Etats-Unis. Pourquoi Barack Obama est-il noir?
Etats-Unis: pourquoi Barack Obama est-il noir? par Guillemette Faure (Rue89. 06/07/2008). Métis, le candidat démocrate à la présidentielle est perçu et se définit comme un Noir. Décryptage d'une spécificité américaine.
Barack Obama est né d'une mère blanche du Kansas et d'un père africain, venu, du Kenya, étudier aux Etats-Unis. « Il n'est pas noir, il est métis », nous écrit Molto sur un article de Rue89. Plusieurs d'entre vous avaient déjà fait la remarque. Pourquoi dit-on de lui qu'il est noir ? Pourquoi vu ses origines [2] ne dit-on pas qu'il pourrait être le premier président métis aux Etats-Unis ?
Parce qu'Obama lui même se définit comme noir. Barack Obama rappelle souvent que la famille de sa mère est blanche et que celle de son père est noir. Sa demi-sœur, née du second mariage de sa mère avec un Indonésien est elle aussi métisse. Obama revendique son héritage maternel, y a fait référence au Kansas à plusieurs reprises en allant notamment sur la tombe de son grand-père, mais il n'emploie jamais le mot « biracial » (métis) pour parler de lui. « Un Noir avec un drôle de nom, on me donnait peu de chances », écrit-il par exemple dans son livre à propos de sa candidature au Sénat.
Parce que c'est ainsi que la société américaine le définit. Il l'explique dans une interview à l'émission 60 Minutes. Le journaliste lui fait remarquer que, son père kenyan ayant quitté le domicile quand il avait deux ans, il a grandi, avec sa mère et ses grands-parents maternels, dans un environnement essentiellement blanc. « A un moment, vous avez décidé que vous étiez noir ? “ ‘Hé bien, je ne suis pas sûr que je l'ai décidé… Je pense, vous savez, que si vous avez l'air afro-américain dans cette société, vous êtes traité en afro-américain.’
A cause de son parcours politique. George W. Bush s'est redéfinit en brave gars texan après avoir été assimilé à un ‘élitiste de Nouvelle-Angleterre’ par son adversaire, lors d'une tentative ratée d'être élu au Congrès, en 1978. De même, Barack Obama apprendra d'un échec, après sa campagne infructueuse pour être élu représentant au Congrès en 2000. Son adversaire d'alors, Bobby Rush, un Noir et ancien Black Panther, laisse entendre que c'est dans les livres que Barack Obama, dîplomé d'Harvard, a appris ce qu'était le mouvement des droits civiques et la ségrégation. Cette année-là, Obama perd les élections de ce district de Chicago en ayant gagné le vote blanc… mais perdu le vote noir. Il en tirera les leçons et apprendra à cultiver lui aussi ses liens avec la communauté noire –des églises aux associations- de Chicago.
Parce que le métissage n'est pas valorisé aux Etats-Unis. L'actrice Halle Berry, dont la mère est blanche, a estimé que son Oscar était une victoire pour toutes les femmes noires. Le gouverneur du Nouveau Mexique Bill Richardson, métis latino et blanc, se considère comme hispanique. A l'inverse, en 1997, Tiger Woods s'était fait allumer aux Etats-Unis en se qualifiant de ‘Cablinasian’ (résumé de caucasian, black, american indian, indian). Si Barack Obama se disait métis, il pourrait donner l'impression de rejeter sa part noire, entend-on dans cette séquence [3] de la chaîne publique NPR consacrée à la question.
C'est l'héritage paradoxal de la ‘one drop rule [4]’ (règle d'une seule goutte), en vigueur au début du XXe siècle et qui voulait que soit considérée noire toute personne qui ait une goutte de sang noir. Dans une société communautariste, les associations représentantes de groupes ethniques sont plutôt opposés à l'étiquette ‘métis’, craignant qu'elle ne dilue leur influence. On s'en est aperçu lors du recensement de 2000. L'administration, qui jusque là demandait aux résidents américains de s'inscrire dans seulement quatre groupes ethniques, a envisagé d'ajouter une casse ‘multiracial’ (métis). Les associations noires s'y sont pour la plupart opposées, craignant que cela ne diminue leur poids dans la société. En guise de compromis, le recensement de 2000 a proposé plusieurs cases [5] ethniques, et autorisé les personnes identifiées à en cocher plusieurs, mais sans qu'il n'y ait de case ‘métis’. Autrement dit, aux Etats-Unis on peut appartenir à plusieurs groupes… mais ‘métis’ n'est pas une identité.
Malgré toutes ces explications, la remarque des internautes reste très pertinente. Ce n'est pas parce qu'Obama a décidé de préférer l'étiquette noire à l'étiquette métis que les journalistes doivent en faire autant. Nous tacherons d'y veiller désormais sur Rue89.
[2] http://fr.youtube.com/watch?v=HLg3QVytkxo
[3] http://www.npr.org/templates/story/story.php?storyId=17958438
[4] http://en.wikipedia.org/wiki/One-drop_rule/: The one-drop rule is a historical colloquial term for a belief among some people in the United States that a person with any trace of African ancestry is black. This notion of invisible/intangible membership in a racial group has seldom been applied to people of other ancestry (see Race in the United States for details). The concept has been chiefly applied to those of black African ancestry (...)
The one-drop rule was a tactic in the U.S. South that codified and strengthened segregation and the disfranchisement of most blacks and many poor whites from 1890-1910. After Supreme Court decisions in Plessy v. Ferguson and related matters, White-dominated legislatures felt free to enact Jim Crow laws segregating Blacks in public places and accommodations, and passed other restrictive legislation. Legislatures sought to prevent interracial relationships to keep the white race "pure" long after slaveholders and overseers took advantage of enslaved women and produced the many mixed-race children.
The 1910–19 decade was the nadir of the Jim Crow era. Tennessee adopted a one-drop statute in 1910, and Louisiana soon followed. Then Texas and Arkansas in 1911,Mississippi in 1917, North Carolina in 1923, Virginia in 1924, Alabama and Georgia in 1927, and Oklahoma in 1931. During this same period, Florida, Indiana, Kentucky, Maryland,Missouri, Nebraska, North Dakota, and Utah retained their old "blood fraction" statutes de jure, but amended these fractions (one-sixteenth, one-thirtysecond) to be equivalent to one-drop de facto.[2]
Before 1930, individuals of mixed European and African ancestry were usually classed as mulattoes, sometimes as black and sometimes as white, depending on appearance. States often stopped worrying about ancestry at "the fourth degree" (3 x great-grandparents). Madison Grant of New York in The Passing of the Great Race wrote: "The cross between a white man and an Indian is an Indian; the cross between a white man and a Negro is a Negro; the cross between a white man and a Hindu is a Hindu; and the cross between any of the three European races and a Jew is a Jew."[3]
In the case of Native American descendants with whites, the one-drop rule of definition was extended only so far as those with more than one-sixteenth Indian blood, due to what was known as the "Pocahontas exception." The "Pocahontas exception" existed because many influential Virginia families claimed descent from the American Indian Pocahontasof the colonial era. To avoid classifying such people as non-white, the Virginia General Assembly declared that a person could be considered white as long as they had no more than one-sixteenth Indian "blood". (...)
[5] http://www.census.gov/population/www/socdemo/race/racefactcb.html
Pourquoi dit-on d'Obama qu'il est noir ? par Dominique Mataillet (Source Radio CEMAC. 13-09-2008)
L’idée ne viendrait à personne de présenter John McCain comme le représentant blanc du Parti républicain à la présidentielle américaine. Pourquoi donc Barack Obama, son adversaire démocrate, est-il systématiquement qualifié de « candidat noir », alors que, fils d’un Kényan et d’une Américaine du Kansas, il est en réalité métis ?
Première explication, qui tient à l’intéressé lui-même. Après la séparation de ses parents quand il avait 2 ans, Obama a grandi avec sa mère et ses grands-parents maternels dans un environnement essentiellement blanc. Pourtant, il n’emploie jamais pour parler de lui le mot biracial (« métis »). Il se définit comme noir, parce que la société le définit comme tel : « Si vous avez l’air afro-américain, vous êtes traité en Afro-Américain », regrette-t-il.
Longtemps, les États-Unis ont été régis par la One Drop Rule, selon laquelle il suffit d’une seule goutte de sang noir pour être considéré comme noir. Cette règle a disparu en 1970, mais le dualisme Noirs-Blancs reste profondément ancré dans les mentalités.
Aujourd’hui, chacun définit sa propre identité raciale ou ethnique. Lors des recensements, les Américains ont le choix entre six grandes catégories : Blancs, Noirs, Amérindiens, Asiatiques, Hispaniques et natifs des îles du Pacifique. Il est parfaitement possible de se réclamer de deux « races », voire davantage. Or, en 2000, ils n’ont été que 2,5 % dans ce cas. Seuls 727 000 métis Noir-Blanc ont été recensés, alors qu’ils sont à l’évidence des millions.
Si Obama se disait métis, il donnerait le sentiment de renier sa part noire. Ce qui pourrait lui coûter cher politiquement. Il en a fait l’expérience à Chicago en 2000 lorsqu’il a échoué à se faire élire à la Chambre des représentants. Le vainqueur du scrutin, Bobby Rush, un ancien Black Panther, claironnait que l’ancien élève de Harvard avait découvert la ségrégation dans les livres…