Polynésie française. Voir le Pacifique
Voir le Pacifique : L'Océanie, quasi invisible sur les écrans du monde, a aussi son festival, le FIFO, qui aborde l'environnement, les droits des aborigènes ou les ravages du nucléaire par Catherine Bédarida
Un enfant des îles du Pacifique sud passe plusieurs heures par jour devant sa télévision. Sur la trentaine de chaînes accessibles par le satellite, il trouve bien peu d'images de sa région, encore moins celles produites localement. Constatant ce déficit de représentation, Wallès Kotra, réalisateur néo-calédonien, coauteur de Tjibaou, le pardon et à présent président de France Ô, a créé en 2004 le Festival international du film documentaire océanien (FIFO). Pour sa cinquième édition, ce festival, qui s'est tenu à Papeete (Polynésie française) du 29 janvier au 3 février, a proposé un programme d'une cinquantaine de films ainsi que diverses initiatives pour développer le fragile tissu professionnel de la région - ateliers de réalisation, colloque, projections en milieu scolaire.
Si l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou, dans une moindre mesure, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sont dotées d'infrastructures de production, il n'en va pas de même pour de petits pays tels Fidji, Samoa ou la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le FIFO a commencé en projetant des films d'auteurs occidentaux, tournés en Océanie, mais il vise à encourager les projets de réalisateurs locaux.
Environnement, enjeux sociaux et politiques, tensions entre les traditions des îles et la mondialisation : tous ces sujets sont abordés dans les films. La projection d'Un paradis radioactif, du réalisateur anglais Ben Lewis (coproduit par Arte), consacré aux essais nucléaires français à Mururoa, a suscité des polémiques. La question est sensible à Tahiti, située à 1 200 km du site des essais. Le sujet fait peur, alors que les retombées radioactives ont entraîné des maladies. Si les indépendantistes ont souvent alerté l'opinion, les partisans de l'ancien maître de l'île, Gaston Flosse, proche de Jacques Chirac, détrôné en 2005, n'apprécient guère la contestation d'une politique qui a généré des emplois et favorisé l'installation de nombreux militaires.
Le film de Ben Lewis est une enquête sérieuse sur l'histoire de ces essais. Le réalisateur a réuni des témoignages des principaux responsables, Pierre Messmer en tête, et des leaders politiques tahitiens, néo-zélandais et australiens. Il retrace la chronologie, des années 1960 à la reprise des essais en 1995, et rappelle l'attentat contre le Rainbow Warrior, le bateau de Greenpeace coulé en 1985 par les services secrets français.
Avec L'Ile Nickel (production Eurimages), sur l'exploitation du précieux métal en Nouvelle-Calédonie, Patrick Desenne fait, quant à lui, oeuvre pédagogique. Avec une précision scientifique et dans des paysages d'une beauté à couper le souffle, son film expose les problèmes d'environnement sur les sites anciens et sur les nouveaux, situés en zone kanak, exploités à la suite des accords de Matignon (1988).
De son côté, l'Australien John Burgan revient sur le mauvais accueil des réfugiés par son pays. Son documentaire, Friendly Enemy Alien, réunit deux histoires d'exil - celle de juifs allemands expédiés par l'Angleterre en Australie en 1940, et celle d'Afghans fuyant le régime des talibans en 2001 -, qui, dans les deux cas, se sont traduites par de nombreuses violations des droits de l'homme.
Destiny in Alice montre un autre visage de l'Australie, plus gai. Sonja Dare, la réalisatrice, et Caama, la société de production de ce petit film humoristique, sont aborigènes. Leur film est une parodie des films ethnologiques, mais la tribu et les moeurs présentées sont celles de la communauté lesbienne d'Alice Springs, dans le centre du pays, où se mélangent Australiennes blanches et femmes aborigènes.