Tchad. Concert de casseroles à N’Djamena

Publié le par unmondeformidable

Concert de casseroles à N’Djamena par H. Marie Ouédraogo. (« L’Observateur ». Ouagadougou.05/09)

Dans la matinée du 14 mai dernier, Ouagadougou était le théâtre d’un spectacle insolite : des travailleurs assis à même le bitume et brandissant sacs de provisions et casseroles aussi vides les uns que les autres. Ce matin-là, une marche a drainé des milliers de manifestants, couverts et ustensiles de cuisine en main, avant un meeting à la Bourse du travail. L’idée a fait des émules, puisque quelques mois après la capitale des Hommes intègres, c’est au tour de N’Djamena de manifester d’une manière tout aussi singulière contre un phénomène qui n’épargne personne : la vie chère.

En effet, c’est à l’appel de la principale coalition de l’opposition politique au Tchad que les habitants de N’Djamena lanceront, dès ce matin, ce que l’on intitule déjà « l’Opération casseroles vides ». Il s’agira, durant ce week-end, de faire du chahut tous les matins dès 6 heures et ce, durant 15 minutes, pour rappeler à ceux qui dirigent le pays que leurs concitoyens ont faim.

Il faut dire qu’au Tchad, en plus de la flambée des prix des denrées de première nécessité, les consommateurs doivent faire face à une crise énergétique : depuis décembre en effet, le gouvernement d’Idriss Deby, soucieux qu’il est de préserver l’environnement, a purement et simplement interdit l’utilisation, dans les foyers, du charbon et du bois de chauffe. Place donc au gaz butane et tant pis pour la grande majorité des ménages, qui n’étaient pas préparés au changement. En ces temps de vie chère, il n’en fallait pas plus pour attiser le feu de la révolte et de la contestation. « Trop, c’est trop », estime-t-on donc dans la capitale, où, depuis de longues semaines, les problèmes s’accumulent dans un climat social devenu, faute de fumée dans les cuisines, délétère. C’est cher payer la préservation de l’environnement et la lutte contre la coupe abusive du bois, responsable, il est vrai, de la désertification galopante dans nos pays sahéliens.

Si N’Djamena, prenant conscience du péril qui menace les générations futures, a décidé de prendre le taureau par les cornes, il faut reconnaître que la méthode choisie pour le faire était des plus radicales. Surtout quand on sait qu’au Tchad, comme dans le reste du Sahel, pour l’écrasante majorité des foyers, le bois de chauffe et le charbon sont les seules sources d’énergie domestique.

Dans un pays où la répression a été érigée en réflexe conditionné, l’Opération casseroles vides est apparue comme la réplique citoyenne la moins risquée face à des mesures qualifiées d’antisociales.

A N’Djamena, le bras de fer est donc engagé entre, d’une part, les tenants du pouvoir autoproclamés défenseurs de l’environnement, et, d’autre part, l’opposition et la société civile, portées à la tête de la révolte des casseroles vides. Avec un peu de chance, les échos du concert de casseroles de ce week-end parviendront jusqu’au palais présidentiel, obligeant son locataire, si tôt levé, à se pencher davantage sur les préoccupations quotidiennes de ses électeurs.

Publié dans Afrique centrale

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article