France. Chroniques marseillaises (8): Cette drogue qui nourrit des familles
Enquête sur ces trafics explosifs qui gangrènent la vie des cités marseillaises par Denis Trossero (La Provence.29/01/09)
C'est le procureur de Marseille, Jacques Dallest, qui l'a dit: "Aujourd'hui, on ne se contente pas de revendre de la drogue. On a des homicides ou des tentatives d'homicides qui s'inscrivent dans le cadre de tensions réelles sur fond de trafics de cités".
Un foyer explosif. Certains policiers parlent de "guerre fratricide". Et le chaudron du 13e arrdt pourrait avoir mis le feu aux poudres. Les résidants des cités des Lauriers, des Cyprès et des Cèdres, à Malpassé (13 e ), vivraient sur une poudrière. Une bande issue de la communauté des gens du voyage, habitant les Cèdres, aurait pris possession des Lauriers pour y installer ses "plans de stups", et déstabilisé le quartier.
Une drogue qui nourrit des familles.Car le marché souterrain de la drogue rapporte. Et souvent beaucoup. "Le shit fait vivre les quartiers nord", assure un policier de terrain. À la cité Font-Vert (14e ), par exemple, l'une des mieux tenues par les caïds locaux, "les trafiquants peuvent se faire plus de 2000 € par nuit", confirme un autre enquêteur. Surtout lorsque les repères sociaux n'existent plus. Le "shit" se vend à 10 ou 20 € selon la barrette et presque toutes les cités en vivent. La coke, privilège de cités comme Les Iris, La Paternelle, Bassens, Plan d'Aou ou Les Flamants, se trouve à 40 € le gramme.
Des armes en vente libre. La vente d'armes peut rapporter 1000 à 2000 € par jour au pied des immeubles, en liquide bien sûr. La Castellane, La Cayolle, Le Castellas, La Solidarité sont connues pour ça.
Les "Allô shit" de Marseille. Il existe même des trafiquants qui livrent à domicile. Des sortes d'"Allô Shit" qui se déplacent et règlent à la commande. Les cités de La Savine et La Marie en tête. Pas facile pour la police de frapper en un lieu précis.
Des cités multicartes. Celle dont le nom revient est La Cayolle (9e), au bout des quartiers sud. Le règne des "touche-à-tout". Connus pour faire à la fois dans le haschisch, la cocaïne, le trafic de voitures, de cartes bancaires ou les armes. "Chaque vendredi soir, on sait qu'on va voir débarquer des voitures immatriculées dans le Var qui viennent s'approvisionner. Il suffit de les attendre à la sortie de la cité", confie un enquêteur.
Des spécialités mouvantes. L'une des constantes est l'aptitude des cités à rebâtir un trafic de stups après une "descente" de police. Ce fut le cas aux Iris, après le lynchage du jeune Taoufiki. Les trafiquants avaient disparu, avant d'y revenir. À l'inverse, Frais-Vallon, parfois qualifiée hier de "supermarché de la drogue", "n'est plus ce qu'elle était".
Des bombes à retardement. Ce sont les cités "les moins tenues", celles où les "plans stups" sont faits de rivalités entre bandes, de jalousies sur les bénéfices engrangés, qui génèrent le plus de "désordres", dit la police. Le règlement de comptes de mardi matin est-il né de la rencontre hasardeuse de deux espaces de contestation ?