la Libye, le nouveau gendarme de l’Europe?

Publié le par Un monde formidable

Immigration : la Libye, le nouveau gendarme de l’Europe ? Des migrants maliens ont été expulsés du pays de Mouammar Kadhafi par Stéphanie Plasse (Afrik.com /14 novembre 2008)

(...)  La Libye serait-elle devenue le nouveau gendarme de l’Europe ? Jeudi, les autorités libyennes ont expulsés quelque 280 migrants maliens. Parmi les expulsés, arrivés vendredi matin à Bamako, certains travaillaient irrégulièrement en Libye. D’autres voulaient émigrer vers l’Italie. Cet événement ne fait pas figure d’exception. Il y a quelques mois, d’autres Maliens avaient été expulsés du pays. Au Mali, on s’interroge sur Mouammar Kadhafi, le chef de l’Etat libyen. Son image de « grand bienfaiteur », garant de la mise en place des « Etats-Unis d’Afrique » et d’ « un gouvernement africain » s’est, depuis quelque temps, ternie. « Je me demande si les liens d’amitiés entre le Mali et la Libye, ne sont pas des liens de façade », lance Maître Brahima Koné, le président de l’association malienne des droits de l’homme (AMDH).     (...)

Au lieu de renforcer l’Union africaine, ce genre d’événements tend à diviser l’Afrique. En plus des expulsions, les migrants maliens se sont plaints d’avoir été bastonnés par la police libyenne qui leur a confisqué tout leur argent et leurs biens personnels. « Les Libyens sont très racistes. Moi, j’ai tout perdu dans ce pays mon argent, mes vêtements. Je ne conseille à personne d’aller dans ce pays », confie Oumar, 15 ans à l’AFP. (...)  Cet incident a suscité des protestations à Bamako. « On leur a tout pris et on les a renvoyé du pays comme s’ils étaient des animaux, c’est inadmissible », explique Brahima Koné. « Le silence du gouvernement malien dans cette affaire est inquiétant. L’AMDH va se réunir et prendre des mesures pour que le gouvernement réagisse et prenne enfin ses responsabilités », précise-t-il. Si le pouvoir se montre aussi réservé, c’est sans doute à cause des accords économiques conclus entre les deux pays. En 2007, la Libye avait investi 500 millions de dollars au Mali. Tripoli a posé sa marque un peu partout dans le pays. Dans les secteurs de l’hôtellerie, du tabac - elle détient la Société national des tabacs et allumettes du Mali (Sonatam) et du pétrole avec la société Tamoil qui gère six stations à travers le Mali.

Après s’être présentée comme la terre d’asile du Tiers monde, la Libye du colonel Kadhafi se plaint d’être devenue un pays attirant tous les déshérités, avec deux à trois immigrés contre dix Libyens. Attirés par l’Europe, ils arrivent en masse dans le but d’atteindre les îles et les côtes italiennes à bord d’embarcations de fortune. Pour lutter contre cette immigration clandestine, la Libye a conclu avec l’Union européenne, en juillet 2007, un accord prévoyant un mécanisme commun de surveillance des frontières maritimes et terrestres.

Outre son statut forcé de pays transit, la Libye perçue comme un eldorado gavé de pétrole, séduit les migrants d’Afrique subsaharienne. (...) Interpellé plusieurs fois par l’association malienne des expulsés (AME), en raison des conditions précaires dans les centres de rétention, le pays fait la sourde oreille et durcit sa lutte contre l’immigration clandestine. (...)  La Libye n’est pas la seule à mener une traque aux clandestins. Selon Ousmane Diarra, vingt trois Maliens ont été expulsées vendredi dernier du Maroc. Apparemment, les nouveaux gendarmes de l’Europe entendent bien mener la vie dure aux immigrés, quitte à violer au passage les droits de l’Homme.

L’Italie et la Libye à la chasse aux clandestins. Mouammar Kadhafi s’est rendu à Rome pour consolider ses accords de coopération avec l’Italie par Stéphanie Plasse (Afrik.com/ 10 juin 2009)

(...)   Le dirigeant libyen s’est rendu, mercredi, en Italie pour une visite historique. La première depuis l’arrivée au pouvoir en 1969 de Mouammar Kadhafi. Cette excursion en terre italienne a été rendue possible grâce à la signature, en août dernier, d’un traité « d’amitié et de coopération » entre les deux pays. Ce texte permet à Tripoli d’obtenir 200 millions de dollars sur les 25 prochaines années au titre de dédommagements pour la période coloniale (1911-1942), et à Rome d’avoir « moins de clandestins et plus de gaz et de pétrole libyen », selon Silvio Berlusconi, le Premier ministre italien. Une aubaine pour l’Italie qui a fait de la lutte contre l’immigration clandestine, sa priorité.

Après l’accord conclu avec la Libye, Silvio Berlusconi a fait passer, en mai dernier, une loi qui créé un délit « d’immigration et de séjour » clandestins, puni d’une amende à 5 à 10 000 euros et rend possible la dénonciation de tout immigrant en situation irrégulière. Elle porte notamment de deux à six mois la durée de rétention des immigrants dans les centres d’identification et d’accueil. « Nous fermons les portes et nous ne les entrouvrons que pour ceux qui viennent pour travailler et s’intégrer », résume le Premier ministre. Ce texte qui doit être officiellement adopté par le Sénat le 11 juin prochain constitue l’un des trois chapitres du décret sur la sécurité nationale promulguée par Silvio Berlusconi.

«Cette politique sécuritaire est mise en place pour conforter les Italiens qui, à 76 %, soutiennent les positions du gouvernement. (...)   Silvio Berlusconi ne cesse de multiplier les propos xénophobes. Il y a cinq jours, lors d’un meeting électoral, il déclarait : « Lorsque je me promène dans les rues du centre de Milan et que je vois le nombre de personnes non italiennes, j’ai l’impression de ne plus être dans une ville italienne ou européenne mais dans une ville africaine ».

D’après les estimations réalisées par l’ONG (ARCI, une association de défense des étrangers, basée en Italie) en 2007, environ quatre millions de personnes en situation irrégulière se trouveraient dans le pays. Parmi les nationalités répertoriées : les Roumains, les Albanais et les Marocains constitueraient 30 % des immigrés clandestins. Dans cet état des lieux, l’Afrique subsaharienne est très peu représentée ce qui remet en cause le discours de Silvio Berlusconi et les accords de coopération avec la Libye censée bloquer l’arrivée des migrants africains en Italie. Selon la membre de l’association, le gouvernement mettrait en scène sa politique d’immigration. « On parle plus facilement des arrivées par la mer des clandestins de l’île italienne, Lampedusa (point d’entrée privilégié pour les immigrés qui veulent gagner l’Europe) car c’est plus impressionnant. (...) » conclut-elle.

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De plus, selon certains observateurs, le pays de Kadhafi, qui n’est pas signataire de la convention de Genève sur les réfugiés, infligerait des mauvais traitements aux clandestins. Les migrants africains seraient enfermés dans des camps dans les pires conditions. Une réalité bien connue du gouvernement italien. « Entre 2004 et 2007, trois camps ont été construits et financés par l’Italie et donc indirectement par l’Union européenne », confie Claire Rodier. Si la Lybie accepte sans protester ces migrants, c’est que depuis la levée de l’embargo, le pays souhaite faciliter ses échanges commerciaux avec l’Europe et notamment avec l’Italie. A en croire Jomaa al-Asta, le président de l’Union des chambres de commerce et d’industrie libyennes, les entreprises italiennes en Libye, au nombre de 52, seraient les mieux représentées parmi les sociétés étrangères. « Nous voulons qu’ils soient nos partenaires en Afrique et être leurs partenaires en Europe », indique d’ailleurs, à ce sujet, al-Astaa.

Le gouvernement italien durcit sa politique d’immigration en étroite collaboration avec la Libye. A coups de propos xénophobes et d’accords de coopération, l’Italie dresse ses remparts et bafoue, un peu plus, les droits des migrants, notamment ceux des Africains.

 

Publié dans Immigrations

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