Gabon. Ambiance de fin de règne à Libreville.

Publié le par Un monde formidable

Ambiance de fin de règne à Libreville. La rédaction (L’Observateur. Ouagadougou.25/05/09)

On le susurrait depuis : la décision du président gabonais de suspendre momentanément ses activités pour faire son deuil cachait mal une grande préoccupation de santé. Avec son hospitalisation dans une clinique de Barcelone il y a de cela une semaine, c’est peu dire que d’affirmer que l’année 2009 aura été celle de toutes les épreuves pour le doyen des chefs d’Etat africains. Excepté ses graves ennuis de santé et le décès de son épouse, Edith, le 14 mars dernier au Maroc, le président gabonais fait face, avec un certain agacement, à une plainte judiciaire dans l’Hexagone pour détournement de biens publics, lui qui assiste ainsi impuissant à la saisie de certains de ses comptes bancaires par la justice française, conformément à une décision de la Cour d’appel de Bordeaux.

Et du côté de Libreville, sa décision de suspendre momentanément ses activités et son absence prolongée du pays ont ramené au centre des débats la très préoccupante question de la succession de cet homme d’Etat qui aura passé 42 des 73 années de sa vie à la tête du Gabon. Les longs règnes sont bien de fois générateurs de troubles sociaux, et l’exemple du Togo est là pour nous édifier si besoin en est.  Et tout hommes d’Etat qu’ils sont, ces princes qui gouvernent sont d’abord faits de chair et d’os, et en aucun cas l’horloge biologique ne saurait mentir. Sinon comment comprendre que la Présidence gabonaise s’échine à trouver un bémol au mal dont souffre le chef d’Etat, en parlant de simples examens de routine, comme si c’était un crime pour un homme de 73 ans de ne plus être au mieux de sa forme, de se sentir lâché par les forces de la nature, d’être malade ?

Ainsi, en dépit des dénégations des autorités de Libreville, qui affirment urbi et orbi que la succession du chef de l’Etat n’est pas à l’ordre du jour, parce qu’il serait en pleine possession de ses moyens, l’opinion publique est informée maintenant que le doyen des chefs d’Etat du continent souffrirait d’un cancer intestinal aigu et que son état, selon les médecins espagnols, est diagnostiqué sérieux, même s’il est stationnaire. C’est dire que Bongo a atteint l’apogée de son long règne et emprunte maintenant l’inexorable courbe descendante qui attend chacun de nous, ce, d’autant plus qu’il avait déjà été hospitalisé par deux fois ces derniers mois. Et des Gabonais de penser à juste titre qu’une fois rétabli, le président se devait de faire le ménage dans sa cour pour une succession en douceur, évitant au pays le chaos, qui s’est durablement installé ailleurs.

Plus que tout, les interrogations et autres supputations sur la succession du président Bongo sont confortées par la fébrile agitation qui s’est emparée de tous ces hiérarques du Parti démocratique gabonais (PDG au pouvoir) qui pensent chacun, dans sa conviction la plus intime et la plus profonde, que l’heure d’usurper le pouvoir d’Etat a sonné au point de fouler aux pieds la loi fondamentale du pays, qui prévoit pourtant, de façon claire en son article 13, les modalités de la succession.

Certes au sein du landernau politique de ce pays, si certains pensent que l’heure n’est pas encore à épiloguer sur une éventuelle succession, ce, d’autant plus que le doyen Ondimba va vite se rétablir et retrouver ses fonctions, d’autres – et ils sont nombreux – semblent très inquiets de ces lendemains qu’ils prévoient fort tumultueux pour le pays.  Ainsi, les Gabonais, dans leur majorité, semblent assez perturbés en pensant à l’après-Bongo, à cause surtout de cette poussée extrémiste qui se trouve être la caractéristique principale de certains ténors du parti au pouvoir et qu’on soupçonne d’être prêts à s’allier au diable pour s’emparer du pouvoir d’Etat. Et des noms ne cessent de circuler dès lors que l’on évoque la succession du doyen des chefs d’Etat du continent : ainsi en est-il d’Ali Ben Bongo, ministre de la Défense et fils du président Bongo.

Cependant, à écouter attentivement ceux qui paraissent bien au fait de la politique gabonaise, ce dernier n’a ni l’assise nécessaire, ni la popularité, ni encore moins la représentativité qui pourrait lui permettre de remporter une présidentielle transparente. Hormis Ali, il y a, en embuscade, sa sœur Pascaline Mféri Bongo, directrice du cabinet présidentiel (et épouse du ministre des Affaires étrangères, Paul Toungui) à qui on prête une grande influence au sommet de l’Etat.

Mieux, le gendre de Bongo, Paul Toungui, ancien grand argentier du pays et membre de la famille présidentielle par alliance, qui ne sera certainement pas le premier à rendre l’âme en cas de disette, pourrait penser, lui aussi, venue son heure de présider aux destinées du pays du président Léon Mba et de l’immense musicien Pierre Akendengué. Dans ce nouveau gouvernement, fortement réduit à cause de la crise (ndlr, il y avait naguère 64 ministres), d’une quarantaine de membres où on dénombre trois vice- Premiers ministres et trois ministres d’Etat, le Premier ministre, Jean Eyéghé Ndong, pourrait avoir son mot à dire en cas de vacance du pouvoir.

On cite volontiers de manière récurrente, si toutefois cette succession qui pointe à l’horizon se passait à la régulière, le nom du vice-président de la République, Di Djob Divungu Di Ndingué, qui, jusqu’à présent, semble ne pas en faire un problème et se contenter d’inaugurer les chrysanthèmes. Il y a aussi en embuscade le Président de l’Assemblée nationale, l’honorable Guy Nzouba, qui est crédité d’une popularité et d’une audience réelle dans le pays. Sur cette liste de présidentiables, Faustin Boukoubi, le tout-puissant secrétaire général du parti au pouvoir, pourrait aussi avoir son mot à dire.

Si ces personnalités semblent s’inscrire dans la continuité, voire l’hérédité d’un régime quadragénaire qui reste sans doute marqué par des résultats catastrophiques dans la quasi-totalité des secteurs de la vie nationale ces dernières années, d’autres hommes politiques, de l’opposition, qui disent être en rupture avec le passif et l’immobilisme, entendent jouer à fond la carte de l’alternance.  Dans cette forêt de prétendants au pouvoir qui se veulent, certains, de l’opposition conviviale, et d’autres, de l’opposition pure et dure, des noms reviennent de manière itérative dans les discussions lorsqu’on aborde la question de la succession d’Omar Bongo Ondimba : il s’agit de Zacharie Myboto, ancien baron du pouvoir qui, de guerre lasse, a pris ses responsabilités en portant sur les fonts baptismaux son parti, l’Union gabonaise pour le développement et la démocratie (UGDD) en 2004 ; de Jules Bourdes Ogouliguendé de CDJ, tous opposants de fraîche date.

Mais il y a aussi et surtout le charismatique et virulent président de l’Union du peuple gabonais UPG, Pierre Mamboundou, réputé être un homme propre, ayant des propositions pour faire face aux problèmes qui assaillent la population et qui, depuis la création de son parti en 1989, est resté l’un des rares hommes politiques gabonais à ne pas succomber à la tentation d’aller à la soupe, en dépit des appels du pied et des offres mirobolantes de Bongo. Comme l’a laissé entendre un confrère, les fins de règne ont ce léger inconvénient qu’elles s’éternisent souvent, produisent rarement de jolis effets et s’abîment dans les guerres de succession. Et l’ex-petit émirat pétrolier africain ne fait malheureusement pas exception à la règle. 

Publié dans Afrique centrale

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