Côte d’Ivoire. Election présidentielle. Gbagbo: “Je n’ai jamais peur de rien”
Présidentielle ivoirienne. “Je n’ai jamais peur de rien”. Extraits de l’Interview du président ivoirien Laurent Gbagbo, réalisée par Zowenmanogo D. Zoungrana (L’Observateur. Ouagadougou. 23/09/10)
(…) Lorsque vous avez signé le décret relatif à l’adoption de la liste définitive, vous avez laissé entendre que vous ne voulez pas de bagarre tout en invitant vos challengers à aller en campagne. Vous, étant au sommet de l’Etat, êtes en campagne depuis des lustres. N’est-ce pas déloyal ?
L.G. : Un homme politique normal est toujours en campagne ! Même quand vous êtes élu, le jour de votre prestation de serment, vous pensez à votre campagne future ! Si un homme politique n’est pas tout le temps en campagne, c’est qu’il ne fait pas de politique. Un homme politique est en permanence en campagne, vous comprenez ? (rires). Moi, pour être élu président de la République, j’ai fais dix ans de campagne : j’ai commencé en 1990 et j’ai été élu en 2000. Cela est tout à fait normal. Et puis encore, ne vous trompez pas, mes challengers sont également tout le temps en campagne. Il n’y a pas un qui soit plus en campagne que les autres. Il y en a peut-être qui, à cause de la fonction qu’ils occupent, sont plus visibles que d’autres, mais tous, autant que nous sommes, battons campagne.
Vous avez deux principaux challengers, Alassane Dramane Ouattara et Henri Konan Bédié ; lequel des deux aimeriez-vous affronter au second tour, si second tour il y a ?
L.G. : Moi, je n’ai aucun problème sur ce point. Je prends celui que le peuple ivoirien m’aura donné. Si c’est ADO, je l’affronte, si c’est Bédié, même chose (éclats de rires). J’ai toujours dit que dans une élection, le souverain, c’est le peuple. Dans une République, le souverain, c’est le peuple. Moi, je ne me fais aucun souci, je m’en vais à la bataille électorale, et je prends les résultats tels qu’ils arrivent. Je n’ai aucun problème, et je n’ai aucun choix à faire, ce n’est pas à moi de choisir.
La Coalition du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ne fait pas peur à Gbagbo ?
L.G. : Moi, je n’ai jamais peur (silence de quelques secondes). Je n’ai jamais peur de rien ! C’est pourquoi je suis encore là où je suis. Je n’ai pas peur de quelque chose. Et puis, la politique n’est pas le football ! Dans le football, on peut dire qu’il y a une sélection des meilleurs joueurs de deux villages pour jouer contre une autre équipe, et cela peut créer la peur. En politique, ce n’est pas de cela qu’il s’agit.
Je vais vous citer un exemple qui peut donner matière à méditation : quand il y a eu le référendum en France concernant le “oui” ou le “non” sur le traité européen, notamment sur la Constitution européenne, tous les partis présidentiels, c’est-à-dire tous les partis qui ont eu à donner à la France un président de la République, tous ces partis ont appelé à voter “oui” ; notamment, l’UMP, le PS, les centristes... eux tous ont appelé à voter “oui”, mais c’est le “non” qui a gagné. Vous comprenez ? Une coalition n’est pas une garantie de victoire. Parce que personne n’est propriétaire de la voix d’un électeur.
Dans une interview parue dans le Jeune Afrique n° 2555-2556 du 9 janvier 2010, vous avez affirmé en substance que le meilleur choix que les Ivoiriens puissent faire, c’est vous. Est-ce que vous envisagez également la perspective d’un éventuel échec à cette présidentielle ?
L.G. : Bien sûr ! En démocrate, quand on va à une élection, il faut envisager de gagner ou de perdre. Mais cela ne change rien à mon argumentation. Si je ne pensais pas être le meilleur candidat pour la Côte d’Ivoire, je n’irais pas aux élections. Je me rallierais à celui que j’estimerais être le meilleur. Mais dans ces moments où la Côte d’Ivoire, agressée, est en train de sortir de la crise, et qu’il faut l’y aider, il faut choisir quelqu’un qui ait des qualités précises, notamment la vision, la netteté dans l’analyse, la clairvoyance, le punch, le patriotisme, et je crois que cette personne, c’est moi. Mais je le répète, le souverain en république reste le peuple. Donc le peuple choisira celui qu’il veut. Mais moi, je dis au peuple pourquoi je vais aux élections et je lui ai dit pourquoi c’est moi le meilleur choix. Je le laisse travailler et je le laisse opérer son choix.