Le Sahara, zone de convergence des flux de drogue

Publié le par Un monde formidable

 

Le Sahara, zone de convergence des flux de drogue par Angélique Mounier-Kuhn (Le Temps. CH. 10/12/2009). Héroïne et cocaïne alimentent le financement des groupes terroristes et des forces anti-gouvernementales qui gravitent dans le Sahara, selon le bureau onusien sur la drogue et le crime

On l’appelle «l’avion de la drogue». S’agit-il du même Boeing que celui qui avait disparu des écrans radars au sud du Venezuela fin octobre? Transportait-il bien de la cocaïne comme semblent l’indiquer les traces décelées dans son habitacle et, si oui, en quelle quantité? Enfin, quelles circonstances pernicieuses l’ont cloué au sol dans la région de Gao, au nord-est du Mali, en plein Sahara? Sa carlingue calcinée, vidée de son chargement et désertée par son équipage, y a été retrouvée début novembre. Plusieurs équipes d’experts internationaux ont été dépêchées sur place, mais, un mois après, l’affaire qui fait courir moult rumeurs reste un mystère.

Selon le Bureau de Nations unies sur la drogue et le crime (Onudc), la découverte de cet avion-cargo, qui aurait pu transporter jusqu’à 10tonnes de cocaïne sud-américaine, une charge colossale, n’en est pas moins emblématique d’une tendance alarmante. «Notre préoccupation est que le trafic de drogue est en train de changer d’échelle dans des zones instables de l’Afrique. Avant, les trafiquants se contentaient de bateaux et de petits ­avions», explique Walter Kemp, le porte-parole de l’agence à Vienne. Autre indice de cette montée en puissance, la hausse de la toxicomanie sur le continent, qui, «si elle ne présente pas un enjeu réel faute de pouvoir d’achat, indique que les trafiquants sont rémunérés par de la drogue», explique David Weinberger, de l’Institut national des hautes études de sécurité en France.

Devant le Conseil de sécurité de l’ONU, qui débattait mardi de «l’impact dévastateur» du trafic de drogue sur la paix et la sécurité, Antonio Maria Costa, le patron de l’Onudc, a tiré la sonnette d’alarme. «Nous avons acquis la conviction que les deux courants de drogue illicite en Afrique (ndlr: l’héroïne, dont chaque année 30 à 35 tonnes transitent via l’Afrique de l’Est, et la cocaïne, dont 30 à 100 tonnes pénètrent en Afrique de l’Ouest) se rencontrent maintenant dans le Sahara, créant de nouvelles routes de trafic à travers le Tchad, le Niger et le Mali. […] Les drogues n’enrichissent pas seulement le crime organisé […] les terroristes et forces antigouvernementales du Sahel tirent des ressources du trafic de drogue pour financer leurs opérations, acheter de l’équipement et payer leurs soldats», a-t-il conclu, sans avancer ni preuve ni évaluation chiffrée.

Pour Alain Labrousse, auteur d’un Que sais-je? sur La Géopolitique des drogues, depuis deux décennies déjà l’Afrique de l’Ouest, où les conflits, la corruption et l’incapacité des Etats à contrôler leurs territoires sont les garants d’une grande porosité, est devenue nœud de transit à destination de l’Europe. «Il s’est intensifié au début des années 2000, après la conclusion d’un accord entre les forces navales américaines et européennes avec les Caraïbes et les Antilles qui a fait dériver le trafic plus au sud. A mesure que la répression devient efficace, les trafiquants empruntent d’autres routes. Les trajets varient constamment.»

A cet égard, rien n’indique encore, selon le spécialiste, que le Sahel, une région où prolifèrent groupes armés et contrebandiers en tout genre, devienne «une zone de déplacement pérenne». «L’Onudc, qui a des problèmes de financements depuis toujours, a tendance à mettre en relief des phénomènes récents», explique Alain Labrousse. Autrement dit, en brandissant la menace terroriste devant le Conseil de sécurité et en réclamant la mise en place d’une coopération trans­saharienne sur ce dossier, Antonio Maria Costa accroissait ses chances de se faire entendre.

Mais si elle reste mal documentée, la collusion entre trafiquants et terroristes du Sahara n’en est pas moins avérée d’après Mohammed Mokaddem, spécialiste algérien des questions sécuritaires: «Tous les témoignages de repentis ou de terroristes arrêtés du GSPC, renommé en 2006 Al-Qaida au Maghreb, en attestent. Les terroristes ne trafiquent pas eux-mêmes, mais ils prélèvent de l’argent sur tous les réseaux de contrebande, d’armes, de cigarettes ou de drogues. En contrepartie, ils garantissent leur sécurité dans la région, en s’attaquant au besoin aux douaniers avec ce message implicite: si vous touchez aux contrebandiers, vous touchez au terrorisme.»


HRW  accable Dadid et Toumba (Source : Afriquinfos. 17/12/2009). Human Rights Watch accuse le chef de la junte Dadis Camara et son aide de camp Toumba d'avoir planifié le massacre du 28 septembre au stade de Conakry. Une tuerie que l'ONG qualifie de "crime contre l'humanité".

Pour Jean-Marie Fardeau, directeur France de HRW, "la manière dont les militaires sont arrivés au stade, dont ils ont encerclé le stade, leur niveau d’armement, et le fait qu’ils aient tiré immédiatement sur la foule sans sommation" montrent que la tuerie a été planifiée "peut-être quelques heures avant". HRW affirme avoir en main "des témoignages confidentiels de militaires qui confirment que des corps ont été dissimulés, jetés dans des fosses communes, et que les morgues ont été contrôlées par les militaires". Dans son rapport, l’organisation accuse nommément cinq personnes : le chef de la junte, Dadis Camara, est "clairement celui qui a ordonné aux bérets rouges de se rendre au stade", estime Jean-Marie Fardeau. Son aide de camp Aboubacar Toumba Diakité "a ouvert la garde présidentielle à l’entrée du stade. Il était directement impliqué. Quoi qu’il ait dit ces derniers jours", affirme le directeur France de HRW. L’ONG pointe également la responsabilité du commandant Moussa Tiégboro Camara (sans lien de parenté avec le chef de la junte), du chauffeur de Dadis Camara, Marcel Kuvugi, ainsi que du capitaine Claude Pivi, dit Coplan, le commandant le plus haut gradé de la force des Bérets rouges, qui "a joué un rôle dans les suites du massacre, en pourchassant les leaders de l’opposition".

Interrogé par FRANCE 24, le porte-parole de la junte au pouvoir, Idrissa Chérif, rejette le rapport de HRW, estimant que l’ONG n’a pas collaboré avec la commission d’enquête de la junte. "Ils doivent s’en remettre à la sagesse de la commission d’enquête internationale que nous avons essayé de mettre sur pied, et attendre les résultats de la commission avant de condamner. C’est injuste et pas approprié. Nous appelons à la retenue."

Le rapport de HRW est publié alors que l’ONU s’apprête à rendre publiques les conclusions de sa propre commission d’enquête sur les massacres du 28 septembre. Selon Jean-Marie Fardeau, "on a toutes les indications qui prouvent que le rapport de l’ONU va dans le sens de notre enquête, et à l’encontre de ce qu’ont affirmé Camara et Toumba encore très récemment". Human Rights Watch publie ce jeudi un rapport accablant pour la junte au pouvoir en Guinée : après avoir recueilli les témoignages de 240 personnes, l’ONG persiste à penser que les événements du 28 septembre, dans le stade de Conakry, ont été planifiés. Elle estime qu’entre 150 et 200 personnes ont été tuées et qualifie le massacre de “crime contre l’humanité

 

 

 

Publié dans Afrique

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