USA. Condoleezza Rice avait autorisé les simulations de noyade

Publié le par unmondeformidable

Obama ne sait quelle suite donner aux rapports sur la torture par Luis Lema (Le Temps 25/04/09)

Faut-il engager un enquêteur indépendant, lancer des poursuites au Département de la justice ou créer une «commission vérité»?

A l’approche du bilan des cent premiers jours de présidence de Barack Obama, la question est en voie de se transformer en test ultime. Certes, au terme de vives discussions au sein même de la Maison-Blanche, le président a décidé, la semaine dernière, de dévoiler les notes secrètes du Ministère de la justice qui autorisaient, entre 2002 et 2005, l’emploi de la torture sur certains détenus. Mais le président ira-t-il plus loin en ouvrant la voie à une inculpation des responsables?

La question enflamme Washington. Elle a amené les républicains à déterrer la hache de guerre et elle embarrasse les démocrates, dont certains en savaient plus qu’ils ne veulent le dire aujourd’hui. En un mot, au-delà de certains responsables, elle revient à juger une époque où la nation tout entière semblait prête à fermer les yeux dans sa «guerre contre la terreur».

Ces mémos, parfaits petits manuels d’utilisation de la torture, étaient à ce point irréels que même les agents de la CIA, à qui ils étaient destinés, n’en croyaient pas leurs yeux, comme il ressort de leurs demandes de précisions plusieurs fois renouvelées. Les rapports partaient d’un constat qui apparaît hautement fallacieux: depuis des années, et plus précisément depuis la guerre de Corée, certains soldats américains sont spécialement entraînés pour résister aux méthodes d’interrogatoire qu’ils pourraient subir des mains de leurs ennemis. Les méthodes prônées par le Département de la justice s’inspirent de ces entraînements. Or, l’Amérique ne torture pas ses propres soldats. Donc, ces agissements ne peuvent être considérés comme de la torture. C.Q.F.D.

Que les experts chargés de conseiller la Maison-Blanche sur les questions légales puissent avoir adopté un raisonnement si sommaire (et que la Maison-Blanche les ait écoutés) est déjà une énigme en soi. Mais surtout, comme le résumait cette semaine un rapport très sévère d’une commission sénatoriale, cette manière de jouer avec les mots démolit ce qu’il pouvait encore rester de respectabilité à l’administration Bush. «Ce sont les politiques de George Bush qui ont amené directement à Abou Ghraib», résumaient les sénateurs en faisant référence aux photos de prisonniers malmenés dans la prison irakienne qui ont fait le tour du monde. Envolée, la justification de la Maison-Blanche selon laquelle ces pratiques étaient le fait de «quelques pommes pourries».

Ces mémos, en réalité, soulèvent autant d’interrogations qu’ils en résolvent. En apprenant que Khaled Cheikh Mohammed, l’un des cerveaux du 11 septembre, avait enduré 183 fois le supplice dit de la «simulation de noyade», se pose en effet la question de savoir ce qu’il pouvait encore avouer. Des détails sur d’éventuels attentats en préparation, comme l’ont affirmé jusqu’ici des responsables sans en apporter la moindre preuve? Ou plutôt, comme le suggèrent certains, un «aveu» du prétendu lien qui unissait Al-Qaida et Saddam Hussein? Ce lien a été démontré inexistant par la suite. Mais c’est sur lui qu’était fondé le déclenchement de la guerre contre l’Irak.

A ces questions s’ajoute cependant la plus centrale: jusqu’où faire remonter les responsabilités? A Condoleezza Rice, dont certains documents prouvent qu’elle était au courant de ces directives? Au vice-président Dick Cheney? Les Etats-Unis n’aiment pas l’idée de «criminaliser» les agissements des présidents antérieurs. Ils l’ont démontré après le Watergate de Richard Nixon ou le scandale Iran-Contras impliquant Ronald Reagan. «Je ne permettrai pas qu’on criminalise les différences politiques», assurait ainsi cette semaine le ministre de la Justice, Eric Holder, devant des membres du Congrès. Tout en ajoutant: «Mais c’est mon devoir de faire respecter la loi.»

C’est sans doute à Eric Holder lui-même qu’il reviendra de trancher entre ces deux branches de l’alternative, tant Barack Obama semble aujourd’hui indécis sur la direction à prendre. Le ministre dispose de plusieurs options: engager un enquêteur indépendant, lancer des poursuites au Département de la justice ou juger, tout compte fait, que le sujet est trop épineux, et que pareil déballage compromettrait la sécurité nationale. Mais les parlementaires, eux aussi, ont leur mot à dire, qui pourraient décider de créer une «commission vérité

Publié dans Amérique du Nord

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