Grèce. Les îles de la mer Égée, nouvelle destination pour clandestins

Publié le par Un monde formidable

Les îles de la mer Égée, nouvelle destination pour clandestins. Par Gilda Lyghounis. Traduit par Mandi Gueguen (l’Osservatorio Sui Balcani . Source : Le Courrier des Balkans. 22/08/09)

Depuis quelques années, la Grèce s’impose comme un point de passage privilégié pour les clandestins qui veulent gagner l’UE, et Athènes a bien du mal a gérer une population en constante hausse

Agathonisi compte seulement 112 habitants, deux instituteurs pour quatre élèves et une capitainerie de port toujours en activité. Depuis janvier 2009, plus de 2.000 demandeurs d’asile ont accosté sur l’île. Beaucoup arrivent des îlots grecs proches comme Farmakonisi ou Imia, dont Ankara revendique la propriété. En 2008, 2.500 personnes sont arrivées ici, le trafic d’êtres humains ne fait qu’augmenter. Du reste, les données du gouvernement en 2008, font part de près de 140.000 arrivées dans toute la Grèce.

Ce sont surtout des migrants d’Afrique subsaharienne qui débarquent à Agathonisi, ainsi que des clandestins venant de toute l’Asie. Une odyssée qui leur fait traverser des déserts ou d’interminables steppes jusqu’à la côte turque. De là, sauter dans un canot pneumatique ou traverser huit milles de mer ne représente plus grand-chose face au bras de mer bien plus long et dangereux que d’autres immigrants traversent de la Libye à l’île de Lampedusa en Italie. S’ils sont repérés par des pêcheurs ou des patrouilles militaires grecques, ils entaillent leur embarcation avec un couteau et sont récupérés comme des naufragés, en vertu des lois maritimes. Il n’y a presque jamais eu de morts par noyade dans ces trajets. Naturellement, ces personnes aspirant à devenir des résidents de l’Union Européenne ont jeté à la mer leurs documents d’identité avant de débarquer sur les plages tels des Ulysse modernes ou d’être repêchés par une barque. Ils peuvent ainsi se déclarer citoyens d’un pays en guerre et demander l’asile politique.

« Vu qu’ils arrivent de toute manière, nous pourrions les transporter depuis la Turquie par bateau, contre mille euros par personne, c’est ce que les passeurs demandent à ces pauvres gens », déclare au quotidien athénien Kathimerini Vaggelis Kottoros, maire d’Agathonisi. « La seule chose que nous demandons c’est qu’ils soient transférés le plus rapidement possible au centre moderne d’accueil des immigrés situé à Samo. Nous ne sommes pas racistes, mais nous voulons faire de cet endroit un paradis touristique. Alors, nous avons protesté auprès du gouvernement qui ne se démène pas pour résoudre cette situation ».

Oublions que dans les cafés d’Agathonisi, les touristes sont souvent servis par de jeunes afghans sous-payés. Athènes se contente de pointer du doigt l’indifférence d’Ankara, qui ferme les yeux sur le passage dans son propre territoire de ces caravanes de clandestins cherchant à passer des côtes anatoliennes en Grèce, ayant ainsi trouvé un chemin plus rapide pour entrer dans l’Union européenne, comme l’a fait le Premier ministre grec Kostas Karamanlis au sommet de Bruxelles fin juin 2009. « Les positions de la Grèce ont été entendues par les autres pays membres, qui sont d’accord avec nous sur la nécessité de presser la Turquie - candidate à l’entrée dans l’UE - à agir face au problème de l’immigration clandestine » a déclaré le Premier ministre grec.

 Les immigrés sont transférés dans les îles plus grandes de Samo ou de Chio, toujours dans le Dodécanèse, où se trouvent deux des nombreux centres d’accueil et de rétention pour les immigrés illégaux. Les autres centres sont éparpillés un peu partout dans l’Hellade, avec la majeure concentration à Lesbo, une île située au Nord de l’Egée orientale, toujours face à la Turquie. En 2008, 12.000 clandestins sont entrés Grèce depuis la Turquie. Ils venaient de Somalie, d’Afghanistan, d’Iran, de Palestine et d’ailleurs, leur unique espoir de survie étant de fuir leur pays. Les centres se trouvent aussi dans la zone de frontière terrestre entre la Grèce et la Turquie le long du fleuve Evros en Thrace, à Athènes, à Patres. C’est un autre grand point de passage des immigrés ne désirant pas rester en Grèce mais partir en Italie, puis en France, en Allemagne ou en Angleterre. Patres compte désormais une ville dans la ville, où logent des milliers de désespérés, amassés dans des baraquements échappant à tout contrôle de la police. Autrefois il s’agissait surtout de Kurdes, ce sont aujourd’hui les Afghans qui prédominent.

Selon un rapport récent de Médecins sans frontières, section hellène, les conditions de vie dans les centres de rétention grecs sont inhumaines : les gens dorment dans des débarras bondés. Personne, ni même les femmes ou les enfants, n’ont accès à la moindre assistance médicale ou à l’eau chaude. Selon le quotidien communiste Rizospastis, dont des journalistes ont visité le centre d’Elliniko dans la banlieue d’Athènes, plus de 100 réfugiés sont réunis dans 7 cellules. « S’ils ne se mettent pas debout, il ne reste plus de place pour tout le monde ! ». L’ouverture avant la fin de 2009 de trois autres centres est prévue à Aspropyrgos, près d’Athènes, à Ritsona, sur l’île Eubea, et dans la zone « chaude » du fleuve Evros. En effet, toujours selon Médecins sans frontières, le trafic d’êtres humains depuis les côtes africaines vers l’Italie et l’Espagne est en baisse, alors que la destination grecque via l’Anatolie connaît un véritable boom.

Selon la loi hellène, après son arrestation par la police, un immigré sans papiers peut être retenu jusqu’à trois mois dans un de ces centres s’il est considéré comme un danger pour l’ordre public. Sinon, après avoir reçu un papier de circulation, la personne dispose de 30 jours pour regagner son pays d’origine, ce qui – exactement comme en Italie – n’arrive jamais. Quant au statut de réfugié politique, il n’a été accordé qu’à huit personnes sur les 25.000 qui en avaient fait la demande en 2007.

Beaucoup d’immigrés rêvent d’entrer en Grèce uniquement pour se gagner ensuite l’Europe. Les autres restent en Grèce. S’ensuivent de conséquentes « guerres parmi les pauvres » qui opposent les nouveaux arrivés aux immigrés de l’ancienne génération. Cela fait les beaux jours des patrons, au mieux des agriculteurs, des familles cherchant un gardien ou des maçons, et au pire des membres du crime organisé.

Prenons encore l’exemple de Samo : les gardiens du Centre de rétention local (considéré par une mission du Parlement européen comme un « centre modèle » par rapport à d’autres centres en Grèce, à celui de Lampedusa en Italie et à celui de Ceuta dans l’enclave espagnole au Maroc) autorisent les agriculteurs de Samo à recruter, chaque matin, pour une journée de travail les « hôtes » du Centre, à condition de les ramener avant le soir. Les immigrés sont ainsi payés 15 euros la journée de travail pour cueillir les olives, à comparer aux 50-60 euros minimum que reçoivent les « anciens » immigrés albanais arrivés dans les années 1990

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