Israël. Un Begin vraiment pas comme les autres
Un Begin vraiment pas comme les autres par Eliat Negev. (Yediot Aharonot. 29/08/10)
Avinadav Begin, 36 ans, défraie régulièrement la chronique dans son pays en participant à des manifestations contre le mur de séparation ou pour la défense de familles palestiniennes chassées de leurs terres en Cisjordanie. La Fin du conflit, son livre bilingue hébreu-arabe, a été publié à Tel-Aviv par les éditions Ahuzat-Bayit.
A ses traits fins et sévères et à son élocution sèche et fluide, on reconnaît ses origines. Avinadav Begin est le fils du ministre [sans portefeuille] Ze’ev “Benny” Begin et le petit-fils de feu Menahem Begin, qui fut successivement commandant en chef de l’Irgoun, fondateur du Likoud et sixième Premier ministre d’Israël. A l’évidence, le jeune Begin a hérité d’eux la radicalité, le refus du compromis, l’ascèse et la ferme conviction de détenir “la” vérité. Il vient de publier La Fin du conflit, un livre bilingue hébreu-arabe dans lequel il analyse les ressorts psychiques du conflit judéo-arabe et propose une solution humaniste radicale aux Israéliens et aux Palestiniens : vaincre la peur et en finir avec les normes religieuses, nationales et idéologiques afin de surmonter les questions d’identité et de parvenir enfin à vivre ensemble.
“Je ne me sens pas juif. Le judaïsme est violence, le sionisme est violence, l’arabisme est violence, l’islam est violence, le drapeau est violence, l’hymne national est violence”, écrit cet Israélien né à Jérusalem il y a trente-cinq ans dans un creuset ultranationaliste, mais qui rejette le consensus israélien. “Là où les gens ne voient que frontières et Etats, je ne vois que géologie, montagnes, plaines et vallées”, note le fils de son géologue de père. “J’ai été élevé dans une culture juive sioniste et nationaliste, mais mes parents nous ont laissés – mes cinq frères et sœurs et moi-même – choisir notre propre voie sans chercher à nous inculquer leur idéologie de droite. En famille, nous parlons de tout.” Se rappelle-t-il la guerre du Liban [en 1982] ? Et les manifestations devant la résidence officielle de son grand-père ? “Je n’avais alors que 8 ans. Je crois que c’était un être spécial et sincère, mais je ne me revendique pas de lui. Cette guerre a fait 30 000 morts libanais et palestiniens, pour la plupart des civils, mais les Israéliens préfèrent se voiler la face.”
Depuis quatre ans, Avinadav Begin participe aux marches pacifistes contre la clôture de séparation dans le village [palestinien de Cisjordanie] de Bilin. Il a noué une amitié forte avec Wajh Bournat, un Palestinien dont l’un des dix enfants, Ghani, a été blessé par une balle israélienne, a perdu la parole et se déplace en fauteuil roulant. “J’aurais voulu donner deux prénoms à mon dernier fils, Hillel et Wajh, qui en arabe signifie ‘visage’. Mais ça n’a pas marché. A Bilin, la violence est terrible : grenades assourdissantes, gaz lacrymogènes, balles en caoutchouc, parfois tirées à bout portant. S’il ne s’agissait pas d’Arabes, on n’emploierait pas de tels moyens. Et ailleurs, là où n’arrivent pas les militants venus d’Israël et du monde entier, la situation est bien pire.”
Pourquoi manifester à Bilin et pas au Soudan ou au Kosovo ? “Je vis dans ce pays et Bilin n’est qu’à une heure de route de chez moi. Là-bas, les habitants et ceux de quatre autres villages sont frappés de plein fouet par nos projets délirants et ne peuvent se développer à cause des terres que nous leur volons pour étendre [les colonies de] Matityahou et Modin Illit. Il faut abattre la clôture et laisser les gens circuler librement. Cela ne me poserait aucun problème d’habiter Bilin si quelqu’un était prêt à m’y louer un logement. J’habite Matta [au sud-ouest de Jérusalem], sur une terre où se trouvait jadis Allar, un village arabe. Dans ce pays, il n’y a pas un lieu qui n’ait été habité auparavant par des Arabes, et nombreux sont ceux qui possèdent encore les clés de maisons qui n’existent plus. Les gens qui s’appellent Yossef [‘Joseph’, en hébreu] devraient pouvoir habiter Naplouse et ceux qui s’appellent Youssef [‘Joseph’, en arabe] devraient pouvoir habiter Jaffa.”
Alors qu’il récuse le concept d’Etat, fût-il binational, Avinadav Begin a voté – pour la première fois – lors des dernières élections [de février 2009]. “Cette campagne électorale a été particulièrement violente et raciste. La démocratie est le moindre des maux. Dans son format actuel, il faut la préserver pour qu’elle ne s’efface pas devant une dictature.”