Israël. Lieberman, un dur prêt à en découdre
Lieberman provoque à nouveau Washington. Par Serge Dumont (Source : Le Temps. 27/O4/09)
L’ultranationaliste chef de la diplomatie israélienne envisage d’annexer des terres palestiniennes pour créer une implantation géante près de Jérusalem Le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, a confirmé dimanche que son pays envisage d’annexer 1200 hectares de terres palestiniennes de Cisjordanie. Celles-ci sont situées entre les colonies de Maalé Adoumim (banlieue de Jérusalem) et de Keidar. Cette annexion créerait une implantation géante, l’Etat hébreu achevant l’encerclement des quartiers arabes de Jérusalem. Il couperait également la Cisjordanie en deux et allongerait le tracé du mur de séparation empêchant la création d’un Etat palestinien viable.
Pour l’heure, la confiscation de ces terres en est encore au stade de l’examen, mais la commission du Ministère de l’intérieur chargée du dossier a rendu une décision favorable en estimant entre autres que les répercussions politiques de l’affaire à l’étranger seraient «marginales». Pourtant, l’administration américaine a déjà fait connaître à plusieurs reprises son opposition à de telles confiscations ainsi qu’à l’agrandissement des colonies. A un mois de la première rencontre officielle entre Barack Obama et le premier ministre Benyamin Netanyahou, le «dossier des 1200 hectares» ajoute donc aux tensions nettement perceptibles entre Jérusalem et Washington.
«Le gouvernement israélien donne l’impression de ne pas être dirigé. Chacun y fait ce qu’il veut et tire dans le sens de ses convictions pendant que Netanyahou laisse faire. Avigdor Lieberman se sent d’autant plus libre de s’y exprimer que la coalition soutenant Benyamin Netanyahou ne tiendrait pas la route sans la participation de son parti», affirme le chroniqueur Raviv Drucker. Qui poursuit: «A entendre les déclarations de certains ministres – plus particulièrement celles du chef de file de la diplomatie israélienne –, on se demande s’ils n’ont pas décidé de provoquer un choc frontal avec Washington.» Ainsi, malgré les incitations américaines, Avigdor Lieberman a déclaré la semaine dernière à un journal autrichien qu’il refuse de s’engager dans des négociations de paix avec la Syrie «parce que ce pays soutient le Hezbollah […] et le programme nucléaire iranien». Hier, le ministre a précisé sa pensée, affirmant qu’il serait prêt à reprendre les discussions interrompues depuis le départ d’Ehoud Olmert mais à la condition que Damas «ne fixe aucun préalable ni aucun ultimatum».
Or, la Syrie exige précisément que ce processus débouche sur du concret, c’est-à-dire sur l’évacuation du plateau du Golan conquis par Israël en juin 1967 et annexé le 14 décembre 1981. En refusant d’envisager une telle issue au processus, le ministre israélien des Affaires étrangères bloque donc la reprise des pourparlers en tentant de faire croire le contraire. Certes, au sein du gouvernement, le ministre de la Défense, Ehoud Barak, se montre plus ouvert. Il a d’ailleurs déclaré hier qu’Israël «à intérêt à normaliser ses relations avec la Syrie», mais le leader travailliste est moins influent que son homologue d’extrême droite.
Lieberman, un dur prêt à en découdre avec les Arabes. Leon Neal – AFP - 09/02/2009
L'ultra-nationaliste Avigdor Lieberman, dont le parti à le vent en poupe, s'est taillé une réputation d'"homme fort" prêt à expulser les Arabes qui ne prêteraient pas allégeance à Israël. Jugé "fasciste" et "dangereux" par ses détracteurs, il promet aussi d'en finir avec les islamistes du Hamas dans la bande de Gaza, un objectif que n'a pas réalisé, selon lui, la dernière guerre dans ce territoire. Un argument qui porte. A en croire les derniers sondages, son parti Israël Beiteinou ("Israël est notre maison") deviendrait la troisième force politique du pays avec 19 sièges contre 11 actuellement, sur 120. Le "tsar" bénéficie du soutien d'une partie de l'opinion qui a mis le cap à droite et ne fait plus confiance aux grands partis pour régler les problèmes du pays. En quelques semaines, cet homme replet de 50 ans, né en Moldavie, le visage bordé d'une barbe grise bien taillée, au lourd accent russe, est devenu le trublion des élections, en s'attirant une partie de l'électorat du Likoud (droite) de Benjamin Netanyahu. Inquiet de cette tendance, ce dernier, qui semble le mieux placé pour former la prochaine coalition, lui aurait déjà promis un ministère "important".
C'est l'offensive israélienne à Gaza, et ses suites, qui l'ont propulsé dans les sondages. Depuis la fin des combats, il accuse le gouvernement "d'avoir empêché l'armée de finir le travail" dans le territoire d'où sont toujours tirées des roquettes. Durant l'offensive, il avait même estimé nécessaire de "combattre le Hamas comme les Etats-Unis ont combattu les Japonais durant la Seconde guerre mondiale".
Mais le fond de commerce d'Avigdor Lieberman reste les Arabes israéliens, descendants des Palestiniens restés en Israël après sa création en 1948, aujourd'hui 20% de la population. Une "cinquième colonne" potentielle, selon lui. Le leader d'extrême-droite est entré en guerre contre plusieurs députés arabes, qui ont affiché leur solidarité avec les Palestiniens lors de l'offensive. "Sans loyauté, pas de citoyenneté", prévient-il dans son poste de campagne qui assure aussi que "seul Lieberman comprend l'Arabe".
Une de ses idées phare est un échange de territoires peuplés d'Arabes israéliens contre des parties de Cisjordanie. Laïc, M. Lieberman n'est pas un partisan du grand Israël, du Jourdain à la Méditerranée, même s'il vit dans une colonie près de Bethléem. Il a même proposé un retrait israélien de quartiers palestiniens de Jérusalem-Est, en cas d'accord de paix, pour parvenir à une "séparation" maximale entre Juifs et Arabes, et faire d'Israël un Etat "ethniquement homogène".
Arrivé à l'âge de 20 ans en Israël, Avigdor Lieberman est diplômé en Sciences sociales de l'Université hébraïque de Jérusalem. Longtemps membre du Likoud, dont il a été directeur général, il a été un proche de Benjamin Netanyahu, dont il fut le chef de cabinet quand celui-ci était Premier ministre, entre 1996 et 1999. Durant cette période, les médias l'ont surnommé "Raspoutine". Depuis sa création en 1999, son parti n'a cessé de grimper dans les sondages en s'attirant notamment les suffrages des anciens immigrants d'ex-URSS. Mais sa percée récente est due au soutien d'Israéliens "de souche", qui constitueraient un tiers de son électorat potentiel. Ministre des Affaires stratégiques, il avait claqué, en janvier, la porte du gouvernement pour protester contre les négociations avec les Palestiniens. Une enquête pour corruption est actuellement ouverte contre lui.