France. Sarkozy, le verbe exaspérant _ Tics et astuces du président

Publié le par unmondeformidable

Sarkozy, le verbe exaspérant.  Par Sylvain Besson (Source : Le Temps. CH.12/02/09)

Adepte du franc-parler, le président multiplie les faux-pas diplomatiques. La rançon d’un style trop direct? 

Du zénith à la chute, il n’y a souvent qu’un pas. En décembre, Nicolas Sarkozy était loué comme un leader d’envergure mondiale après sa présidence de l’Union européenne. Aujourd’hui, il est cloué au pilori de Prague à Québec, en raison d’un franc-parler peu compatible avec les subtilités de la diplomatie internationale. Il faut dire que ses écarts de langage ont été nombreux lors de sa dernière intervention télévisée, jeudi. Après avoir contesté le droit des Tchèques d’accueillir des usines automobiles françaises (LT du 10.2.09), il s’est exprimé avec condescendance sur leur présidence de l’UE: «Ils font ce qu’ils peuvent.» Le premier ministre tchèque a jugé ces propos «incroyables».

Le Britannique Gordon Brown n’a pas apprécié de voir son plan de relance descendu en flammes lors de la même émission: «La consommation, depuis, en Angleterre, non seulement n’a pas repris mais elle continue à baisser», a dit Nicolas Sarkozy au sujet de sa décision de baisser la TVA. Mardi, le président français a déploré «la manière dont ses commentaires sur l’économie britannique ont été rapportés au Royaume-Uni».

Les exemples de ce type sont légion. Selon le Financial Times, Nicolas Sarkozy a irrité Joe Biden, le vice-président américain, en se vantant d’avoir reçu à l’avance son discours prononcé samedi, à la conférence sur la sécurité de Munich. Le 2 février, les indépendantistes québécois ont sursauté en entendant le dirigeant français les assimiler au «sectarisme», et leur expliquer que la politique française de «non-indifférence» à leur endroit n’était «pas [son] truc».

Les Allemands, eux, sont blasés. «Entre nous, c’est purement physique», aurait dit Nicolas Sarkozy au sujet de leur chancelière, Angela Merkel, avec qui les relations sont difficiles. En novembre, l’hebdomadaire Reflex a publié des propos musclés que Nicolas Sarkozy aurait tenus au premier ministre tchèque, Miroslav Topolanek: «Tu n’as pas idée de ce que c’est que de traiter avec le Liban, l’Egypte et l’Algérie. Des centaines d’heures. C’est affreux […]. Tu as besoin de moi. Je reste en place, je ne pars pas. Tu penses sérieusement que je préfère Angela?»

Ces paroles qui fâchent reflètent bien le style Sarkozy: familier, direct, parfois cru et brutal. «Il a une vision très virile de la politique, commente un député de son parti. Par ses coups de force verbaux, il montre qu’il ne s’en laisse pas compter.» Louis-Jean Calvet, coauteur d’un livre sur le langage du président*, relève chez Nicolas Sarkozy des mots écornés («m’enfin m’ame Chabot») et des lapsus (les Français «ont raison de croire» que sa politique est faite pour quelques-uns et pas pour tous). «Si on l’interrogeait sur ses maladresses diplomatiques, lui-même dirait que c’est un choix, qu’il faut dépoussiérer les relations internationales, alors qu’il ne contrôle pas son langage», estime ce linguiste.

L’ennui est que Nicolas Sarkozy heurte aussi des catégories fort chatouilleuses de la population française. Les syndicalistes n’ont pas apprécié d’entendre dans sa bouche que «quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit». Les lycéens et leurs professeurs n’ont pas aimé qu’il qualifie de «blague» la section économique de l’enseignement secondaire. A tous ces mécontents, Nicolas Sarkozy a adressé, le 22 janvier, cette formule définitive: «Si la réalité est désagréable, ce n’est pas désagréable parce que je le dis, c’est désagréable parce qu’elle est la réalité.»

* Les mots de Nicolas Sarkozy, Louis-Jean Calvet et Jean Véronis, 
Paris, Seuil, 2008.

 

Tics et astuces du président. La rhétorique tourne autour de formules bien rôdées. Par Sylvain Besson (Source : Le Temps. CH. – 12 février 2009). Extraits 

Le dialogue imaginaire:

C’est le «truc» favori du président. «Il se pose toujours comme si quelqu’un l’interpellait, c’est peut-être un tic d’avocat», remarque le linguiste Louis-Jean Calvet. La formule peut être déclinée sur tous les tons:

– On me dit que je vais prendre tous les risques parce que je veux trouver des solutions à tous les problèmes à la fois. (Paris, 18 septembre 2007)

– On me dit aussi que j’en fais trop, qu’il serait insensé de réformer à un moment où la croissance est un peu hésitante. (Ibid.)

– On me dit: la réforme fiscale, c’est politiquement risqué. Mais le plus risqué, c’est de ne rien faire. (Jouy-en-Josas, 30 août 2007)

Dire «franchement» 
des platitudes:

Nicolas Sarkozy aime mettre en scène son franc-parler avec des phrases bien senties:

– Au risque de casser certains codes, j’ai décidé de vous parler sans détour. (Paris, 18 septembre 2007)

– Le dialogue social, je le dis franchement, ne doit plus être un alibi à l’inaction. (Ibid.)

– Franchement, j’ai un paquet de problèmes à gérer. Honnêtement, c’est assez suffisant. (Bruxelles, 20 juin 2008)

La familiarité, au risque de fâcher:

Avec ses interlocuteurs étrangers, Nicolas Sarkozy peut se montrer très direct (ici avec le premier ministre tchèque Miroslav Topolanek le 31 octobre dernier):

– Tu sais ce que c’est qu’être seul contre tous les Arabes? Les avoir au téléphone? Ils sont horribles, je te jure.


Publié dans Europe de l'Ouest

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