Cisjordanie. Des tags pour emmurer la honte.
Des tags pour emmurer la honte. Reportage: Laurent Burkhalter, Stéphane Amar Montage: Enrico Pizzolato. Mixage: Philippe Lahaye http://www.nouvo.ch/s-021(Source nouvo.ch.01/07/09)
Faris et Yousef espèrent réussir avec des moyens pacifiques, là où d'autres ont échoué avec la violence. Leur arme : des graffitis plutôt que des jets de pierre ou des attentats suicides. «Nous sommes des rêveurs mais pas des utopistes, déclare Faris. Nous savons que notre projet ne parviendra pas à faire tomber ce mur, mais en même temps, on sait que ça peut y contribuer.» Les Palestiniens l'appellent «le mur de la honte». Les Israéliens affirment l'avoir érigé pour se protéger des kamikazes. Le mur de séparation, qui se tortille sur près de 700 km à travers des collines et des villages en Cisjordanie a été dénoncé par la Cour internationale de justice. Cette plaie béante du conflit israélo-palestinien est devenu une toile géante pour les taggueurs locaux. Et aujourd'hui grâce à Faris et Youssef, n'importe qui dans le monde peut y rajouter sa touche. Via un site nommé «send a message», animé par des activistes hollandais et palestiniens, les internautes peuvent envoyer un message. Faris et Yousef s'occupent de le tagguer contre le mur. Seules règles: pas d'obscénités ou d'incitation à la haine.
«Notre objectif principal est d'atteindre un nouveau public, atteindre ceux qui ne s'intéressent pas à la politique, explique Faris. Par exemple, si un adolescent en Australie ou en Suisse reçoit un vœux d'anniversaire sur le mur, il aura toujours un rapport personnel à ce mur.»
Said, qui habite Genève après avoir fuit sa Palestine natale enfant, a récemment envoyé un message sur le site: «We dont need no occupation, merci Pink Floyd.» Said, un professionnel du marketing, a le sens de la formule. Il trouve «positive» l'idée de retourner le mur contre les Israéliens eux mêmes. «On a tout essayé, les Nations Unies, les guerres, rien n'a marché. Une approche plus pacifiste et cynique aboutira peut-être à quelque chose» espère-t-il sans toutefois se faire d'illusions.
Said, comme tous les autres participants, a versé une quarantaine de francs pour son message. Près d'un millier de tags ont été envoyés. L'opération a déjà permis de récolter des dizaines de milliers de francs, pour des œuvres sociales dans la région.
En Cisjordanie, nombreux sont les habitants qui ont perdu espoir. «Ces écritures ne changeront rien, déplore un Palestinien. Ils pourront écrire pendant mille ans que le mur doit tomber, ce n'est pas pour cela qu'il tombera.» Mais tout n'est pas perdu selon un étudiant de l'Université de Bir Zeit, bénéficiaire d'une partie des fonds récoltés grâce à la campagne. Pour lui, le projet «rappelle que des être humains vivent derrière le mur».