L’Afrique chauffée à blanc pour Copenhague

Publié le par Un monde formidable

L’Afrique chauffée à blanc pour Copenhague par Alain Saint Robespierre (L’Observateur. Ouagadougou. 12/10/09)

En rangs serrés, détermination affichée et voix unifiées, les Africains se préparent pour le grand sommet sur les changements climatiques prévu en décembre à Copenhague.

Débuté dans la capitale burkinabé le vendredi 9 octobre 2009 sous le thème : « Changements climatiques : quelles opportunités pour un développement durable », le 7e forum mondial sur le développement durable a révélé une Afrique unie, comme rarement elle l’a été. Outre l’objectif de consolidation d’une position commune africaine pour les négociations en vue de la prochaine rencontre dans la capitale danoise, la réunion de Ouagadougou visait, entre autres, l’élargissement de la prise de conscience des enjeux climatiques pour le développement ; l’élaboration d’un inventaire et d’une évaluation des nouvelles opportunités de développement que pourraient offrir les changements climatiques au plan financier ; la formulation de résolution, d’orientation et de recommandation pour une exploitation effective de ces nouvelles opportunités.

Après la session des experts, le jour de l’ouverture des travaux, suivie, le lendemain, du raout des ministres en charge de l’Environnement dont le Français, Jean Louis Borloo, place à la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement et de personnalités d’institutions régionales et internationales.

Avec en guest star, l’ancien locataire de l’Elysée, Chirac « l’Africain », dont la fondation, qui porte son non, intervient dans la préservation de la nature. Ce segment de haut niveau, ainsi qu’on a nommé la rencontre des dirigeants, au nombre de six (1) au lieu de la quinzaine comme annoncée, a été une véritable tribune pour afficher la position commune d’un continent face à une menace collective.

L’appel du ministre burkinabé de l’Environnement et du Cadre de vie, Salifou Sawadogo, sur la nécessité de saisir toutes les occasions pour « approfondir et harmoniser les points de vue africains » avant l’échéance de Copenhague, trouve prolongement dans cette mise en garde du directeur général du Forum, Emile Mallet, fondateur de la revue « Passages » : « Il n’y aura pas de développement durable tant qu’un seul pays manquera à l’appel.

Les pays pauvres et spoliés doivent participer au banquet des grands ». Impressionné par l’importance numérique des engins à deux roues à Ouaga, il a invité les autres villes à expérimenter l’usage massif de ce moyen de locomotion à faible émission de gaz à effet de serre. Applaudissements dans la salle.

La rencontre s’est surtout penchée sur l’impérieuse nécessité pour l’Afrique de s’adapter aux changements climatiques. Un aggiornamento qui passe par l’intégration de la nouvelle donne écologique dans les politiques, programmes et stratégies de développement au niveau local, national et régional (lire déclaration de Ouagadougou).

Toutefois, sous le rapport causes-conséquences, la problématique de l’environnement soulève, aux yeux de bien de décideurs présents au forum, une question d’iniquité : « Il y a une injustice flagrante. Tout en étant le continent qui participe le moins au rejet de gaz à effet de serre, environ 3,8%, l’Afrique est paradoxalement la plus vulnérable, la moins armée face aux changements climatiques », s’est indigné, en substance, le président de la commission de l’Union africaine, le Gabonais Jean Ping. Il a alors prôné l’application de « la responsabilité partagée et différenciée », formule qui rappelle, à bien des égards, une autre toujours au stade de vœu pieux : le principe du pollueur payeur.

Jacques Chirac, qui n’a jamais fait mystère de son attachement sentimental pour le Berceau de l’humanité, a, devant ses ex-pairs, mais toujours ses « amis », réitéré sa foi inébranlable en la culture africaine comme moteur du développement : « Je suis contre les dédommagements pour que l’Afrique ne touche plus à ses forêts, à ses ressources naturelles.

Rêvons d’une Afrique industrialisée selon sa culture, selon son modèle ». Puis d’exhorter de sa voix à la vigueur intacte même si ses capacités physiques le sont moins : « Le continent n’aborde pas, démuni, la conférence de Copenhague. Il peut faire inscrire ses priorités dans l’agenda.

Le Premier ministre éthiopien, Meles Zenawi et Blaise Compaoré [NDLR : les deux ont été désignés comme porte-flambeaux de la cause africaine lors de la prochaine rencontre au pays des vikings] sont des voix qui comptent dans le monde ».

Pour le chef de l’Etat burkinabé, Blaise Compaoré, la préservation du système climatique exige la réduction des gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990. Sur ce point, il a cité les préoccupations toujours objet de négociation : le maintien des acquis de la convention et du protocole de Kyoto sur les engagements chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays développés ; le soutien des pays en développement pour l’adaptation, l’accès à l’énergie, le transfert de technologies, le renforcement des capacités et l’obtention de financements conséquents ; la négociation d’un nouvel ordre permettant d’impliquer d’autres parties non signataires du protocole de Kyoto.

Pour la concrétisation des actions d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques, l’hôte du sommet dévoile son mode opératoire : « Le Burkina Faso envisage en 2010, et dans l’accompagnement du forum mondial du développement durable, la convocation d’assises financières africaines, à même de faire émerger les régulations économiques et les compensations indispensables à un développement durable du continent ». A la clôture du forum, une pluie inattendue mais bienfaisante est tombée sur la capitale. Signe avant-coureur du changement climatique dont il a été tant question trois jours durant à Ouagadougou.

(1) Le Béninois Thomas Yayi Boni, le Congolais Dénis Sassou-N’Gesso, le Centrafricain François Bozizé, le Malien Amadou Toumani Touré, le Togolais Faure Gnassingbé et l’hôte du sommet, le Burkinabé Blaise Compaoré. Etaient aussi présents, les Premiers ministres ivoirien, Guillaume Soro, et guinéen, Kabiné Komara.

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