Réponse d'Aimé Césaire à Sarkozy-Gaino

Publié le par Un monde formidable

Extraits du discours de  Sarkosy-Gaino prononcé à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar le 26 juillet 2007.

« Le colonisateur est venu, il a pris, il s’est servi, il a exploité, il a pillé des ressources, des richesses qui ne lui appartenaient pas. Il a dépouillé le colonisé de sa personnalité, de sa liberté, de sa terre, du fruit de son travail.
Il a pris mais je veux dire avec respect qu’il a aussi donné. Il a construit des ponts, des routes, des hôpitaux, des dispensaires, des écoles. Il a rendu fécondes des terres vierges, il a donné sa peine, son travail, son savoir. Je veux le dire ici, tous les colons n’étaient pas des voleurs, tous les colons n’étaient pas des exploiteurs. »    (…)

« Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. »    (…)

« Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès.
Dans cet univers où la nature commande tout, l’homme échappe à l’angoisse de l’histoire qui tenaille l’homme moderne mais l’homme reste immobile au milieu d’un ordre immuable où tout semble être écrit d’avance.
Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin. » (…)

« Le problème de l’Afrique et permettez à un ami de l’Afrique de le dire, il est là. Le défi de l’Afrique, c’est d’entrer davantage dans l’histoire. C’est de puiser en elle l’énergie, la force, l’envie, la volonté d’écouter et d’épouser sa propre histoire. »

 

Extraits du « Discours sur le colonialisme ». Aimé Césaire. 1950 (*) et de « Rencontre avec un nègre fondamentale » : entretien d’Aimé Césaire avec Patrice Louis. 2004 (**)

« Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies. (…). On me parle de progrès, de “réalisations”, de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes. Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées. » (*)

(…) « [La négritude] désigne en premier lieu le rejet. Le rejet de l’assimilation culturelle ; le rejet d’une certaine image du Noir paisible, incapable de construire une civilisation.» (*)

(…) « Et c’est la première fois (lorsque Césaire découvre l’“Histoire de la civilisation africaine” de Léo Frobénius à son arrivée en France au début des années 30) que je voyais liés les deux mots : “civilisation” et “africaine” - alors que, pour la vieille tradition, et pas seulement française, mais européenne, l’Afrique, c’était la barbarie, c’était la sauvagerie, c’était l’exotisme. “Histoire de la civilisation africaine” montrait l’unité, la naissance de la civilisation, l’apport éminent de l’Egypte - une Afrique plus rationaliste -, et du monde bantou - une Afrique plus mystique. Tout ça formait une vue d’ensemble qui me donnait beaucoup, beaucoup d’idées. » (**)

(…) « Je veux parler ici de ce système de pensée ou plutôt de l’instinctive tendance d’une civilisation éminente et prestigieuse à abuser de son prestige même pour faire le vide autour d’elle en ramenant abusivement la notion d’universel, chère à Léopold Sédar Senghor, à ses propres dimensions, autrement dit, à penser l’universel à partir de ses seuls postulats et à travers ses catégories propres. » (*)

Publié dans Françafrique

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