Nigéria. La justice se penche sur le rôle de Shell au Nigeria
La justice se penche sur le rôle de Shell au Nigeria Par Pierre-Alexandre Sallier (Le Temps. Ch. 26/05/09)
La «major» va être amenée à répondre, à partir de mercredi, devant un tribunal new-yorkais, d’accusations de crimes contre l’humanité. La justice doit se pencher sur une éventuelle implication de Shell dans l’exécution en 1995 de neufs activistes par l’armée nigériane. Parmi ces militants figurait l’écrivain et militant des droit de l’homme Ken Saro-Wiwa
Alors que les violences redoublent dans le delta du fleuve Niger, Royal Dutch Shell comparaît à partir de mercredi devant un tribunal new-yorkais pour son éventuelle responsabilité dans l’exécution de neuf militants de la région. La compagnie pétrolière doit notamment répondre d’accusation de crimes contre l’humanité, ce qui la conduit à être traduite devant la justice américaine.
L’affaire remonte à 1995. L’écrivain et défenseur des droits de l’homme nigérian Ken Saro-Wiwa est alors condamné à mort par un tribunal militaire et pendu avec huit autres activistes à Port Harcourt. Officiellement pour avoir participé au meurtre de plusieurs politiciens locaux. Selon les plaintes déposées par les proches des activistes, ces exécutions seraient liées à leur opposition aux conditions dans lesquelles la «major» pétrolière exploitait depuis 1958 les gisements situés dans la région habitée par le peuple Ogoni.
Fondé par Ken Saro-Wiwa, le Mouvement de survie du peuple Ogoni dénonçait depuis plusieurs années les dégâts environnementaux provoqués par l’extraction pétrolière. Le mouvement demandait également une répartition des richesses pétrolières plus favorables. Contraignant Shell à quitter la terre Ogoni en 1993, l’activisme du Mosop lui avait valu les foudres du régime du général Abacha.
Dans une plainte déposée en 2003, les proches des activistes exécutés accusaient le responsable de la compagnie pétrolière au Nigeria «de collaboration et de complicité avec la junte militaire afin de supprimer impitoyablement toute opposition à ses activités dans la région Ogoni et le delta du Niger». Le groupe pétrolier aurait offert son soutien logistique et financier aux forces policières et militaires et «participé à la planification et à la coordination d’opération de «sécurité» dans la région, de raids et de campagnes de terreur». En mars 1995, «des responsables de Shell auraient rencontré à Londres le haut-commissaire nigérian ainsi que des hauts gradés afin de discuter d’une stratégie commune au sujet de Ken Saro-Wiwa et du mouvement Ogoni», ajoutent les plaignants. Selon un porte-parole du groupe anglo-néerlandais, ces «accusations sont fausses et infondées», Shell n’ayant «en aucun cas encouragé ou prôné de quelconques actes de violences». Qualifiant l’exécution des neufs militants «d’actes tragiques perpétrés par le gouvernement qui dirigeait alors le Nigeria», la compagnie pétrolière rappelle qu’elle avait «tenté de persuader les autorités de les gracier; un appel à la clémence qui, comme de nombreux autres, est resté sans effet».