Gabon. Pourquoi Ali Bongo ne pouvait pas perdre.

Publié le par Un monde formidable

Gabon. Pourquoi Ali Bongo ne pouvait pas perdre.  Par Ernest Diasso  (Le Journal du Jeudi. Ouagadougou-03/09/09)  

La confusion la plus totale règne à Libreville alors que la commission électorale vient d'annoncer la victoire du fils d'Omar Bongo. Mais ce résultat contesté par d'autres candidats risque de provoquer de violentes réactions. 

1er septembre 2009. Pendant que le guide libyen Muammar Kadhafi ­ quarante ans au pouvoir ­ bénit feu Omar Bongo Ondimba de lui avoir légué, en juin, le titre de doyen des chefs d'Etat africains, les héritiers ­ au sens filial ou idéologique - du même Omar Bongo affûtent leurs scénarios de succession. Les bulletins à peine déposés dans l'urne, le 30 août, la suspicion est déjà au bord des lèvres de la majorité des dix-huit candidats initiaux. Les uns abusent de l'auto-proclamation présidentielle. Les autres tissent patiemment les mailles d'une manifestation à déployer après une proclamation préjugée de mauvaise foi. L'épilogue électoral ­ prologue de la résistance pour certains ­ s'esquisse, jeudi 3 septembre, sous des traits devenus familiers dans l'Afrique contemporaine : Bongo (Ali) est proclamé successeur de Bongo (Omar), comme le Marocain Mohamed VI succéda à son père Hassan II, comme le Congolais démocratique Kabila fils succéda à Kabila père, comme le Togolais Gnassingbé fils succéda à Gnassingbé père, comme les fils Wade, Moubarak ou Kadhafi espèrent succéder à leur paternel respectif.

Même en ayant mis la charrue des contestations avant les blufs de la proclamation officielle, il sera difficile à André Mba Obame et Pierre Mamboundou, les deux concurrents d'Ali Bongo les plus en vue, d'obtenir gain de cause dans un processus de correction des résultats. Si un noyau de manifestants conteste le score annoncé, la majorité des Gabonais, elle, semble désabusée. D'ailleurs, des observateurs internationaux n'avaient-ils pas jugé le déroulement du scrutin "globalement satisfaisant" ? Qui croire ? Le caractère pernicieux de certaines démocraties africaines biaisées n'est pas nécessairement le fait d'un grossier bourrage. Il n'est pas toujours nécessaire que des militaires détalent avec des urnes sous le bras, comme au Togo, sous les objectifs de cameramen médusés. Comme au Niger, lors du référendum du mois d'août, on peut parfois saper la démocratie sans la violer formellement. Comment jauger, mais plus encore juger, un suffrage souvent analphabète, non avisé des principes républicains ou des concepts idéologiques, sincèrement impressionné par les signes extérieurs d'une force de frappe financière qu'on espère mis au service, plus tard, d'une gouvernance idoine ? Les électeurs plus ou moins manipulés ont-ils les clefs pour comprendre que ces budgets de campagne exorbitants sont parfois, à l'inverse, les fruits d'une mauvaise gouvernance ? 

La spirale est encore implacable dans bien des régimes : le pouvoir est synonyme d'accès aux richesses et les richesses sont synonymes d'accès au pouvoir. Et le Gabon, qui ne manque pas de sous-sols monnayables, a été généreux avec la famille Bongo que des organisations non gouvernementales internationales accusent de posséder tant de "biens mal acquis". Le sigle du parti  majoritaire, P.D.G., pouvait-il ne pas suggérer que l'exercice du pouvoir est aussi un business privé ? Fataliste, à Libreville comme ailleurs, on persiste à répéter ­ si l'on n'est pas le Sénégalais Abdou Diouf ­ qu'on "n'organise pas une élection pour la perdre". Quantité de récents putschs africains ne provoquent que de timides grimaces de la communauté internationale. Ce scrutin gabonais, même peu consensuel, ne tirera pas de cris d'orfraie. Et si les propos de Nicolas Sarkozy sur la renégociation des accords de Défense de la France avec certains pays africains laissent imaginer, dans la compréhension populaire, un léger recul de l'Hexagone sur le continent noir, " l'émirat" pétrolier gabonais ne devrait pas être le pays le plus boudé. L'ancienne puissance coloniale ne devrait guère mettre son doigt entre l'arbre du peuple gabonais et l'écorce du clan Bongo. La sève pétrolière pourrait dicter sa lois Pour consoler les âmes chagrines des perfectionnistes de la démocratie, le Gabon nouveau ressassera ses bonnes nouvelles en creux : Ali Bongo pourrait hériter de la bonhommie se son père, laquelle semblait l'emporter sur son cynisme ; le clanisme gabonais anesthésiera encore l'ethnicisme ; le clientélisme rendra vain l'usage récurrent d'une répression massive.

Depuis le décès du patriarche, le Gabon qui était à la croisée des chemins n'aura pas emprunté de virage.

Publié dans Afrique centrale

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