France. Malaise de Nicolas Sarkozy : "La médiasphère s'est emballée".
Malaise de Nicolas Sarkozy : "La médiasphère s'est emballée". Propos recueillis par Claire Ané (Le Monde. 27/07/09)
Christian Salmon est chercheur au Centre de recherches sur les arts et le langage (CNRS-Ehess), et auteur de Storytelling. La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits (La Découverte, 2008). Il revient sur la façon dont le malaise de Nicolas Sarkozy a été relaté.
Que pensez-vous de la communication de l'Elysée sur le malaise de Nicolas Sarkozy ? L'Elysée ne pouvait pas ne pas communiquer puisque l'incident avait déjà été rendu public par des témoins, et que le président a été transporté par hélicoptère depuis le pavillon de la Lanterne dans le parc du château de Versailles. Le premier communiqué de 15 h 04 est lapidaire, le second, publié vers 19 heures, livre un récit circonstancié, mais relativement sobre. Ce qui est, par contre, significatif, c'est l'emballement de la médiasphère. Le banal malaise du président a déclenché une véritable épidémie de commentaires. Comme si la France entière se retrouvait au chevet du président... Cela révèle notre désir d'un maître. Alors que le président connaît un malaise, ce qui arrive à tout le monde, prenons garde à ne pas chercher encore des signes d'une manipulation de l'opinion !
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Cet emballement médiatique vous paraît-il lié à l'exercice du pouvoir tel que le pratique Nicolas Sarkozy ? Un tel malaise serait passé inaperçu en d'autres temps. Mais la surexposition de Nicolas Sarkozy, l'hypercentralisation du pouvoir et son hyperactivité en termes d'agenda médiatique plongent la société française dans un état d'alerte permanent. Il y a une dramatisation un peu maladive, liée à la personalisation des institutions politiques et à la "feuilletonnisation" de la vie politique. Il ne s'agit pas seulement de raconter des histoires mais de maintenir l'opinion dans des états permanents de mobilisation. Tout cela participe justement du symptôme "surexcitation, hyperactivité, surexposition". L'Elysée a tellement communiqué sur le thème du "capitaine courage", sur le pont face à la crise, qu'un simple malaise prend presque l'allure d'un naufrage. A la veille des vacances, cet incident de santé mineur a quand même des allures de métaphore. C'est un accident du rythme politique. Une chute de tension qui répond à la mise sous tension excessive des évènements. Espérons que ce malaise ramène un peu de calme dans la vie politique. Ce qui serait plutôt sain, surtout en cette période de vacances...