Russie-Afrique. Le retour de l’ours russe
Tournée fructueuse de Dmitri Medvedev (Source RFI - 26/06/09)
Le président russe vient d'achever une tournée en Afrique. Une visite axée sur l’énergie. Plusieurs accords ont été conclus entre Moscou et les 4 capitales visitées en 4 jours. Cette tournée de Dmitri Medvedev signe un retour de la Russie sur le continent africain, une vingtaine d’années après la fin de la guerre froide.
Vingt ans après la fin de la guerre froide, c'est le volet économique et non pas géopolitique qui a marqué le voyage du chef du Kremlin en Afrique. En témoigne les pays visités : l’Egypte, premier partenaire commercial africain de la Russie, le Nigeria et ses importants gisements de gaz ; la Namibie et son uranium, dont elle est devenue le 4e producteur mondial. Même si c’est plutôt un contrat gazier, d’1 milliard de dollars, qui a été signé à Windhoek.
L’étape de Luanda n’en est pas moins importante. Au-delà du renforcement des relations historiques (Moscou a appuyé l’Angola dans sa lutte pour l’indépendance puis les gouvernements du MPLA pendant la longue guerre civile), la Russie ne veut pas rester à l’écart d’un pays où les géants économiques se ruent aujourd’hui.
Dmitri Medvedev est donc allé consolider la présence russe dans le secteur du diamant. Les Russes s'intéressent aussi à l’exploitation des gisements terrestres du pétrole angolais, Américains, Français et Chinois dominant l’offshore. Un intérêt partagé par Luanda. Depuis cinq ans, la politique du président Dos Santos est d'éviter un face-à-face avec un petit nombre de pays partenaires.
La Russie veut donc se faire une place en Angola et imiter la Chine ou le Canada, qui y ont ouvert des lignes de crédits se comptant en plusieurs centaines de millions de dollars.
Le retour de l’ours russe. Par Alain Saint Robespierre (L’Observateur. Ouagadougou. 24/06/2009)
L’Histoire semble se répéter pour l’Afrique. Les puissances occidentales se disputent de nouveau les immenses ressources naturelles dont regorge le continent noir. Contrairement à la course aux matières premières, principale cause de la colonisation, où la conquête des pays des « barbares » s’est effectuée au son du canon et à la pointe de la baïonnette, cette fois-ci, c’est protocoles de partenariat en main que les riches et les émergents écument les terres africaines.
Jadis paisible condominium franco-britannique, le « Berceau de l’humanité » est aujourd’hui écartelé par une nouvelle meute de voraces industriels aux appétences inextinguibles. Le luxuriant pré carré que se partageaient exclusivement le coq français et la baleine anglaise est actuellement rogné de toutes parts par de nouveaux gloutons. Après l’ogre chinois qui se taille, depuis une dizaine d’années, chaque jour davantage une bonne place au soleil africain, ce furent l’Inde, le laboratoire du monde, et le Brésil, pays émergent, depuis quelques temps, qui se sont épris du continent.
Alors que les prétendants rivalisent d’opérations de séduction comme ces sommets-spectacles de la France-Afrique, du Commonwealth, de l’Inde-Afrique, du Brésil-Afrique et tutti quanti, coucou, voilà un nouveau convive : en effet, l’ours russe, ainsi qu’on appelle la Russie, qui n’entend pas s’en laisser compter, sort subitement de sa longue hibernation, alléché, lui aussi, par les matières premières d’Afrique.
Dès aujourd’hui 24 juin 2009 et ce, jusqu’au vendredi 26, le chef du Kremlin, Dimitri Medvedev, entame une tournée africaine qui le conduira en Egypte, au Nigeria, en Namibie et en Angola.
A Abuja, première étape de ce voyage, et à Luanda, il sera question d’accords énergétiques au grand bonheur du géant Gazprom. A Windhoek, une forte odeur d’uranium se dégagera de la rencontre entre le président namibien et son hôte venu du froid.
Après une présence idéologique au temps de la guerre froide, la Russie, naguère figure de proue de la constellation communiste que constituait l’ex-Union Soviétique, est de retour sur ses pas. Un come-back qu’effectue l’ours russe désormais chaussé des larges bottes du capitalisme. Une époque est révolue.
Plus la demande est élevée, mieux le marché se porte. Donc plus les pays développés se bousculent à nos portes, mieux nos produits bruts se vendront. En principe. Mais, dans la réalité, cette loi du marché n’est pas toujours de rigueur. Car, bien souvent, derrière ces appellations pudiquement qualifiées de partenariats économiques, se cachent des contrats léonins que se taillent bien de nos « pays amis ».
Si à tout cela on ajoute les passes-droits, les prébendes, les pots de vin et autres formes de prédation que s’octroient les baronnies locales, c’est dire, in fine, que ces accords bilatéraux ne sont ni plus ni moins qu’une chaîne d’escroqueries au bout de laquelle pendent les populations africaines. Mais revenons à l’offensive commerciale russe pour craindre qu’à l’instar de Pékin, Moscou, pour s’assurer des parts de marché juteux, ne soit plus regardant sur les ressources minières et énergétiques que sur la situation des droits de l’homme en Afrique.