France. Des collaborateurs de ministre toujours plus nombreux. Et très bien payés

Publié le par Un monde formidable

Cabinets ministériels par Eve Roger (Le Nouvel Observateur. 17-23/06/10)

Malgré la volonté affichée de réglementer les effectifs, les collaborateurs de ministre sont toujours plus nombreux. Et très bien payés


Panique chez les énarques ! Les cabinets ministériels sont dans le viseur de Matignon, qui leur demande 10% d'économie dès 2011. Déplacements, notes de frais et voitures de fonction sont concernés, mais « rien n'empêche de jouer sur les effectifs», assure-t-on au ministère du Budget. 3 300 agents et contractuels font actuellement tourner les hôtels de la République, mais ce sont surtout les 626 « collaborateurs de cabinet » qui coûtent cher. Dès son arrivée, en 2007, François Fillon a fixé un plafond de 20 conseillers par ministre et de 4 par secrétaire d'Etat. Las, dès la formation de son premier gouvernement, le quota était déjà dépassé.

Et en deux ans leur nombre a grimpé de 15%. Sans oublier les chargés de mission « fantômes » non répertoriés dans le « Journal officiel » et dont le nombre est estimé à 1/5 des effectifs. Champions toutes catégories : les ministères de l'Economie et de l'Ecologie, au coude-à-coude, suivis par celui de la Santé. Pis, selon les calculs de René Dosière, le recrutement incontrôlé s'est doublé d'une flambée des rémunérations des collaborateurs contractuels : leur feuille de paie aurait augmenté de 24% en un an, atteignant un salaire brut moyen de 7 100 euros, en 2009.


«Les ministères pourraient faire avec moitié moins de conseillers», aurait assuré Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée, un ex de l'Intérieur. « Tout dépend de la personnalité du ministre, décrypte un ancien directeur de cabinet. Certains ont besoin dans leur entourage de personnes proches qui les rassurent. En général, elles s'occupent plus de leur vie personnelle que des dossiers. » Les exemples abondent, mais on cite souvent cet ex-secrétaire d'Etat de François Fillon qui avait réuni au sein de son équipe à la fois son jeune amant, chargé de sa communication, et son épouse, grande ordonnatrice des (nombreuses) réceptions. Le premier avec une rémunération proche de 10000 euros mensuels, la seconde sans salaire ni statut officiel. Autre profil, les hommes de confiance chargés d'entretenir les réseaux politiques du ministre. « Ce sont les conseillers «électrons libres», raconte un observateur, ils n'ont qu'une seule fonction : petit déjeuner, déjeuner et dîner. » De quoi alourdir le montant des notes de frais mais aussi l'enveloppe dédiée aux rémunérations : très expérimentés, ce sont souvent les mieux payés...


Actuellement, salaires, primes et défraiements font l'objet d'une négociation, au cas par cas, entre le chef de cabinet du ministre et celui de Matignon, Franck Robine. « Non, c'est une décision de l'ensemble du cabinet de François Fillon», affirme-t-on dans l'entourage du Premier ministre. C'est vrai, en cas de conflit la discussion peut grimper d'un cran et se poursuivre dans le bureau du directeur de cabinet, Jean-Paul Faugère. Mais l'issue des tractations dépend toujours du poids politique du ministre... Ironie de l'affaire : la taille du propre cabinet de François Fillon - 57 membres - fait jaser à l'extérieur. D'autant que certaines mauvaises langues affirment qu'on y trouve aussi une «masse d'officieux». «Aucun», tranchet-on rue de Varenne. Fermez le ban.


Alors, une cure d'amaigrissement des cabinets de la République est-elle réaliste ? Comme à chaque remise en question du fonctionnement ministériel, une solution revient avec insistance : faire meilleur usage de l'administration. «Idéalement, il faudrait un petit staff autour du ministre qui s'appuierait sur les fonctionnaires », confirme un ex-dir cab.

Mais cette mécanique vertueuse semble quasi impossible. «Les sujets sont complexes, ajoute-t-il, et l'administration n'est pas suffisamment réactive. » Autre piste : supprimer des ministères. « A quoi sert aujourd'hui le secrétaire d'Etat aux Anciens combattants », ose, perfide, un ex de l'Intérieur ?

 

Publié dans Europe de l'Ouest

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