France. La cuvée "Obama" et les réfugiés du Darfour.

Publié le par unmondeformidable

 

La cuvée "Obama" et les réfugiés du Darfour. Benoît Hopquin (Source Le Monde /15.04.09)

C'est un vin métissé, assemblage de merlot, de carignan et de grenache, élégant, presque féminin, avec des notes de cannelle, de vanille, d'épices. Sur l'étiquette, est inscrit en larges lettres le nom du 44e président des Etats-Unis. La cuvée "Obama" est ronde en bouche, avec des tanins soyeux. C'est un rouge de garde, qui se bonifiera en vieillissant. "Il sera encore meilleur à servir pendant le second mandat...", assure Angela Bousquet-Keïta, propriétaire du Domaine Saint-Antoine.  Originaire de Guinée-Conakry, l'exploitante de 41 ans est installée à Rieux (Aude), au coeur du Minervois. Mariée à un Cathare, elle a acquis il y a douze ans 35 hectares de terres dont vingt de vignobles. Ses bouteilles se retrouvent aujourd'hui sur nombre de tables célèbres, comme le Fouquet's.

 Les plus vieux ceps ont été plantés sur ces coteaux dans les années quarante, quand les Noirs étaient encore des "indigènes" en France et des citoyens ségrégués aux Etats-Unis. Aujourd'hui, Angela Bousquet-Keïta pense être la première "vigneronne noire" de notre pays. Elle s'amuse toujours des regards interloqués quand elle participe aux raouts professionnels. Cette militante de la diversité n'aime rien tant que voir ainsi tomber un à un les préjugés sur la couleur de la peau. Alors, en novembre 2008, l'élection de Barack Obama fut pour elle un "moment d'extase". "C'était l'avènement du monde auquel je rêve pour mes enfants", explique-t-elle. D'où l'idée de sacrifier au nouvel élu une récolte en offrande propitiatoire et bachique.

L'Africaine est arrivée en France en 1975, à l'âge de sept ans. Elle a fait sa place. Mais ses souvenirs de petite immigrée se sont réveillés devant la détresse des clandestins de Calais. En 2006, Angela Bousquet-Keïta a donc décidé de recruter là-haut six réfugiés du Darfour pour les vendanges, déclarant ces sans-papiers et leur offrant un gîte et un couvert décents. Elle renouvelle l'expérience chaque année depuis. "A ceux qui disent que ces personnes sont des fainéants et des parasites, je leur conseille de venir les voir travailler dans les vignes", assure Gilles Bousquet, le mari. Cette main-d'oeuvre noire en quête d'une vie meilleure a donc oeuvré à la cuvée Obama. 8 300 coffrets ont été mis sur le marché. Le numéro un sera envoyé de droit au président américain, aux bons soins de son ambassade. Angela Bousquet-Keïta rêve sans trop y croire de pouvoir remettre le cadeau en mains propres, peut-être lors de la visite programmée d'Obama en France en juin.

La vigneronne s'est rendue à New York, y a démarché des restaurateurs réputés démocrates. Son idée et son vin y ont reçu bon accueil. Mais, les affaires restant les affaires, à 150 euros les trois bouteilles, le prix est un peu dur à avaler. La vigneronne réfute toute idée de profit malsain, assure que tous les bénéfices seront reversées à une ONG du Darfour. Et de se justifier encore : "Un coffret de bon vin Obama, c'est tout de même plus prestigieux qu'un T-shirt."

 

Publié dans Obama

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