Egypte. Nil: contre-offensive diplomatique
Nil. Contre-offensive diplomatique par Ola Hamdi (Al-Ahram. Egypte. 07/07/10)
Le Caire veut remédier aux conséquences de la signature, le 14 mai dernier, par cinq pays africains d’un accord sur le partage des eaux, sans son accord ni celui du Soudan.
C’est un véritable ballet diplomatique dans lequel l’Egypte s’est engagée cette semaine. Il s’agit pour elle de faire face à la signature par cinq pays du Bassin du Nil d’un accord-cadre sur le partage des eaux, accord conclu sans l’approbation de l’Egypte et du Soudan. Tandis que le chef des services de renseignement, Omar Soliman, se rendait en Ouganda porteur d’un message du président Moubarak à son homologue ougandais, Youri Museveni, le ministre des Finances, Youssef Boutros-Ghali, était au Burundi pour des réunions au plus haut niveau avec les responsables de ce pays. Cette valse diplomatique est intervenue quelques jours avant la tenue à Addis-Abeba, en Ethiopie, les 26 et 27 juin, d’une réunion ordinaire des ministres de l’Irrigation du Bassin du Nil. Réunion à laquelle ont pris part le ministre de l’Irrigation, Mohamad Nasreddine Allam, et une importante délégation formée de représentants des ministères de l’Irrigation, de la Coopération internationale et des Affaires étrangères, ainsi que des experts et des techniciens. Mais pourquoi ces va-et-vient ? « Le Caire tente d’une part de dissuader les deux pays qui n’ont pas signé l’accord cadre, à savoir le Congo et le Burundi, d’y adhérer et d’autre part de poursuivre le dialogue avec les pays signataires en leur proposant des projets de coopération pour qu’ils reviennent sur l’accord », explique l’analyste Hani Raslane.
Depuis quelques années, les pays de l’amont du Bassin du Nil, à savoir le Burundi, la République démocratique du Congo, l’Ethiopie, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda, ainsi que l’Erythrée, réclamaient une nouvelle répartition « plus juste » des eaux du fleuve. Mais cette demande s’est heurtée au refus des pays de l’aval (l’Egypte et le Soudan) qui, depuis 1959, bénéficient d’environ 85 % des eaux du Nil, soit 55 milliards de m3 pour l’Egypte et 18,5 milliards de m3 pour le Soudan. Face aux divergences et à la réticence des pays de l’amont, 5 pays de l’aval (Ethiopie, Kenya, Ouganda, Tanzanie et Rwanda) ont signé le 14 mai dernier un accord-cadre séparé prévoyant une nouvelle répartition des eaux du Nil et ce sans l’approbation de l’Egypte et du Soudan. La signature de cet accord a été un choc pour l’Egypte qui envisage le recours à l’arbitrage international. « Mais Le Caire craint que les deux pays non signataires de l’accord ne décident finalement d’y adhérer, ce qui lui donnera une légitimité et compliquera la tâche de l’Egypte devant l’arbitrage », explique Hani Raslane. Après le premier choc de la crise, l’Egypte a commencé à examiner la question avec plus de réalisme. Elle travaille actuellement avec une grande retenue en espérant le retour de la coopération avec les pays de l’amont. La politique égyptienne repose actuellement sur deux axes. Premièrement, empêcher à tout prix que les deux derniers pays du bassin n’adhèrent à l’accord-cadre. Deuxièmement, garder le calme et maintenir le dialogue afin d’éviter les conflits avec les pays de l’amont. « C’est dans ce contexte que Omar Soliman est allé en Ouganda avec pour mission d’empêcher ce pays de faire de pression sur le Burundi pour signer l’accord-cadre. Quant au choix du ministre des Finances, Youssef Boutros-Ghali, il s’explique par les nombreux contacts que possède son oncle Boutros Boutros-Ghali dans cette région d’Afrique, depuis qu’il était secrétaire général des Nations-Unies », explique Hani Raslane.
Parallèlement, l’Egypte a réussi à convaincre la Banque mondiale et les pays donateurs de ne pas lancer de projets d’investissement hydrauliques dans les pays de l’amont pendant le différend. Des efforts ont lieu pour convaincre la Chine de ne pas investir dans des projets qui portent préjudice aux intérêts égyptiens. L’Egypte a également eu des contacts avec un certain nombre de pays africains pour empêcher le financement de tout projet dans les pays sources pouvant affecter la part de l’Egypte en eau dans l’avenir. A Addis-Abeba, Mohamad Nasreddine Allam a invité les ministres de l’Irrigation des pays du Bassin du Nil à une réunion extraordinaire pour engager des négociations sur certains points en suspens relatifs au partage des eaux du Nil. « Nous voulons revenir à la table des négociations pour parvenir à une formule de compromis qui satisfait toutes les parties », a déclaré Allam. La proposition égyptienne a été acceptée et la réunion extraordinaire devrait avoir lieu en novembre prochain au Caire.