Côte d’ivoire. Gbabgo cherche la petite bête et Blé Goudé revient !

Publié le par Un monde formidable

Côte d’ivoire. Gbabgo cherche la petite bête par Alain Saint Robespierre  (L’Observateur. Ougadougou.10/01/10)

Ça recommence ! Quelque quatre semaines après l’adoption, à Ouagadougou, par le Cadre permanent de concertation (CPC) d’un nouveau timing du processus électoral ivoirien, la poussive Commission électorale indépendante (CEI) est, une fois de plus, la cible de graves récriminations. Si fait qu’à deux mois du premier tour de la présidentielle, des incertitudes planent encore sur la tenue du scrutin, maintes fois reporté, et prévu, cette fois, en début février fin mars.

En effet, le parti au pouvoir, le Front populaire ivoirien (FPI), accuse la Commission électorale indépendante (CEI) de « fraude » et de « manipulations » dans le traitement, en cours, du contentieux sur la liste électorale provisoire. Samedi 9 janvier dernier, le porte-parole du chef de l’Etat ivoirien, Laurent Gbagbo, a dénoncé la tentative d’inscription de plus de 400 000 personnes qui ne s’étaient pourtant pas présentées devant la commission. Déjà, le président de la République ronchonnait du fait que ses représentants ne disposaient d’aucune marge de manœuvre dans cette institution où ils sont en infériorité numérique.

Accusation pour le moins singulier quand on sait que dans les démocraties africaines, c’est généralement la minorité politique qui pointe du doigt la majorité pour toutes formes d’irrégularités. Pour le cas d’espèce, c’est vraiment l’Afrique en l’envers. On en viendrait même à rire si ces bisbilles qui se profilent à l’horizon ne menacent pas d’affecter le nouveau calendrier électoral sur lequel, d’ailleurs, beaucoup ne pariaient le moindre CFA.

C’est à croire que le président de la CEI, Robert Beugré Mambé, est frappé par le châtiment de Sisyphe : à chaque nouvelle date du scrutin, un nouvel obstacle pour caler le processus. Dernière preuve en date de cette malédiction mythologique, la grève des greffiers qui, en plus d’avoir paralysé l’administration judiciaire, a porté un coup sérieux sur la machine électorale. Conséquence, le contentieux d’inscription, qui devait être vidé au plus tard le 26 décembre 2009, ne l’a été qu’une dizaine de jours après. Plus d’une semaine de retard dans un processus réglé comme un chronomètre de marine, c’est énorme.

Avec ces récentes critiques portées par le camp présidentiel ivoirien, c’est là un gros bâton mis, dans le meilleur des cas, dans les roues de la CEI. Dans le pire des cas, c’est dans celles de tout l’ensemble du processus de paix, car ces accusations portent en elles les germes d’une élection contestée en cas de victoire de l’opposition.

De grosses bourrasques menacent à nouveau la lagune Ebrié. C’est le facilitateur Blaise Compaoré qui risque de finir par jeter la perche de sauvetage. Blaise, yako ! (1)

(1) Yako : expression baoulé pour exprimer sa commisération avec autrui. Ici, avec le président burkinabè, Blaise Compaoré, médiateur depuis plusieurs années dans la crise ivoirienne.

 

Côte d’Ivoire. Au secours, Blé Goudé revient !  par Abdou Karim Sawadogo (L’Observateur. Ougadougou.12/01/10)

On ne le dira jamais assez, l’élection présidentielle ivoirienne, censée mettre fin à la crise dans ce jadis havre de paix, est comme un mirage. Au fur et à mesure qu’on croit s’en approcher, elle s’éloigne, laissant le peuple dans le désarroi.  Pour une crise, rien d’étonnant, car on sait quand elle commence mais pas quand elle prendra fin. Il a fallu que les politiciens, dans leur égoïsme, créent cyniquement des concepts xénophobes afin de parvenir à leurs fins,pour que le pays d’Houphouët plonge dans une tourmente décennale dont les soubresauts continuent d’inquiéter.

Le dialogue direct interivoirien, avec à la clé l’Accord politique de Ouagadougou, signé le 4 mars 2007, avait pourtant suscité un grand espoir, laissant penser à l’imminence d’une sortie de crise. Cet accord a eu le mérite de créer un minimum de confiance entre les différents protagonistes et a permis au président Laurent Gbagbo de redorer son blason, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de son pays, lui qui était, à souhait, désigné par le sobriquet de “boulanger” prêt à rouler tout le monde dans la farine. Mais en multipliant les reports et les subterfuges pour ne pas aller aux élections, le mari de Simone est en train d’apporter de l’eau au moulin des sceptiques quant à sa bonne foi.

Celle de conduire sérieusement son pays vers une sortie de crise qui le replacera bien dans son rôle de locomotive de l’UEMOA. L’actuel bras de fer qui oppose son camp à la Commission électorale indépendante est fait pour ajouter aux inquiétudes et à la souffrance des Ivoiriens. En effet, le président de la CEI, Robert Beugré Mambé, est aujourd’hui accusé de tous les péchés d’Israël, notamment d’être l’auteur d’une opération frauduleuse qui aurait inscrit quelque 400 000 personnes sur la liste électorale.  Désormais, le premier responsable de cette institution qu’on félicitait, il n’y a pas longtemps, est subitement devenu l’ennemi n°1 du Front populaire ivoirien. Toutes les structures de ce parti au pouvoir et ses satellites rivalisent d’accusations qui portent atteinte à la crédibilité de Beugré Mambé et à celle de son institution.

C’est à ce moment précis que le bien-nommé ministre de la rue, Blé Goudé, a décidé de reprendre du service pour dire, comme à son habitude, haut ce que son maître pense tout bas : lundi en fin de matinée, à l’hôtel communal de Cocody, tous les responsables de la galaxie patriotique se sont retrouvés autour de Charles Blé Goudé, directeur national adjoint de campagne du candidat Gbagbo et chargé de la jeunesse ; une rencontre à l’issue de laquelle il “exige la dissolution de la CEI et que Robert Beugré Mambé soit mis à la disposition de la Justice parce qu’il est un danger pour la Côte d’Ivoire, que les élections soient confiées à une structure dirigée par les responsables religieux”.   Il a promis de lancer des mots d’ordre à ses partisans pour être entendu. A la grand-messe de 20h de la télévision nationale ivoirienne, un temps lui a été largement accordé pour sa propagande. Quand on sait que ce personnage, qui a dirigé les “patriotes” qui ont commis des exactions au temps fort de la crise, ce qui lui a valu l’interdiction de voyager à l’étranger par l’ONU, ne peut pas avoir cet espace médiatique public pour s’épencher à souhait sans la bénédiction de son maître, on ne peut qu’avoir des craintes.

Ce sentiment est d’autant plus justifié que cette nouvelle crise a nécessité le déplacement du Premier ministre Guillaume Soro dans notre capitale. Après avoir certainement été conseillé par le facilitateur, il a demandé le retrait des noms querellés de la liste.

Selon des sources policières croisées, citées par le Nouveau Réveil, la sécurité de Beugré Mambé serait sérieusement menacée ainsi que celle des principaux leaders de l’opposition, en particulier du RHDP. Que nous réserve cet énième épisode de la crise en Eburnie ? Bien malin qui saura répondre à cette question. Ce qui est sûr, c’est le moment ou jamais pour des troublions, à l’image de Blé Goudé, nommé, on se rappelle, “ambassadeur de paix” par le gouvernement de Guillaume Soro en 2007, de mettre de l’eau dans leur vin pour faire la paix tant attendue par le peuple ivoirien.

Publié dans Afrique de l'Ouest

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