USA. Africaines-Américaines et femmes autochtones face aux violences sexuelles
« No ! », un cri contre le viol des Africaines-Américaines. Le documentaire d’Aishah Simmons décortique les violences sexuelles. par Habibou Bangré
Aishah Simmons a réalisé le documentaire No ! pour « rendre visibles » les violences sexuelles commises au sein de la communauté africaine-américaine. Elle-même « survivante » d’un viol, la jeune femme a tourné ce film bouleversant et plein d’espoir sur onze ans, faute de financements..
Aishah Shahidah Simmons le dit et le répète : elle n’est pas une « victime » du viol, mais une « survivante ». Cette jeune femme de 39 ans a souffert de cette agression mais est parvenue à trouver la force de la surmonter. Mieux, en 1994, elle a commencé à tourner un documentaire pour « rendre visibles » les viols perpétrés au sein de la communauté africaine-américaine. « J’ai réalisé "No !" pour sauver ma vie. C’était une thérapie, mais aussi un acte militant. C’était ma contribution pour le combat contre les violences faites aux femmes », explique Aishah Simmons.
Lorsque cette activiste parle de la production de son film, elle fait référence à un « voyage ». Un voyage pendant lequel elle a parcouru les Etats-Unis pour interroger des « survivantes » du viol, des universitaires - dont sa mère, elle-même victime d’agression sexuelle -, des théologiennes, des sociologues, des historiennes, des anthropologues et des militants des droits humains, parmi lesquels on compte son père. Un travail de fourmi qui aura duré onze ans. (…)
Le résultat : un documentaire bouleversant et poignant qui dévoile entre autres que le viol d’une Africaine-Américaine par un Africain-Américain n’était pas considéré comme un crime dans la communauté noire au temps de sa lutte pour les droits civiques (années 60). Pire, celles qui s’aventuraient à dénoncer l’abus étaient taxées de « traîtres ». Par les hommes noirs, mais parfois également par les femmes.
Quant au viol des lesbiennes africaines-américaines, il repose sur les mêmes justifications que dans les autres communautés homophobes. « Il est utilisé contre les lesbiennes comme une arme par les Africains-Américains machistes, commente Aishah Simmons, qui se qualifie de "féministe et lesbienne qui s’assume complètement". Ils pensent que si une femme est lesbienne, c’est qu’elle n’a pas rencontré le bon homme. Alors ils la violent pour qu’elle devienne hétérosexuelle. »
Ces violences sexuelles contre les Africaines-Américaines, Aishah Simmons les explique notamment par « la colonisation et l’esclavage qui ont participé à l’idée qu’une femme noire ne peut pas être violée ». Elle précise son raisonnement : « Durant cette période, on disait aux Noirs que leur corps ne leur appartenait pas. Cette culture est restée inconsciemment encrée dans la communauté, c’est pourquoi certains considèrent que violer une femme africaine-américaine n’est pas si grave ».
Le labyrinthe de l'injustice : les femmes autochtones sans protection face aux violences sexuelles (Amnesty International)
En 2003, deux hommes blancs ont violé, battu et jeté du haut d'un pont une femme amérindienne. Elle a subi de graves blessures mais a survécu. L'instigateur de ces actes et son complice ont été respectivement condamnés à soixante et à dix ans d'emprisonnement. Cependant, lorsque cette affaire avait été jugée une première fois devant une cour d'État, les jurés n'avaient pas réussi à se mettre d'accord sur la décision à rendre. Lorsqu'il leur a été demandé pourquoi, l'un d'eux a déclaré : «C'était juste une Indienne alcoolique de plus.»
Aux États-Unis, les violences sexuelles contre les femmes autochtones sont très répandues. D'après les statistiques du gouvernement, les femmes amérindiennes et autochtones de l'Alaska courent 2,5 fois plus de risques d'être violées ou victimes d'une autre forme d'agression sexuelle que les femmes américaines en général. Cette violence est généralement passée sous silence, et lorsqu'elle est reconnue, la responsabilité en est souvent rejetée sur la victime ou sur la société autochtone dans son ensemble.
Les statistiques tendent à indiquer que les victimes de viol amérindiennes et autochtones de l'Alaska présentent souvent plus de blessures que d'autres victimes de viol. Selon le département de la Justice des États-Unis, dans 86 p. cent des cas signalés de viol ou d'agression sexuelle visant des femmes amérindiennes ou des femmes autochtones de l'Alaska, la victime indique que l'acte a été commis par un homme non autochtone. En revanche, pour ce qui est des femmes non autochtones, les statistiques indiquent que les violences sexuelles sont commises en majorité par des agresseurs ayant des origines identiques à celles de la victime.