarkozy. Puis nous ne les avons pas répétés les jours suivants, ça aurait été gratuit, complaisant. Mais il y a quand même eu des protestations.»  Pour Darius Rochebin, la parole est plus libre - pour les invités - lors d'autres émissions. «Si un «merde» s'échappe lors d'un débat politique, ça ne me semble pas bien grave. J'ai aussi reçu Véronique Genest, alias Julie Lescaut, à «Pardonnez-moi». Elle lâchait un «putain» toutes les deux phrases. Ça n'a pas plu à tout le monde... Mais on ne va pas la censurer, ça fait partie du personnage.»

Et le sexe, dans tout ça? «S'il s'agit d'un programme violent ou avec des scènes osées, note la porte-parole de la TSR Barbara Stutz, il passe en seconde partie de soirée. Avec le logo rouge. C'est le cas de certains polars ou de séries comme «Californication.»

 

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