France. Les polices de Guyane et de Mayotte critiquées par un rapport.
Les polices de Guyane et de Mayotte critiquées par un rapport. Par Thierry Lévêque / Reuters (Source rfo.fr-29/04/2009)
Les violences et violations des droits commises par la police française envers les étrangers expulsables et les mineurs sont mis en exergue dans le rapport annuel d’une instance de contrôle indépendante, publié mardi 28 avril.
La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) met en cause la politique d’objectifs chiffrés en matière de reconduites à la frontière, à l’origine selon elle de violations des droits des étrangers, notamment en Guyane et à Mayotte. Le durcissement du traitement pénal des délinquants mineurs est aussi critiqué car il a engendré, selon la CNDS, des procédures trop coercitives envers les jeunes. "Même si un mineur a l’aspect physique d’un majeur, même s’il est violent, provocateur, il n’en est pas moins un mineur, psychologiquement vulnérable, ce qui justifie qu’il ne soit pas traité comme un majeur", a souligné le président de la CNDS, Roger Beauvois, lors d’une conférence de presse.
Dominique Commaret, membre de la commission ayant enquêté sur les centres de rétention à Mayotte et en Guyane, dénonce la "politique du chiffre" en matière d’expulsions. "Il est incontestable que l’existence de feuilles de route, de quotas chiffrés (...) conduisent les services de police et de gendarmerie qui n’ont pas les moyens de suivre des procédures de qualité, à bâcler ces procédures", a-t-elle dit. Les objectifs chiffrés ont pour conséquence une forte augmentation des placements en garde à vue, qui s’accompagnent souvent de "fouilles à nu" abusives et autres mesures coercitives non indispensables, a estimé Pierre Lyon-Caen, autre membre de la commission.
Parmi les exemples concrets mentionnés dans le rapport, la CNDS a constaté que la "totalité" des procédures menées contre les étrangers illégaux en Guyane entre 2006 et 2008 était irrégulière, car les droits des personnes ne sont ni respectés ni notifiés, ou qu’on leur impose d’y renoncer en leur faisant signer des documents pré-remplis. Le rapport parle de "déshumanisation, détentions arbitraires et conditions matérielles indignes" à propos des centres de rétention sans hygiène de ces deux territoires où les étrangers sont détenus parfois par centaines, avec des enfants en bas âge, dans des locaux prévus pour quelques dizaines de personnes, notamment à Mayotte.
La CNDS parle de "zone de non-droit" à propos de ce centre de Mayotte et dénonce la pratique illégale de rattacher d’office des mineurs isolés à des personnes qui ne sont pas leurs parents, afin de permettre leur expulsion. En Guyane est relevé le décès d’un étranger de 22 ans maintenu en rétention malgré des problèmes de santé et en métropole, plusieurs cas abusifs, notamment le placement en rétention d’une mère avec un bébé de trois semaines. La CNDS recommande aux autorités d’utiliser pour les familles expulsables avec enfants l’assignation à domicile ou dans une chambre d’hôtel. Concernant les mineurs, la CNDS condamne fermement l’arrestation à son école d’un enfant de neuf ans et son interrogatoire au commissariat après une bagarre avec une de ses camarades.
Soulignant que la police intervient plus d’un million de fois par an, le syndicat de police Synergie-officiers a réagi en condamnant "les conclusions délirantes d’une officine" et suggère à la CNDS de s’installer en banlieue. L’Unsa-police estime que les dossiers évoqués "méritent d’être étudiés et affinés pour trouver des solutions". "La CNDS est un mal nécessaire pour la police, nous avons besoin d’une entité indépendante", dit le SNOP, autre syndicat d’officiers.