Hongrie. Vent de xénophobie
Vent de xénophobie en Hongrie par Maurin Picard (Source La Tribune. Ch. 16 février 2009)
Après un fait divers, l’opinion accable la communauté rom.
Les pavés de Budapest ont résonné des bruits de bottes tout au long du week-end, comme une sombre réminiscence d’un passé tragique. Vendredi et samedi, l’extrême droite hongroise en pleine résurrection a manifesté dans la capitale, protestant contre la hausse de la criminalité dans le pays. Un millier de manifestants, sympathisants pronazis pour la plupart, crâne rasé et rangers aux pieds, ont défilé sous le drapeau à pois rouges, censé incarner la Hongrie millénaire mais emblématique de l’ancien parti nazi des Croix Fléchées, qui dirigea brièvement le pays en 1944. Ils exigeaient le rétablissement de la peine capitale pour les crimes de sang, pointant du doigt la communauté rom (tsigane) en butte à la vindicte populaire.
«Le pays est paralysé par trois types de crimes: économiques, politiques, et ceux des Gitans», a déclaré Gabor Vona, le chef du Jobbik, un parti politique extrémiste. Depuis une semaine, tous les regards sont tournés vers la communauté rom, estimée à 800 000 personnes sur une population totale de 10 millions d’habitants. Dans la nuit du 7 au 8 février, Marian Cozma, international roumain de handball et star du club hongrois de Veszprem, a été poignardé à mort à la sortie d’une boîte de nuit de la ville, alors qu’il tentait de protéger son amie prise à partie par des inconnus. Deux partenaires de la victime ont été également agressés et grièvement blessés.
Le drame a choqué le pays, féru de ce sport. Trois suspects, des délinquants déjà connus des services de police et d’origine rom, ont été rapidement arrêtés, mais la polémique a rebondi dans les médias, qui s’enflamment contre cette communauté. Le grand quotidien Magyar Hirlap a publié un éditorial d’une telle violence à l’encontre des Tsiganes, que le premier ministre socialiste Ferenc Gyurcsany a annoncé son intention de le boycotter, exigeant de toute l’administration qu’elle en fasse autant. Zsolt Bayer, l’éditorialiste de ce quotidien tirant à 20 000 exemplaires, qualifiait les meurtriers de Cozma de «bestiaux assassins» qui «ne sont pas des êtres humains mais des bêtes qui veulent notre peau». En refusant «la cohabitation au sein du peuple hongrois, ajoutait-il, (les Roms) ont rompu avec l’humanité». «Le premier ministre demande aux institutions de l’Etat et aux entreprises publiques d’annuler leurs abonnements et de ne plus jamais faire paraître de publicité dans le quotidien Magyar Hirlap», rétorquait un communiqué de la chancellerie daté du 10 février.
Dans une étude récente, 81% des personnes interrogées affichent une attitude négative à l’encontre des Roms, tandis que quatre sondés sur cinq estiment que ces derniers «n’aiment pas travailler», ce qui est la source de leurs problèmes. Le parti Jobbik, qui a fondé l’an passé une milice paramilitaire, la «garde magyare», espère profiter de cette hostilité croissante à l’encontre de la communauté rom pour faire le plein de voix lors des élections européennes de juin. Il est crédité pour le moment de 4% des intentions de vote.