France. La mise en oeuvre du principe de compétence universelle pour crimes de torture
La compétence universelle en bref (Source Groupe d’action judiciaire de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme. N° 400. Nov. 2007)
En matière de droit pénal, l’État dispose de prérogatives non seulement pour réprimer, en vertu de son droit pénal interne, les infractions commises sur son territoire, mais également pour réprimer celles qui comportent un élément d’extranéité. Elles rendent compte des compétences répressives nationales sur la scène internationale.
Les juridictions nationales sont habilitées à réprimer les infractions commises à l’étranger en vertu de la compétence personnelle, c’est-à-dire lorsque l’auteur ou la victime de l’infraction est l’un de ses ressortissants. En outre la compétence réelle donne compétence à une juridiction nationale pour connaître des infractions commises à l’étranger par des étrangers contre des intérêts fondamentaux d’un État.
La compétence universelle, qui a toujours un caractère dérogatoire, est généralement décrite comme un mécanisme qui donne vocation à juger une infraction aux tribunaux de l’État sur le territoire duquel le délinquant est arrêté quels que soient le lieu de commission et la nationalité de l’auteur ou de la victime. Elle permet ainsi à un État de juger un étranger pour un crime commis à l’étranger par un étranger contre un étranger. Elle a pour but d’assurer une répression efficace des infractions les plus graves au droit international et aux droits de l’Homme en permettant que dans tous les cas les criminels internationaux trouvent une instance de jugement. La compétence universelle exprime la solidarité entre les États dans la répression des crimes internationaux les plus graves.
Voir rapport REDRESS-FIDH : “Recours juridiques pour les victimes de ‘crimes internationaux’. Favoriser une approche européenne de la compétence extraterritoriale”. Disponible sur le site internet : www.fidh.org
La mise en oeuvre du principe de compétence universelle pour crimes de torture en France (Source Groupe d’action judiciaire de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme. N° 400. Nov. 2007)
La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies à New York, le 10 décembre 1984, est entrée en vigueur le 26 juin 1987.
Son article premier définit le terme de torture comme désignant “tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s’étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles.”
Les dispositions de la Convention contre la torture établissent une double obligation à la charge des États, consistant en l’adoption d’une législation incriminant les actes de torture d’une part et, d’autre part, établissant la compétence des tribunaux pour juger les auteurs de crimes de torture. En effet, en vertu de l’article 4 de la Convention contre la torture, les États parties sont tenus de veiller à ce que les actes de torture constituent des infractions au regard de leur droit pénal, de même que la tentative et les actes de complicité de torture.
Quant à son article 5, il pose une obligation pour les États parties d’établir leur compétence en droit interne pour connaître du crime de torture, sur la base de différents critères. Ainsi, le premier paragraphe énonce les critères de compétence traditionnels et largement reconnus, à savoir : le principe la compétence territoriale (al. a), celui de la compétence personnelle active (al. b.) et celui de la compétence personnelle passive (al. c). Le deuxième paragraphe, quant à lui, organise un mécanisme de compétence universelle, en ce que les États parties sont tenus d’établir leur compétence en droit interne à l’égard du crime de torture, alors même que ce crime n’aurait aucun lien de rattachement direct (lieu de l’infraction, nationalité de l’auteur ou de la victime) avec ces États. La seule exigence dans ce cas consiste en la présence de l’auteur présumé du crime de torture sur le territoire de l’État partie, lequel doit soit l’extrader, soit soumettre l’affaire aux juridictions nationales compétentes afin qu’elle le jugent.
La France a ratifié la Convention contre la torture le 18 février 1986, et en conséquence a créé l’infraction autonome de torture, définie par l’article 222- 1 du Code pénal. Le Code de procédure pénale français prévoit le principe de compétence universelle aux articles 689 et suivants. En application de la Convention contre la torture, les dispositions combinées des articles 689-1 et 689-2 du Code de procédure pénale établissent la compétence des juridictions françaises pour poursuivre et juger “si elle se trouve en France, toute personne qui s’est rendue coupable hors du territoire de la République” (Article 689-1 du Code de procédure pénale) “de tortures au sens de l’article 1er de la Convention [contre la torture]” (Article 689-2 du Code de procédure pénale).
Ainsi, aux termes de la législation française, les tribunaux français sont compétents pour juger toute personne présumée coupable d’actes de torture se trouvant sur son territoire, quelle que soit sa nationalité.