Nous nous sommes tant aimés

Publié le par Un monde formidable

Nous nous sommes tant aimés par Audrey Pulvar (France Inter. 02/11/10)

Pouvait-il en être autrement ? C’est la question qui vient à l’esprit quand on constate le désamour, voire la haine, qui accompagne chaque geste, chaque prise de parole, chaque promesse de Barack Obama aujourd’hui. Une déception, une amertume à la mesure de l’espoir suscité il y a deux ans par le premier noir président des Etats-Unis. En 2008 nous l’avons élu dit une Américaine, parce qu’il était une projection rêvée de nous-même, ce que nous voulions voir de meilleur dans l’Amérique.

Aujourd’hui certains n’hésitent pas à se demander si ce Président n’est pas purement et simplement stupide et incompétent. Quand ils ne le soupçonnent pas, et c’est très sérieux dans leur bouche, de vouloir mettre les Etats-Unis sous la coupe d’une puissance étrangère, parce qu’avec un nom pareil quand même, et surtout un deuxième prénom, Hussein, hein, avec ça, tout ça, sa vie un peu étrange, tellement hors-norme.  24% des citoyens des Etats-Unis pensent que Barack Obama, en plus d’un marxiste, léniniste et irresponsable est une réincarnation de… l’antéchrist. Eh ouais… ! Pouvait-il en être autrement, quand on mesure les chantiers ouverts devant le 44ème Président américain : faire face à la pire crise financière mondiale depuis 1929, restaurer la confiance de ses concitoyens, combattre le chômage, la spéculation sur les matières premières, les effets de la crise des subprimes pour l’américain moyen, le surendettement de cet américain moyen et de son pays, les dérives de la mondialisation, la bagarre des monnaies, le réchauffement climatique, rénover le capitalisme mondial, réformer un système de santé inégalitaire au possible, améliorer le système éducatif et remettre en chantier des infrastructures antédiluviennes, sans oublier deux guerres à mener et à finir. Qui pouvait croire qu’en deux petites années, Barack Obama résoudrait à lui seul tous ces problèmes. Qui ? Eh bien… nous ! Obamaniaques du monde entier qui lui prêtions toutes les vertus. Oh, il y en eut bien qui se montraient raisonnables : non Barack Obama ne pouvait pas marcher sur l’eau, non il ne résoudrait pas tous les problèmes de la première puissance mondiale, et donc collatéralement de la planète, par la force de son esprit, oui il s’agissait d’un Américain défendant d'abor les intérêts des Américains dans le monde, mais globalement, son élection nous laissa… baba ! Sur toute la planète.

Et bien voilà, on y est : deux ans après, élections de mi-mandat. La Chambre des représentants, les députés américains, à renouveler, 50 sièges de gouverneurs et le tiers des sièges du Sénat en lice. Ce que promettent les sondages et les spécialistes de tous poils à longueur d’édito, d’émissions et de chroniques à Barack Obama ? Une ra-clée !  Le Président remède à tous les maux ne convainc plus. Sa parole tourne à vide, même auprès de ses plus fidèles soutiens. Au mieux lui reconnaît-on du courage, mais trop peu de réussite, au pire le traite-t-on de rat ou de terroriste. La plupart s’accordent pour dire qu’il aurait trop cédé aux marchés, que Wall Street ferait sa loi à la Maison Blanche, et qu’un pays où banquiers et assureurs se gobergent alors que la classe moyenne, en voie de disparition aux Etats-Unis, perd sa maison, son travail et ses cartes de crédit, est un pays qui va mal. Et même s’enfonce dans la pauvreté au point de devenir, postule une célèbre éditorialiste, un pays du tiers-monde.

Provocation ? Voire… L’état des écoles, l’abandon dans lequel sont laissés des quartiers entiers, le manque de travail, partout et la misère qui gagne, inexorablement. 60 millions d’Américains ne sont pas ou peu employés. 30% d’entre-eux quittent le système scolaire sans aucune qualification. Le problème de ce pays, nous dit Barbara Anderson que vous entendrez à 6h45, c’est que les pauvres deviennent toujours plus pauvres et les riches toujours plus riches.

De ce marasme émergent les fameux promoteurs du « tea party », promoteurs-amateurs, ils le revendiquent. Ne pas être du sérail, n’avoir aucune expérience en politique, c’est justement leur marque de fabrique. Leur moteur, leur leitmotiv, leur raison d’être ? La peur ! Peur du déclassement, peur de perdre sa maison, peur de voir ses enfants dans la galère, peur des attentats, peur que la situation ne s’arrange pas. 35 % des Américains seulement pensent que leur pays va bien. Les autres s’apprêtent à dire leurs angoisses, dans l’isoloir.

Publié dans Obama

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