Discours de Sarkozy sur l’Afrique : Que vaut ce pardon Royal ? (2)

Publié le par unmondeformidable

Discours de Sarkozy sur l’Afrique : Que vaut ce pardon Royal ? (Source : L’observateur. Burkina Faso. 08/04/09)

Juillet 2007. Dans un amphithéâtre de l’université Cheik Anta Diop, plein à craquer de sommités du monde universitaire et d’étudiants, Nicolas Sarkozy, le président de la République française, dans un discours tristement célèbre à la jeunesse, déclarait, entre autres : « Le drame de l’Afrique est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire ». Ces propos hégéliens ont suscité une telle polémique que des intellectuels et politiques africains y ont répondu à travers un ouvrage collectif dirigé par l’ex-première dame du Mali, l’historienne Adam Ba Konaré. Au point que le locataire de l’Elysée, au fil de ses séjours en Afrique, a dû, sans aller jusqu’à l’excuse publique, édulcorer ou plutôt mieux s’expliquer sur ce dérapage que lui a fait faire son porte-plume, le virevoltant Henri Guaino, mettant du coup cet écart langagier sur le compte d’une méconnaissance du continent noir.

Mais, dans l’Hexagone, il y a au moins une personne et pas n’importe qui, qui estime qu’il faut que la France demande pardon pour cette faute : Ségolène Royal, candidate malheureuse à la dernière présidentielle. A dessein, elle a choisi, pour le faire le pays où cette « faute » a été commise et surtout la ville de Dakar, un terrain connu et un peu acquis à sa cause, puisqu’elle est native de Ouakam. Voilà donc la présidente de la Région Poitou-Charentes dans son pays de naissance, affirmant le 6 avril 2009 que les « paroles de Sarkozy étaient humiliantes ...n’engageaient ni la France ni les Français » et, dans la foulée, a demandé pardon au nom de l’Hexagone. En vérité, de la Chine à la Guadeloupe où elle s’est rendue pour une raison ou sans raison, que n’a-t-on pas entendu de la part de cette imprécatrice qu’on ne sache déjà ?

C’est qu’avec cette sortie de Dakar, elle touche à un domaine réservé. D’où des questions basiques qu’on se pose : au nom de quoi peut-elle demander pardon pour une faute commise par le chef de l’Etat ? Qui l’a mandatée pour parler, surtout sur une question aussi sensible, au nom de l’Etat français ? Que Sarkozy se soit mépris sur les Africains par ses propos malheureux, on en convient ; mais appartient-il au Français Tartampion, fût-on la challenger du « fautif » (47% au second tour de la présidentielle de 2007) de faire acte de contrition à sa place ? Au-delà des réactions du gouvernement, de Kouchner à Rama Yade qui tous ont déploré ce comportement « royaliste », lequel oscille entre récupération et démagogie, il faut souligner que la dame de « l’ordre juste » n’est pas dans son rôle, loin s’en faut.

Les sujets de repentance sont tellement délicats qu’il faut remuer n fois la langue avant d’en parler : Les Arméniens attendent des Turcs une demande de pardon à propos du génocide arménien, la Shoa ne s’évoque pas au hasard, et le sujet de l’esclavage est toujours pendant...

D’où vient alors que Ségolène, qui ne représente ni le PS ni la voix officielle de la France, se permette de battre la coulpe de son pays à si bon compte ? Certes, les Martine Aubry et Benoît Hammon ont apprécié le geste, ce qui est compréhensible vu qu’une telle estocade à l’égard de celui qui pioche régulièrement dans le vivier socialiste est pain bénit pour eux. Mais qu’on ne s’y trompe pas, car, au fond, les socialistes ne se retrouvent pas totalement dans cette action de Ségo, dans la mesure où personne ne voudrait qu’un jour on marche sur ses plates-bandes. Or, à l’évidence, c’est sur le terrain de l’Exécutif que l’ex-compagne de François Hollande s’est aventurée. Aussi, il faut lire dans ce pardon par procuration de la pure communication. Ségolène aurait voulu dire « je gesticule, donc j’existe ! » qu’elle ne s’y serait pas prise autrement. C’est connu, la communication politique est, par essence, permanente, qu’elle soit ouverte ou subliminale. Attention tout de même à l’effet boomerang et au phénomène de saturation, surtout si l’on veut tenter d’entrer au château en 2012.

Et puis, entre nous, Africains, on a beau être émotif, n’en déplaise à ceux qui ont pourfendu Senghor jadis, on n’est pas dupe pour nous laisser prendre, à l’image du camarade Ousmane Tanor Dieng, au jeu de cette drôle de dame qui vient régler ici des comptes franco-français en nous chatouillant là où ça nous démange : notre orgueil de nègre froissé par le discours, il est vrai, blessant de super Sarko. Pendant qu’elle y est, la « bravitude » faite femme n’a qu’à continuer à Kigali faire amende honorable auprès des Rwandais pour le rôle trouble joué par Paris avant et après le génocide, ce que la France officielle se refuse à faire jusqu’à présent. Ça tomberait tellement bien, puisqu’on commémore ces jours-ci le 15e anniversaire du déclenchement du génocide des Tutsi et du massacre des Hutus modérés.

Ne nous laissons donc pas prendre à ce petit jeu de pure com. de la Royal, qui fait d’une pierre deux coups : casser les pieds à Sarkozy en même temps

qu’elle met dans l’embarras ses camarades du PS, où elle se pose, plus que jamais, en électron libre

 

Publié dans Françafrique

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