USA.L’inquiétant réveil des milices d’extrême droite

Publié le par Un monde formidable

L’inquiétant réveil des milices d’extrême droite  par JC Péchet (Source : Le Temps. 15/08/09)

Les milices extrémistes recrutent sur fond de crise et de réflexe anti-Obama. L’organisation Southern Poverty Law Center estime que leur nombre a crû de plus de 50% en huit ans 

Le 4 avril 2009 à Pittsburgh, Richard Poplawski abat trois policiers. «Il craignait l’interdiction de port d’armes que vise Obama», déclare son ami Edward Perkovic.  Le 30 mai 2009, Shawna Forde, cheffe du groupe anti-immigrants Minutemen American Defense (MAD), tue un Latino-Américain qu’elle accusait d’être un narco-trafiquant, et sa fille de 9 ans. Deux autres dirigeants de MAD sont arrêtés, l’un lié aux néonazis.  Le 25 avril 2009, Joshua Cart­wright, un garde national de Floride, tue deux policiers du comté d’Okaloosa venus l’arrêter pour violence conjugale. «Il était très perturbé par l’élection de Barack Obama», dit sa femme, et se sentait persécuté.

Des «incidents» de ce genre, l’organisation Southern Poverty Law Center (SPLC) en résume 75 sur quatorze ans dans le rapport qu’il vient de publier (Le retour des milices). Créé en 1971 dans la mouvance des droits civiques, le SPLC surveille l’activité des groupes extrémistes aux Etats-Unis.  «Dix ans après avoir largement disparu de la scène publique, les milices d’extrême droite, les grévistes de l’impôt pour motif idéologique, et ceux qui se proclament «citoyens souverains» réapparaissent en grand nombre dans tout le pays», écrit Mark Potok, responsable de cette veille au SPLC.  Selon l’organisation, le nombre de groupes racistes est passé de 602 à 926 entre 2000 et 2008. Jeff Schwilk, chef des Minutemen de San Diego, annonçait dans un courriel diffusé en avril la constitution d’une «coalition patriote» regroupant 23 organisations. Une agence fédérale estime que 50 nouvelles milices ont été créées ces deux dernières années.

«La grande différence de cette deuxième vague par rapport à celle des années 1990 est que le visage du gouvernement fédéral – l’ennemi juré qui fédère presque toute l’extrême droite – est maintenant noir», ajoute Mark Potok.  L’autre différence est le nombre de relais politiques et médiatiques, tel l’animateur radio Alex Jones. Ce dernier tend son micro au mouvement Oath Keepers, qui rassemblait ses troupes à Lexington ce printemps, les prévenant d’un danger «plus grand qu’en 1775» (avant la bataille d’indépendance). Alex Jones offre 1000 dollars à qui collera de la façon la plus visible le poster du «socialiste» Obama grimé en «Joker».

L’extrémisme de droite avait reculé après l’attentat perpétré par l’ancien soldat Timothy McVeigh qui avait fait 168 morts à Oklahoma City en avril 1995, choquant l’opinion et provoquant des interventions préventives plus musclées du gouvernement. Aujourd’hui, «la récession économique et l’élection du premier président afro-américain sont des moteurs uniques de radicalisation et de recrutement», écrit un rapport du département fédéral de sécurité intérieure (DHS) diffusé en avril.  D’autres facteurs sont les restrictions envisagées du commerce des armes à feu et le retour des vétérans d’Irak et d’Afghanistan, selon le rapport. Les associations représentant ces derniers ont protesté avec véhémence contre cette hypothèse. Elles n’en sont pas moins suivies de près par le FBI, a révélé le Wall Street Journal le 17 avril 2009, dans le cadre d’une enquête sur les milices nommée «Vigilant Eagle».

Un mémo interne obtenu par le WSJ relève «une augmentation du recrutement, des menaces et de l’approvisionnement en armes par des partisans de la suprématie blanche, des milices et des groupes de citoyens souverains».  S’agissant des armes à feu, leurs ventes ont augmenté de 15% aux Etats-Unis dans le mois suivant l’élection de Barack Obama. Ce mouvement, selon plusieurs coups de sonde des médias, s’est poursuivi en 2009.

«Les menaces proférées par les extrémistes de droite restent largement rhétoriques et n’indiquent pas qu’il y ait des préparatifs pour des passages à l’acte violents», relativise le DHS. Le SPLC en est moins convaincu. «Il ne manque qu’une étincelle», écrit Mark Potok. Il y a quinze ans, le SPLC avait averti la procureure Janet Reno que le contexte était mûr pour un «désastre». Six mois après survenait l’attentat d’Oklahoma.

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