La guerre d'Obama selon Bob Woodward

Publié le par Un monde formidable

La «guerre d’Obama», dans la douleur par Luis Lema (Le Temps.CH.28/09/10)

Le livre du célèbre journaliste Bob Woodward, «Obama’s Wars» sorti lundi, offre un tableau précis des dissensions entre le président démocrate et le Pentagone au sujet de l’Afghanistan

Depuis quatre décennies, les présidents des Etats-Unis ont un problème. Il s’appelle Bob Woodward, l’homme qui n’a eu de cesse de fouiller les recoins secrets de la Maison-Blanche depuis 1972, lorsque son jeu avec une certaine «Gorge profonde» amena au tapis Richard Nixon.  Barack Obama aurait dû être prévenu. Son prédécesseur George Bush avait été, lui aussi, sérieusement malmené par les révélations du journaliste mythique à propos de la guerre d’Irak. Aujourd’hui, pourtant, Bob Woodward récidive dans un nouveau livre où il expose, comme s’il avait été continuellement présent, tous les débats qui ont conduit à l’établissement de la stratégie américaine en Afghanistan.  On savait que cette stratégie avait été conçue dans la douleur, nécessitant des mois de discussions et de négociations. Mais le livre – Obama’s Wars («Les guerres d’Obama») – offre un tableau bien plus précis des dissensions qui ont traversé tout le processus de décision, ainsi que de l’atmosphère de méfiance qui règne au sein du Conseil national de sécurité. A quoi sert encore la guerre en Afghanistan? La réponse à cette question dépend de la place que l’on occupe autour de la grande table de la «Situation Room» de la Maison-Blanche.

Le livre sortait officiellement lundi aux Etats-Unis, juste à temps pour que chacun ait pu le lire avant les prochaines élections de novembre. Mais déjà, les extraits qui en ont été publiés la semaine dernière sont devenus ceux qui résumeront à l’avenir cette «guerre d’Obama», que le président a fait sienne presque à son corps défendant: «Je ne veux pas que cela dure dix ans. Je ne veux pas m’engager à long terme à construire un pays. Je ne veux pas dépenser mille milliards de dollars», expliquait le président à la fin 2009, selon le compte rendu des conversations qu’en fait Bob Woodward.  Barack Obama cherchait une «stratégie de sortie». C’était son objectif. Mais les militaires ne lui ont jamais apporté un plan qui aille dans ce sens. «Si nous n’inversons pas la spirale descendante en termes de sécurité, nous allons vers l’impasse, comme en Irak», lui rétorquait le commandant des forces David Petraeus, qui n’a jamais fait mystère d’obtenir l’envoi de 40000hommes supplémentaires sur le terrain. Puis, dans une remarque citée par Bob Woodward: «Il faut continuer à se battre. Il faut rester. C’est le genre de combat dans lequel nous resterons le reste de notre vie, et probablement de celle de nos enfants.»

Une guerre à mille milliards de dollars. Et un président Obama qui, pour des raisons politiques, a fixé juillet 2011 comme date butoir, ne réussissant pas à convaincre le Pentagone, mais craignant, comme il l’expliquait à un élu de l’opposition, de «perdre tout le Parti démocrate» s’il ne se distanciait pas des plans de combat fournis par les militaires. «C’en est fini avec ça», répliquera-t-il exaspéré aux généraux qui lui rappellent une nouvelle fois la nécessité d’envoyer des renforts.

Face à cette situation bloquée, Barack Obama a pris avis notamment auprès de l’ancien secrétaire d’Etat Colin Powell: «Ne vous laissez pas pousser par la gauche à ne rien faire. Ne vous laissez pas pousser par la droite à tout faire», lui a conseillé le général. Après tout, «vous êtes le commandant en chef.»  C’est cette place que risque précisément de lui contester le Parti républicain à la lecture de ce livre. D’ores et déjà, les médias conservateurs font leurs choux gras d’une autre remarque présidentielle, qualifiant de «fataliste» le chef de la Maison-Blanche: «Nous pouvons absorber une attaque terroriste, affirmait le président. Nous ferons tout pour l’éviter, mais nous avons absorbé les attentats du 11 septembre. Ils nous ont rendus plus forts.»

La publication des milliers de rapports secrets publiés par le site d’information WikiLeaks, les «fuites» abondantes qui avaient accompagné la mise en forme de «la guerre d’Obama» puis, aujourd’hui, la publication de ce livre qui finit d’éclairer les moindres pensées des acteurs… jamais peut-être le déroulé d’une guerre n’avait bénéficié d’une lumière aussi intense. Pourtant, il reste des secrets en Afghanistan. La preuve? Recouverte par le tintamarre qui a accompagné la sortie du livre de Bob Woodward, la parution d’un autre ouvrage est passée pratiquement inaperçue. Et pour cause: écrit à la première personne par Anthony Shaffer, un lieutenant-colonel responsable au sein des services de renseignement, L’Opération Cœur sombre a été racheté en totalité (10 000 exemplaires) par le Pentagone, qui l’a jeté au pilon. Une question de «sécurité nationale», a expliqué l’armée.

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