Italie. Les nouveaux esclaves de Calabre

Publié le par Un monde formidable

Les nouveaux esclaves de Calabre par Simon Tivolle (France Inter. 03/01/11)

L'année dernière a été marquée en Europe par de nombreux débats sur la présence des immigrés, notamment en Italie. En ce moment, c'est la saison des clémentines et des oranges : les producteurs cherchent de la main d'œuvre pas chère pour les ramasser. Le magazine Panorama a eu la bonne idée de retourner en Calabre, un an après les "trois journées de feu" qui ont secoué la petite bourgade de Rosarno, au bout de la botte italienne.

Je vous rappelle les faits. Début janvier, l'an dernier, les habitants accusent les saisonniers d'être trop nombreux. "Rosarno est à nous" clament les Italiens ! Un Togolais est blessé par arme à feu. S'ensuivent de véritables scènes de "chasse aux Noirs" et de "guérilla urbaine". Le lendemain, surprise, 700 immigrés africains vont protester devant la mairie. Ils se rebellent contre les patrons qui les exploitent et c'est la police qui doit s'interposer. Finalement, 300 immigrés seront mis dans des trains vers le nord de l'Italie et 828 seront expédiés ailleurs, dans des centres de première urgence.

Il est très rare que des saisonniers, Africains ou venus d'autres continents, protestent, ou manifestent. Il faut du courage. C'était il y a un an. Qu'en est-il aujourd'hui ? Et bien aujourd'hui, sur 2500 immigrés africains, il n'en reste plus que 650. Pourquoi ? "Parce que le secteur est en crise", se lamentent les agriculteurs. Surtout, note Panorama, parce que "les Noirs ont préféré aller ailleurs, et que dans le même temps des Bulgares et des Roumains sont venus en masse. Dix bus sont arrivés de Sofia avec 500 personnes". Le préfet de police souligne un avantage évident : "comme ces nouveaux journaliers viennent de pays européens, même s'ils travaillent au noir, quand ils sont contrôlés ils n'ont pas besoin de permis de séjour".

Une des raisons de l'explosion de l'an dernier était que les Africains avaient refusé de payer le racket de la mafia calabraise. Un des chefs de la 'Ndrangheta a, certes, été arrêté. Avec 16 membres de son clan il était recherché "pour avoir fait travailler illégalement des saisonniers". Mais ça n'empêche pas le business de continuer. Les bras et la sueur ne coûtent qu'une poignée d'argent, raconte l'hebdomadaire italien. Les ouvriers sont payés "25 à 30 euros par jour, ou alors 1 euro par cagette".

"Je reste, je n'ai pas le choix" dit l'un des blessés de l'an dernier, "ma femme et mes enfants sont en Gambie, je ne les ai pas vu depuis 4 ans et demi, j'aimerais les faire venir". Panorama les appelle "les nouveaux esclaves". Ils vivent dans des conditions épouvantables, "sans eau, sans électricité, sans toilettes". Heureusement, il y a "Mama Africa" - une italienne de 83 ans qui offre des pâtes, le dimanche, aux immigrés. Et la paroisse voisine, qui en a accueilli quelques-uns. Mais ici, à Rosarno, tout est délabré : la première pierre de l'hôpital a été posée en 1966, et il est toujours en chantier ! Alors… La rue principale, la via Nazionale, qui traverse Rosarno, est devenue, selon Panorama, un "symbole de la commune divisée en deux, en blanc et en noir : le village est de nouveau prêt à exploser".

Publié dans Immigrations

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