Royaume Uni. Tidjane Thiam refuse de démissionner de Prudential
Tidjane Thiam refuse de démissionner de Prudential par Eric Albert. (Le Temps. Ch. 08/06/10)
Après l’échec de l’acquisition d’AIA, l’assemblée générale du groupe britannique a été houleuse. Harvey McGrath, président, a exprimé ses regrets aux actionnaires C’est une erreur qui coûte plus d’un demi-milliard de francs à Prudential, et ses actionnaires n’ont guère apprécié.
Après l’échec retentissant la semaine dernière de l’acquisition d’AIA, la branche asiatique d’AIG, Tidjane Thiam, le directeur de Prudential, a vécu ce lundi trois longues heures houleuses face à ses actionnaires. L’assemblée générale de l’assureur britannique, qui se tenait à Londres, a tourné de façon répétitive à un appel à sa démission. «Vous avez échoué, vous êtes un déshonneur», lance Anthony Watts, un petit actionnaire, sous les applaudissements nourris de la salle. «Vous ne comprenez pas la gravité de votre erreur», ajoute un deuxième. «Ce serait une erreur de se débarrasser de vous deux (président et directeur général) en même temps, estime un troisième. Je pense qu’il faudrait d’abord que le directeur parte, suivi du président quelques mois plus tard.»
Cette colère fait suite à l’échec de Prudential à acheter AIA. Début mars, Tidjane Thiam avait lancé une acquisition à 35,5 milliards de dollars (41 milliards de francs), nécessitant une gigantesque augmentation de capital de 20 milliards. Cela lui aurait permis de devenir le leader de l’assurance vie en Asie, marché en pleine expansion. Face à l’opposition des principaux actionnaires, qui estimaient le coût de l’opération beaucoup trop élevé, le patron franco-ivorien a tenté de renégocier le prix de l’acquisition. Mais il a buté sur le rejet du conseil d’administration d’AIG. Cet échec se solde immédiatement par une facture de 450 millions de livres (760 millions de francs) pour Prudential, qui se divise entre les frais pour les banques conseils et le coût de la rupture de l’accord avec AIG.
Le conseil d’administration refuse cependant le départ de son directeur. «Si j’avais l’impression d’avoir fait une erreur, je n’hésiterais pas à présenter ma démission, explique Tidjane Thiam. Mais je ne le crois pas.» Selon lui, le risque que l’acquisition échoue valait d’être pris, l’occasion d’acheter AIA étant «unique». Lui et le président du groupe, Harvey McGrath, ont cependant présenté leurs excuses publiquement. «Je regrette profondément (cet échec)», affirme Tidjane Thiam. Il souligne cependant que Prudential n’est pas une entreprise en crise, et que ses fondations demeurent. Sur les cinq premiers mois de l’année, les ventes ont progressé de 27%, tirées par l’Asie. Et les bénéfices ont progressé de 34% au premier trimestre.
Enfin, derrière la colère des petits actionnaires – ceux qui se sont exprimés étaient essentiellement des retraités, aux participations très limitées –, l’assemblée générale de ce lundi ne change pas grand-chose pour Prudential. Les grands actionnaires ont pour l’instant décidé de soutenir Tidjane Thiam. Cela pourrait cependant ne pas durer: selon la presse britannique, deux des principaux actionnaires souhaiteraient un retour de Mark Tucker, l’ancien directeur du groupe. Schroders, un fonds d’investissement, a publiquement appelé vendredi au départ de Tidjane Thiam. Si ce dernier a obtenu un sursis pour l’instant, il reste dans une position très délicate.