Noël : cent millions de chrétiens sous surveillance
Noël : cent millions de chrétiens sous surveillance par Jean-Marie Guénois (Le Figaro. 25/12/2009).
Là, ils sabrent le champagne, ici, ils sont dans la disette. Sur les deux milliards de chrétiens qui fêtent Noël jeudi soir - y compris les 215 millions d'orthodoxes même s'ils le célébreront le 6 janvier 2010 - la mémoire de la naissance du Christ suscite une joie unique mais leurs situations politiques sur le globe parcourent toute l'échelle de la liberté. Jusqu'à la privation. Plus de cent millions de chrétiens, soit 5 % d'entre eux, vivent en effet un Noël sous contraintes. Sans oublier que ce calcul ne retient que les pays où la restriction de liberté est visible avec son cortège de brimades publiques, d'emprisonnements ou de violences, à cause de la foi chrétienne. Il n'intègre pas des pays comme l'Arabie saoudite où toute célébration chrétienne est purement et simplement interdite et où bon nombre d'expatriés, philippins notamment, célèbre un Noël clandestin.
Pour inquiétant que soit le tableau au Soudan, en Irak, au Pakistan, et pour complexe qu'il soit en Chine, il faut relever des signes d'améliorations au Vietnam. Les catholiques y sont devenus la seule force de résistance contre le régime. Un gouvernement qui semble d'ailleurs vouloir composer puisque des relations diplomatiques sont en vue avec le Vatican et l'on va jusqu'à évoquer un voyage du Pape… Améliorations sensibles, également, en Inde où, après une année 2008 dramatique, la situation s'apaise sauf dans les États où le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP) - vitrine politique du mouvement extrémiste hindou - figure dans les coalitions de gouvernement.
(...) Terre sainte. Mardi, le patriarche latin de Jérusalem, Mgr Fouad Twal, y a présenté, comme chaque année, son message de Noël. Ce Jordanien, ancien archevêque de Tunis, que Rome a nommé à ce poste en 2005 pour arrondir les angles avec Israël après le rude patriarcat de Mgr Michel Sabbah, a toutefois présenté sans concession la situation des chrétiens de Terre Sainte. «Nos rêves d'une Terre sainte réconciliée semblent une utopie», a-t-il lancé, parce que «nous tous, Palestiniens et Israéliens, avons échoué à faire advenir la paix». Et d'énumérer une série de constats tout d'abord pessimistes : les Palestiniens «souffrent toujours de l'occupation, de difficultés économiques, de la destruction de maisons à Jérusalem-Est et de divisions politiques internes (…) un an après la guerre, Gaza souffre encore du siège, des entraves à la liberté de mouvement, de la contamination de son eau douce et de la pollution de la mer par les eaux usées» ; Jérusalem, qu'il souhaite «une ville universelle pour les trois religions et les deux peuples» risque de devenir une «ville exclusive», et le patriarche de déplorer les agissements récents de «juifs fondamentalistes» ; les Israéliens, enfin, qui «vivent dans une grande peur, ce qui les empêche de prendre des décisions courageuses pour mettre fin au conflit», se disant déçu par le «retard pris» pour «l'échange de prisonniers».
Plus optimistes, il a tout autant insisté sur des perspectives d'espérance : «Le gel partiel de la construction de colonies et la suppression de plus de cinquante check-points en Cisjordanie» : un «pas en avant» pour «la liberté de mouvement des Palestiniens» ; le fait que les «Palestiniens expriment de plus en plus leur résistance de façon non violente» ; la «générosité de la communauté internationale» pour panser les plaies de la guerre à Gaza.
Bonne nouvelle, enfin, pour les habitants de Terre sainte dont beaucoup de chrétiens vivent du tourisme, «la venue massive de pèlerins». L'année 2009, a souligné le patriarche de Jérusalem, «égalera l'an 2000», pourtant année jubilaire de tous les records. Et de conclure en un clin d'œil : l'annonce de la construction d'une clinique pédiatrique «Benoît XVI» à Bethléem !