Conférence de Durban II : et si finalement Ahmadinejad avait raison !
Conférence de Durban II : et si finalement Ahmadinejad avait raison ! par ZK (Source L'0bservateur Paalga. Burkina Faso. 21 avril 2009)
Commencée lundi dernier à Genève, la « Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et les diverses formes d’intolérance », dite de Durban II, continue son cours sans avoir enregistré la défection des représentants de vingt-trois membres de l’Union européenne avec, à leur tête, l’ambassadeur tchèque, dont le pays assume la présidence tournante de l’Union.
Des pays tels l’Allemagne, le Canada et les Etats-Unis (pour ne citer que ceux-là) n’avaient même pas daigné s’y faire représenter. Deux raisons à tout ça : d’abord, la participation du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, et, ensuite, et surtout les propos jugés antisémites que ce dernier aime à répéter partout où il se trouve. Ne voulant pas voir M. Ahmadinejad, courir le risque de l’entendre déblatérer sur Israël ou cautionner ses propos en participant aux travaux de la conférence comme si de rien n’était, certains ont tout simplement boycotté la conférence, tandis que d’autres y sont allés, mais se sont débinés après avoir écouté le président iranien. Tout cela a l’air de ressembler à une façon de fuir le débat, comme le faisait remarquer notre confrère Le Pays dans sa livraison d’hier.
« Après la fin de la seconde guerre mondiale, ils (les Alliés, ndlr) ont eu recours à l’agression militaire pour priver de terres une nation entière sous le prétexte de la souffrance juive, a expliqué Mahmoud Ahmadinejad. Ils ont envoyé des migrants d’Europe, des Etats-Unis et du monde de l’Holocauste pour établir un gouvernement raciste en Palestine occupée ». C’est ce qu’a dit le président iranien et qui a choqué les Occidentaux pour lesquels ces propos sont synonymes d’antisémitisme et de racisme. Le paradoxe, c’est que c’est lors d’un forum qui entend lutter contre le racisme. En effet, si antisémitisme signifie hostilité, voire haine à l’égard des Juifs, pouvant aller jusqu’à l’assassinat de personnes juives ou considérées comme telles, le dédain vis-à-vis des caractéristiques physiques et morales des Juifs et le rejet ou l’accusation des Juifs comme tels, cela, indépendamment de leur situation ou de leur action, alors, M. Ahmadinejad a tenu des propos antisémites et racistes et il est incongru de vouloir combattre un racisme en utilisant une autre voie raciste.
Certes, il n’est pas possible de comparer le gouvernement israélien au gouvernement d’Adolf Hitler de l’Allemagne sous le IIIe Reich, à celui de Ian Smith en Rhodésie du Sud (actuel Zimbabwe) ou, enfin, à celui de Peter Botha de l’Afrique du Sud sous l’Apartheid ; certes, le boycott de la conférence ou le fait de quitter la salle font plaisir à l’Etat israélien et à ses alliés, car cela est synonyme d’échec ; certes enfin, tout ce remue-ménage va certainement engendrer la révision du fond et de la forme du rapport de cette conférence. Mais quand il est refusé, en dépit des multiples résolutions de l’Organisation des Nations unies, au peuple palestinien une terre pour la construction de son Etat-nation, il y a de quoi s’interroger ; quand en Israël, le gouvernement est composé essentiellement de membres du Likoud (15 sur trente-cinq ministres), parti de droite flirtant souvent avec l’extrême-droite, d’Israël Beiteinou (5 ministres) dont le premier responsable (Avigdor Lieberman, ministre des Affaires étrangères) ne cache pas ses convictions racistes vis-à-vis des Arabes israéliens (ce qui a fortement contribué à lui faire faire un bon score lors des dernières élections) et du parti ultraorthodoxe (assimilable à l’extrême-droite) Shass (3 ministres), pourquoi voulez-vous que ce gouvernement ne soit pas perçu comme raciste ?
Quand, en plus de ce que nous venons de dire, Binyamin Netanyahou ne peut même pas évoquer l’éventualité de la création d’un Etat palestinien tandis qu’Avigdor Lieberman, ministre des Affaires étrangères, est contre et promet de se battre pour que pareille initiative ne voie le jour, peut-il y avoir attitude plus raciste ? Or, que n’a-t-on pas fait subir au Hamas et dit de ce groupe radical palestinien qui a la même position qu’Israël Beiteinou vis-à-vis de l’existence de l’Etat d’Israël. Envers le Hamas qui, quoi qu’on puisse dire de ses méthodes de lutte, œuvre à ce que les Palestiniens aient un Etat à eux, on est plus exigeant qu’à l’endroit des Israéliens qui ont déjà un Etat.
Et lorsque, dans la communauté internationale, une personnalité comme le président iranien met le doigt sur ce problème (de façon maladroite soit), c’est le scandale. Mais quand Israël se fout éperdument des résolutions de l’ONU (au cas où le Conseil de sécurité arrive à éviter le veto américain) avec l’accord tacite des Etats-Unis, il n’y a rien de neuf sous le soleil. Le sionisme a été un mouvement national de renaissance des Juifs qui soutient que ceux-ci sont un peuple et ont donc le droit à leur autodétermination dans leur propre foyer national. Il visait à fixer et à soutenir un foyer national légalement reconnu pour les Juifs dans leur patrie d’origine et à lancer et à stimuler une renaissance de la vie, de la culture et de la langue nationale juives ; une cause noble s’il en est au regard de ce que ce peuple a enduré au cours des siècles, voire des millénaires. Il en est exactement de même pour la cause palestinienne. Ce faisant, tant que les Etats-Unis et Israël ne vont pas se résoudre à trouver une solution à ce problème en particulier et au différend israélo-arabe en général, des gens de la trempe du Fou de Téhéran et d’Oussama Ben Laden ne vont pas se priver d’user et d’abuser de cela afin de justifier des comportements bien souvent en déphasage avec les usages diplomatiques et les droits humains. Du reste, l’Occident devrait en savoir gré à M. Ahmadinejad de n’avoir accusé de racisme que le gouvernement israélien. Notez qu’il aurait pu accuser l’ensemble des Israéliens de racisme, puisque c’est une démocratie et, en tant que telle, le gouvernement est l’expression de la volonté populaire. Autrement dit, il n’y a de racistes (A. Lieberman par exemple) au gouvernement que parce que le peuple israélien le veut.
L’attitude la plus sage de la part des Occidentaux, nous semble-t-il, aurait été d’agir comme le Vatican : les délégués du Saint-Siège, dont la présence a été mal accueillie par les associations juives qui y ont vu une bourde de plus du pape Benoît XVI, ont défendu leurs positions et affirmé que, grâce à leur contribution et à celle des autres participants, l’avant-projet de déclaration avait été amélioré ces dernières semaines. Il faut cependant relativiser ce « courage » du Vatican, du moment qu’il a demandé pardon aux Juifs (sous le Pape Jean-Paul II) sans pouvoir en faire autant vis-à-vis des Noirs, des Mélanésiens, des Amérindiens… En effet, le christianisme, à l’instar de la technologie militaire, des recherches ethnologiques et du commerce, a alimenté les fondements idéologiques de la traite négrière, du génocide des Amérindiens et de la colonisation. Pourquoi alors demander pardon aux Juifs sans pouvoir le faire à l’endroit des Noirs, des Amérindiens, des Aborigènes d’Australie, des Mélanésiens de Nouvelle-Calédonie, etc. ? Au bout du compte, on se demande si, les aspects formels mis à part, le président iranien M. Ahmadinejad n’a pas raison de s’insurger contre ce qui apparaît comme une politique de deux poids deux mesures.