Somaliland. Un pays mis en quarantaine par la communauté internationale

Publié le par Un monde formidable

Somaliland. Un pays mis en quarantaine par la communauté internationale par Ali Adem (Source  Les Nouvelles. Org)

 Ali Adem, correspondant-résidant des Nouvelles d’Addis en Éthiopie et chef du bureau d’Addis-Abeba du journal est allé en reportage à Hargeisa, capitale du Somaliland, du 24 au 28 juin 2001. Son voyage a été organisé par Ali Mohamed Waran’adde, ministre de l’Information somalilandais. Notre équipe a préparé ce reportage sous la direction efficace d’Ilwaad Nuur [fille de Nuur], amie canadienne du journal. Dans son carnet de rendez-vous, un entretien avec Mohamed Ibrahim Egal, président de la République, était programmé qui n’a pu avoir lieu. Les obligations de la fête nationale (26 juin) en seraient la cause. Au cours de son reportage, Ali a rencontré des gens qui semblaient unanimes dans leur désir de paix et de reconnaissance. Un profond respect de l’Éthiopie et des Éthiopiens aussi. Voici son analyse.

Un pays mis en quarantaine par la communauté internationale qui voudrait voir sa réunification avec la Somalie (sa voisine du sud). Un pays qui est né la même année que l'Érythrée, ayant les mêmes motifs pour revendiquer l’indépendance et ayant subi la même influence : le protectorat anglais. Cependant, l’Érythrée a été reconnue comme étant un État indépendant, mais pas le Somaliland. Le mystère reste entier !

Ce pays semi-aride possède une économie quasi-vivrière basée à plus de 70% sur l’agriculture (blé, maïs et… khat (1)) et l’élevage (ovins et bovins pour l’exportation, dromadaires pour le transport et la consommation). Or, pour certains, l’embargo, mis récemment sur les produits d’exportations a porté un coup désastreux à cette économie chancelante. Les Somalilandais (selon l’appellation d’un autochtone) sont confiants en leur avenir. La diaspora s’est mobilisée pour un retour en masse vers la patrie et la reconstruction d’un pays qui porte les séquelles d’une guerre fratricide. Les mots “indépendance” et “liberté” sont fanatiquement prononcés par tout le monde, comme on s’y attendrait dans tout pays jeune. Pourtant, il ne suffit pas de jouir de cette indépendance ; il faut aussi nourrir des centaines de milliers voire des millions de bouches qui attendent l’aide internationale. Cette aide internationale, autant convoitée par les autorités que par la population et qui, selon les optimistes, servirait de tremplin à la croissance économique. Les gens sont conscients que la seule chance du Somaliland d’être reconnu comme État indépendant est sa présence sur l’échiquier international.

À commencer par la discipline du travail : les gens ne travaillent que le quart ou, dans le meilleur des cas, le tiers des heures ouvrables, le reste étant occupé par le khat que tout le monde consomme sans distinction d’âge, de sexe, ou de statut. L’autre entrave au progrès est le fatalisme à l’égard du temps : « Pourquoi aller vite ? Même si on ne va pas vite, la vie, en soi, est courte ! » entend-on dire partout, à l’ombre des arbres sous lesquels on “broute” le khat à partir de 11 heures du matin ! Souvent, la rapidité est associée à la nervosité. Tout est pour le mieux dans la plus lente des sociétés ! Pourtant, on ne peut pas passer outre l’hospitalité des Somalilandais, leur volonté de sortir de l’impasse de la pauvreté et de poursuivre un idéal pacifiste comme à l’extérieur.

Le 26 juin dernier, le Somaliland a fêté le 41ème anniversaire de son indépendance. Ainsi, trente-et-une années d’oppression ne sont plus que des souvenirs torturants. Aujourd’hui, la République du Somaliland a un parlement et un président élu en 1993, réélu en 1997 et ayant les chances de l’être en 2001. Les clans essaient de plus en plus de gommer leurs divergences. La priorité semble être donnée à l’éducation avec l’ouverture de deux universités, à Hargeisa et à Borama, même si celles-ci sont payantes (120 $US par trimestre !). Comparé à Djibouti et à Mogadiscio ceci est un élément valorisant. L’industrie est inexistante mais il y a quand même quelques usines (pâtes alimentaires, produits plastiques, farine,…) qui emploient une main d’œuvre locale. Dans les années à venir l’accent sera mis sur la santé et les travaux publics.

Le gouvernement somalilandais se veut partisan de la paix et de la stabilité de la région. Ses rapports avec l’Éthiopie n’ont jamais été aussi bons depuis l’indépendance de 1960 et plus tard la destitution de l’ancien dictateur Ziyad Barré. Ce rapprochememt a été couronné par l’ouverture d’une ligne aérienne Addis-Hargeisa. N’est-ce pas là une relation exemplaire que l’Éthiopie devrait avoir avec ses autres voisins ?

(1) Le khat (ou qat, ou tchat) est un alcaloïde dont on mâche les feuilles, qui procure une légère sensation d’euphorie et coupe la faim et la fatigue. Dangereux pour les dents et le système nerveux, il crée une dépendance psychologique.

 

 

 

 

Publié dans Afrique de l'Est

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