France. Produits blanchissants : coup de filet de la police française et croisade de la mairie de Paris contre la dépigmentation
Produits blanchissants : coup de filet de la police française par Claire Schaffer (afrik.com 30/07/ 2009)
(...) La police a démantelé un réseau de vente de crèmes éclaircissantes pour la peau, en région parisienne. Dans le cadre d’une information judiciaire, plusieurs dizaines de milliers de pots et tubes ont été saisis, et cinq personnes interpellées entre le 15 avril et le 21 juillet, dont la gérante du réseau. Ces arrestations relancent le débat de la dépigmentation, pratiquée par nombre de femmes noires mais interdite en France en raison de ses dangers pour la santé. Le Conseil de Paris a annoncé une campagne contre ces produits cosmétiques dans la capitale.
Un important réseau de vente de produits blanchissants est tombé. La police a saisi plusieurs dizaines de milliers de pots et flacons de crème éclaircissante. Dans le cadre d’une information judiciaire, cinq personnes ont été interpellées, dont la gérante du réseau de vente. C’est la première fois que la quasi-totalité d’un réseau est démantelé, et pas uniquement les vendeurs. L’affaire a commencé le 15 avril quand une Congolaise qui vendait des produits blanchissants sur la voie publique a été appréhendée. 725 pots de crème sont alors saisis, et une information judiciaire est ouverte. Placée en détention provisoire, la jeune femme révèle qu’elle se fournit auprès d’une société d’import-export à Ivry-sur-Seine. Lors d’une perquisition, les policiers arrêtent un employé de la société et un chauffeur. Un autre homme chargé d’effacer la mention « contient du mercure » se rend à la police. Au total, près de 109 000 pots ont été saisis dans des entrepôts, ce qui représente une valeur marchande de plus d’un million d’euros. Le 21 juillet, c’est au tour de la gérante du réseau, une Congolaise âgée de 38 ans, de répondre de sa responsabilité devant la police. Elle reconnaît les faits qui lui sont reprochés. La police cherche encore les fabricants des produits. Les personnes interpellées ont été mises en examen et seront jugées pour « exercice illégal de la pharmacie », « tromperie aggravée », « détention et transport de substances vénéneuses ».
D’après le quotidien Libération, les produits étaient importés d’Italie, de Chine, de Côte d’Ivoire et de RDC. Ils étaient destinés à plusieurs régions de France et d’Europe. Les crèmes blanchissantes sont interdites en France car elles contiennent des produits nocifs pour la peau qui peuvent provoquer un cancer ou de graves allergies, comme l’hydroquinone, des dermocorticoïdes et du mercure. Mais cela ne dissuade pas les femmes noires d’utiliser ces produits pour éclaircir leur peau. Malgré plusieurs saisies ces dernières années, la consommation d’éclaircissants continue. Le quartier de Château-Rouge, dans le 18ème arrondissement de Paris, est un haut lieu de la vente de ces crèmes. Ian Brossat, président du groupe communiste au Conseil de Paris, a annoncé jeudi qu’une campagne de prévention dans ce quartier ainsi qu’à Château d’Eau, dans le 10ème arrondissement, sera lancée en novembre à son initiative. Un amendement budgétaire de 30 000€ a été voté en décembre dernier pour cette campagne, quelques semaines après une autre saisie. Plus que des mesures contre les vendeurs de crèmes éclaircissantes, c’est un travail psychologique qu’il faudra effectuer avec ces femmes pour qui avoir une peau blanche est le comble de la beauté.
La mairie de Paris en croisade contre la dépigmentation: Elle a lancé une campagne contre la pratique dans trois arrondissements de la capitale par Falila Gbadamassi (Afrik.com 13/11/2009)
Paris est devenu un pionnier en matière de lutte contre la dépigmentation volontaire en menant une campagne une campagne de santé publique contre la pratique. Elle a lancé une opération de sensibilisation à destination des personnes d’ascendance africaine dans le 10e, le 18e et le 19e. Il n’est pas question de stigmatisation mais d’alerter sur l’usage de produits dangereux et souvent illicites dans ces arrondissements.
Paris fait campagne contre l’usage des produits éclaircissants. Et les affiches placardées dans les rues dépeignent sombrement leurs effets. La mairie de Paris a lancé la semaine dernière une campagne contre la dépigmentation volontaire dans les 10e, 18e et 19e arrondissements qui seraient « les plus touchés ». Beaucoup d’échoppes localisées dans ces arrondissements disposent d’une large offre de produits dépigmentants qui attirent, entres autres, des clients - femmes et hommes - d’origine africaine. La campagne les concerne en premier lieu. « A Paris, on estime qu’environ 20% des femmes adultes africaines ou d’origine africaine, qui viennent consulter, sont utilisatrices régulières d’éclaircissants », explique Antoine Petit, dermatologue spécialiste de la dépigmentation volontaire à l’hôpital Saint-Louis à Paris. Si « aucune estimation sérieuse » n’est disponible, selon le médecin, « les similitudes constatées en région parisienne, dans les villes européennes et dans certaines métropoles africaines » font des études d’un autre expert, le dermatologue français Antoine Mahé, « le seul travail sérieux ». Il a été réalisé à Dakar au Sénégal où les dermatologues travaillent depuis plusieurs années sur la question en Afrique francophone. « Entre 53 et 57% des motifs de consultation, sur 670 en centre de dermatologie, étaient directement liés à l’utilisation des produits ».
Une campagne de santé publique, la manière la plus adéquate, pour défendre les populations contre les risques auxquelles elles s’exposent en utilisant des produits éclaircissants. « La première inégalité en matière de santé est celle devant l’information », souligne Judith Herpe, chef de cabinet de Jean-Marie Le Guen, adjoint au maire de Paris chargé de la santé publique et des relations avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). « La dépigmentation est un phénomène qui concerne toutes les classes sociales, mais à Paris, elle concerne particulièrement des personnes qui souffrent d’autres formes de précarité », précise la chef de cabinet. La démarche de la municipalité parisienne est de toucher toutes les personnes impliquées : victimes, celles en passe de le devenir, médecins et plus largement professionnels de la santé. Ces derniers ont suivi une formation quelques semaines avant le début de la campagne. Ils étaient environ une centaine à participer à ces sessions animées par Géraldine Marx et son confrère Antoine Petit. Beaucoup de médecins n’ayant pas la capacité de lier des stigmates et des pathologies à la dépigmentation par méconnaissance de la pratique.
Par ailleurs, Paris s’appuie sur les centres de santé et son réseau associatif pour porter le message de prévention au plus près des populations ciblées. Elle a notamment fait appel à l’Unité d’action et de réflexion des communautés africaines (Uraca), association de migrants, implantée dans le quartier de la Goutte d’Or dans le 18e et dont l’expertise en matière de santé communautaire est reconnue. A l’origine de cette opération de sensibilisation inédite contre la dépigmentation volontaire dans la capitale française, Ian Brossat, élu communiste de 18e arrondissement. Fin 2008, il dépose un vœu, voté à l’unanimité, au Conseil de Paris. « Ce qui m’a frappé, c’est qu’on a dans notre arrondissement ces produits extrêmement dangereux qui sont en vente partout. Mais jamais cette affaire n’a fait l’objet d’une campagne, d’une intervention des pouvoirs publics. Si la répression est nécessaire, on ne pas s’en contenter. On a besoin de s’adresser aux femmes et aux hommes qui achètent ces produits. »
Prévention et répression vont aujourd’hui de pair, notamment avec le démantèlement, rendu public l’été dernier, d’un réseau illégal de vente de crèmes éclaircissantes. Le résultat de longues enquêtes qui se poursuivront, assure Dominique Demangel, adjointe du maire du 18e en charge de la Caisse des écoles, de la restauration scolaire et de la santé.
La campagne d’affichage de la mairie de Paris rentre dans sa deuxième semaine. L’étape suivante pour Ian Brossat : « continuer à Paris et élargir parce que le problème se pose dans d’autres villes de France. Il faudra que l’Etat s’en mêle et lance sa propre campagne de prévention. » C’est ce qu’espère également Isabelle Mananga-Ossey, la présidente de l’association de consommateurs Label Beauté Noire (LBN) qui a participé à l’élaboration de cette action de sensibilisation. Sa structure a vu le jour en 2004, à Evreux, cause des conséquences de la dépigmentation. Une pratique qui n’est pas l’apanage des personnes originaires d’Afrique, blanches ou noires. L’Asie est le premier continent où l’on se dépigmente. « L’idée n’est pas de stigmatiser les personnes qui utilisent ces produits, mais les produits eux-mêmes, en particulier les plus dangereux, souligne Ian Brossat. C’est tout l’enjeu de cette campagne. »