Mali. Visite d’une mine avec ce « diable » d’Oxfam

Publié le par Un monde formidable

Visite d’une mine avec ce « diable » d’Oxfam par Issa K. Barry. (L’observateur Paalga.18/08/09)

Le lecteur a certainement déjà remarqué l’émerveillement d’un enfant dans un parc d’attraction ou lorsqu’un de ses géniteurs lui achète son premier vélo. C’était un peu le même état d’esprit chez les hommes de médias dans la bibliothèque des roches, jeudi dernier à la direction nationale de la Géologie et des Mines du Mali (DNGM). Qui peut, en effet, rester insensible au toucher d’un échantillon de roche qui contient de l’or et d’autres métaux précieux ?

Et que dire de ces fossiles, ces cailloux qui ont pris la force d’anciens animaux aujourd’hui disparus et qui existaient il y a des milliards d’années, quand le désert malien était aussi verdoyant que l’Afrique équatoriale aujourd’hui ? Et en matière d’équipement, le DNGM n’a pas à rougir. D’ailleurs, a fait remarquer un responsable de la salle d’informatique et de cartographie, les spécialistes occidentaux (Ndlr : que voulez-vous, c’est la référence dans les anciennes colonies) qui viennent leur rendre visite le reconnaissent. « Je ne me plains pas. Chaque fois que je demande un équipement, on me le fournit », a, par ailleurs, confirmé la directrice du centre de documentation.

« Oxfam-America, c’est le diable. Cette ONG veut la disparition de l’industrie minière en Afrique », s’est insurgé le directeur général de la mine de Morila, Samba Touré. Drôle de toast de bienvenue ! C’était d’autant plus gênant que le représentant de la structure faisait partie de la délégation de journalistes.  Et c’est d’ailleurs elle qui a activement contribué à l’organisation de ce séminaire, donc de la visite de la mine d’or de Morila. Réponse du tic-au-tac d’Aliou Bassirou, son chargé de communication : « Oxfam-America n’a jamais visé l’arrêt de l’activité minière. Au contraire ! Par contre, elle est regardante sur la protection de l’environnement et lutte pour que les mines profitent à la population et qu’elles ne leur soient pas une source de malheur comme dans beaucoup de pays africains ».  Et l’hôte des lieux de lui concéder, fair-play : « Je suis très heureux de l’apprendre. Nous pouvons donc collaborer ». Rires dans la salle. Le quiproquo ayant été levé, la visite pouvait démarrer avec ce responsable de mine disponible, qui a accepté de recevoir des journalistes pendant une période morte et qui, de surcroît, a fait démarrer les machines ce jour-là pour mieux étancher la soif d’apprendre des hôtes.

Morila, c’est un partenariat tripartite entre AngloGold Ashanti (40%), Randgold (40%) et l’Etat malien à hauteur de 20%. De 2001 à 2009, la contribution de cette infrastructure à la communauté locale est de 1657 millions de FCFA. Mieux, de 2004 à 2009, la commune de Sanso, qui abrite la carrière, a reçu pour les droits de patente 1 milliard 57 millions de francs CFA. Qui dit mieux ? Et si l’on se fie aux explications des responsables de Morila, un impressionnant programme de gestion de l’environnement a été mis en branle. Pour l’après-mine, le leitmotiv de ses acteurs, c’est : « Laisser quelque chose derrière ».

Dans le but de continuer avec cette mission de création de richesses, un ambitieux projet d’agrobusiness a pris corps pour ne pas laisser une ville fantôme une fois l’extraction d’or terminée. Les produits et activités suivants sont prévus sur une superficie de 300 à 5000 ha : culture de riz, de maïs, de sésame, embouche et insémination de bétail, élevage de volaille, pisciculture.  Pour faciliter la réussite de cette activité, Morila a promis de léguer ses infrastructures et équipement à la zone. Il s’agit de la retenue d’eau, des carrières, des pompes et des canalisations, de la centrale thermique, des cuves de l’usine (à utiliser comme silos à grains), des entrepôts, des logements du camp (y compris les chambres froides), des équipements mobiles comme les tracteurs, les camions, les chargeuses, etc. Tous ces biens seront laissés aux bons soins de la communauté. Avec cet important legs, l’on peut raisonnablement estimer que si les populations ne réussissent pas leur reconversion et que la commune devient une ville fantôme, les habitants ne devront s’en prendre qu’à eux-mêmes. Pendant que Samba Touré trouvait du plaisir à guider ses hôtes du jour à travers les installations et réalisations de la mine dont il a la charge, une autre surprise l’attendait.

A son insu, l’UJAO (Union des journalistes de l’Afrique de l’Ouest), à travers son président, Ibrahim Famakan Coulibaly, avait en effet décidé de faire la cérémonie de clôture de son atelier en ces lieux. Et celle-ci s’est tenue sous un appâtâmes, et tout ce beau monde est resté debout en plus. A parcours atypique, clôture atypique, peut-on conclure en pensant à celui du principal chef d’orchestre qui a commencé géologue avant d’embrasser le métier de journaliste.

Comblé, Ibrahim Famakan Coulibaly le semble, en tout cas, quand on l’écoute faire le bilan du séminaire : « J’ai été très ému quand j’ai vu des journalistes déboucher de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. J’étais d’autant plus satisfait que nous avons informé les responsables d’associations trois ou quatre jours avant le début de l’atelier. Dieu merci, ils ont été très réactifs. Et sans vous flatter, nous avons eu affaire à des hommes de médias professionnels qui n’hésitaient pas à poser toutes sortes de questions ou à faire des contributions. Les conférenciers ont tout aussi été compétents. Mieux, les séminaristes ont pu allier la théorie à la pratique en visitant la direction nationale de la Géologie et des Mines du Mali et surtout une mine, celle de Morila. Tout est donc bien qui finit bien ».

Publié dans Afrique de l'Ouest

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