Chrétiens en terres d'Islam: l'impossible cohabitation ?
Chrétiens en terre d'Islam : l'impossible cohabitation ? par Elise Colette (Jeune Afrique. 30/03/10)
Flambées de violence au Nigeria, expulsions au Maroc, fusillades en Égypte, exode en Irak... Les conflits interreligieux et les persécutions contre les minorités chrétiennes se multiplient dans les pays musulmans. Enquête sur un phénomène planétaire inquiétant.
Allah. Le mot a été écrit par des chrétiens pour parler de leur dieu. De surcroît, son utilisation par des non-musulmans a été validée par la Haute Cour de Malaisie. Blasphème ! Au début de cette année, le débat a déclenché l’ire des islamistes et un déchaînement de violences contre les églises. Le gouvernement – soutenu par les nationalistes musulmans – n’a mis aucun zèle à éteindre la querelle, laissant la panique gagner le pays. Heureusement pour une nation traditionnellement multiculturelle – et fière de l’être –, la Malaisie n’a eu aucun mort à déplorer après les échauffourées. Et le calme est revenu à Kuala Lumpur. Ce n’est pas le cas en Égypte, où les heurts entre coptes et musulmans reprennent régulièrement. Ni au Pakistan, en Indonésie ou en Somalie. Encore moins en Irak, où les persécutions contre des chrétiens depuis le début de la guerre en 2003 ont mis sur les routes plusieurs centaines de milliers de personnes. Et fait presque 2 000 morts.
Si l’on ajoutait à cette litanie la confrontation violente en cours à Jos, dans l’État de Plateau, au Nigeria, il serait simple de conclure à l’affrontement planétaire entre musulmans et chrétiens. Les autorités catholiques n’hésitent d’ailleurs pas à tirer la sonnette d’alarme pour dénoncer les discriminations dont sont victimes leurs ouailles, partout où elles sont minoritaires et en particulier en terre d’Islam. Une crainte compréhensible, puisque, numériquement, les musulmans l’emportent déjà sur les catholiques et dépasseront bientôt le nombre de chrétiens dans le monde, malgré les efforts déployés par les évangéliques pour convertir à tour de bras.
Certains conflits entre communautés religieuses sont dûs d’ailleurs au télescopage de ces prosélytismes. Parfois leur élimination ou leur oppression est orchestrée directement par les pouvoirs en place (Arabie saoudite, Somalie). Mais la pression accrue que ressentent les chrétiens là où les musulmans sont majoritaires s’explique bien souvent autrement. Pauvreté, partage inégal des richesses, guerre, États peu ou pas du tout démocratiques, laxisme des autorités visant à ne pas donner de grain à moudre aux islamistes locaux : les causes des persécutions des chrétiens sont bien plus politiques ou économiques que théologiques. Raison de plus pour ne pas les tolérer et pour rappeler que, dans certaines contrées, la minorité chrétienne vit très bien (notamment en Afrique subsaharienne, comme au Burkina, au Sénégal, en Tanzanie ou au Mali).
Afrique subsaharienne : un terrain pour les prosélytes par Claire Gallien et Georges Dougueli (Jeune Afrique. 30/03/10)
Le 6 février 2010, N’Zérékoré, dans le sud-est de la Guinée. Une femme est empêchée de passer par une route temporairement barrée pour la prière du vendredi. Elle est chrétienne. Rudoyée par de jeunes musulmans chargés du maintien de l’ordre autour de la mosquée voisine, elle va se plaindre auprès des siens et affirme s’être fait voler un sac de riz et 2 millions de francs guinéens (286 euros). Un groupe de jeunes chrétiens lancent un raid punitif sur le lieu de prière. L’affaire se termine avec des coups de bâton et jets de pierres. Après l’intervention de la gendarmerie, on dénombre 1 mort, 2 disparus et 29 blessés. Une étincelle a suffi à enflammer cette ville, où les communautés musulmane et chrétienne avaient pourtant toujours cohabité sans heurts majeurs.
Pratiqué par 86 % de la population, l’islam guinéen est tolérant et ouvert. Il n’y a pas de religion d’État, la liberté de culte est garantie par des lois, les lieux de culte sont respectés. Mais, comme beaucoup d’autres pays d’Afrique subsaharienne, la Guinée n’échappe pas aux crispations confessionnelles. Le vent du renouveau religieux souffle partout, bouleversant les rapports entre différentes communautés.
Pour certains, tout est parti du « réveil islamique » né de la révolution iranienne de 1979. Sur le terrain, ce sont très souvent de généreuses fondations qui s’activent, venues d’Iran ou des monarchies pétrolières du Golfe. Les saoudiennes professent un islam d’interprétation wahhabite rigoriste et fondamentaliste. Toutes prosélytes, elles organisent des prêches. On y encourage l’activisme religieux dans la vie quotidienne, on y condamne les oulémas locaux « corrompus » en prônant un renouveau parmi les « savants » de l’islam, notamment. Le but est de jeter le discrédit sur les autorités religieuses modérées, pour promouvoir librement une interprétation plus fondamentaliste du Coran. La technique est la même côté chrétien, comme on l’a observé dans les années 1990 lors des premières tournées de « télévangélistes » charismatiques et populaires. L’Américain Billy Graham ou l’Allemand Reinhard Bonnke, par exemple, électrisaient des centaines de milliers de personnes et des millions de téléspectateurs.
Les raisons de la réceptivité particulière des Africains à ces nouvelles pratiques religieuses sont très discutées. S’agit-il des effets de la crise économique, des échecs des politiques de développement ou du déficit démocratique ? Les religions sont, sans aucun doute, devenues un moyen de fuir la dure réalité. Et, pour les autorités politiques, de pallier leurs propres défaillances ou, au contraire, d’envenimer les rivalités.
Au Nigeria, la fracture entre un Nord musulman et un Sud à prédominance chrétienne est la clé de voûte de la vie politique. Selon une règle non écrite, la présidence du pays revient alternativement à l’une des deux régions, puisque les communautés chrétienne et musulmane sont à quasi-égalité (40 % de la population, contre 45 %). Ainsi, Olusegun Obasanjo, chrétien évangélique originaire du Sud, a cédé sa place en 2007 à un « Nordiste » musulman, Umaru Yar’Adua. Mais le Nigeria reste miné par la faiblesse de l’État fédéral, une mauvaise répartition des richesses nationales, une politique d’aménagement du territoire déficiente, une forte natalité et l’illettrisme. Tous facteurs de pauvreté, de chômage, de désordre urbain, notamment. Chrétiens contre musulmans un jour. Musulmans contre chrétiens le lendemain. À Jos, violemment ensanglanté à deux reprises en moins de trois mois, les centaines de morts – officiellement imputées à un conflit entre communautés religieuses – sont davantage à expliquer par l’accès inégal à la terre et aux richesses.
Malgré ces récentes tensions, le continent africain demeure probablement la région du monde où les majorités musulmanes font le meilleur accueil aux minorités religieuses. Au Burkina (18 % de chrétiens et 45 % de musulmans), les communautés n’en sont jamais arrivées à la confrontation. Pas plus qu’au Niger, musulman à 98 %, ou qu’au Sénégal (6 % de chrétiens), où, pourtant, le lien unissant le pouvoir aux confréries soufies est étroit. Peut-être ces pays doivent-ils cette cohabitation pacifique au strict respect des principes de laïcité qu’ils se sont imposés dans leurs Constitutions.
Maghreb : le charme discret du christianismepar Claire Gallien et Georges Dougueli (Jeune Afrique. 30/03/10)
Dans les pays du Maghreb francophone, les chrétiens représentent une très faible minorité, la plupart étant étrangers. Ils seraient 100 000 en Algérie (0,3 % de la population), 190 000 au Maroc (0,6 %) et 50 000 en Tunisie (0,5 %).
Les Constitutions de ces trois pays ont l’islam pour religion d’État mais garantissent la liberté de pensée et de culte. Les églises ne sont donc pas absentes du paysage, même si le nombre décroissant de fidèles et les restrictions imposées par les gouvernements en freinent la réhabilitation ou la construction. La réouverture de l’église Saint-Joseph, à Djerba, en Tunisie, en mars 2005 fait plutôt figure d’exception et s’explique par la forte présence de touristes européens sur l’île.
Dans ces trois pays, la conversion des musulmans, bien que rare, n’est pas interdite. Mais, en réalité, la loi islamique maintient les chrétiens dans l’infériorité. Les femmes musulmanes ne peuvent pas épouser de non-musulman (à moins que celui-ci ne se convertisse), et une chrétienne mariée à un musulman n’aura pas le droit à l’héritage ou à la garde de ses enfants en cas de décès du conjoint ou en cas de divorce.
La disposition de la loi qui condamne le prosélytisme non musulman constitue la face la plus ambiguë des discriminations envers les chrétiens. Au Maroc, par exemple, l’article 220 du code pénal indique que « quiconque employant des moyens de séduction dans le but d’ébranler la foi d’un musulman ou de le convertir à une autre religion » sera puni « d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 100 à 500 dirhams ». Dans ce contexte, l’Église catholique prône la discrétion : « Il n’est pas question d’enfreindre les lois », répète l’archevêque de Rabat, Mgr Vincent Landel.
En revanche, les évangéliques, qui représentent la majorité des chrétiens au Maghreb, sont fort actifs. Au Maroc, en 2005, ils auraient converti environ 2 000 personnes. Tandis qu’en Algérie, et plus précisément à Tizi-Ouzou, c’est la branche pentecôtiste qui est la plus présente. Leurs activités déplaisent autant à la population musulmane qu’au gouvernement. Ainsi, les autorités algériennes ont ordonné en mars 2008 la fermeture des treize lieux de culte protestant de la région. Les chapelles sont régulièrement attaquées, comme à Tafat, le 26 décembre 2009. Au Maroc, plusieurs dizaines de chrétiens travaillant dans un orphelinat à Aïn Leuh ont été reconduits à la frontière au début du mois pour « tentative de propagation du credo évangéliste ». Pour les autorités, c’est aussi une manière d’envoyer un signal aux islamistes les plus rigoristes, qui pourraient profiter du moindre laxisme en la matière.
Moyen-Orient : fuir ou mourir ? par Claire Gallien et Georges Dougueli (Jeune Afrique. 30/03/10)
À la sortie de la messe, au soir du 6 janvier, nuit de Noël selon le calendrier Julien, la communauté copte a été une nouvelle fois la cible d’une attaque meurtrière, à Nagaa Hamadi, à 40 km de Louxor (Haute-Égypte), qui a coûté la vie à sept de ses membres. À la mi-décembre, en Irak, à Mossoul (350 km au nord de Bagdad), des attentats contre deux églises – l’une syriaque catholique, l’autre syriaque orthodoxe – et une école chrétienne avaient fait quatre morts et au moins quarante blessés. Quinze jours auparavant, l’église chaldéenne Saint-Ephrem et le couvent Sainte-Thérèse y avaient été détruits par des bombes.
Ce regain de violence contre les minorités chrétiennes au Proche-Orient et au Moyen-Orient s’explique en partie par la montée des courants musulmans fondamentalistes. Depuis les attentats du 11 septembre 2001 et la « croisade » menée par les États-Unis contre la dictature de Saddam Hussein en Irak et contre le terrorisme islamiste partout dans le monde, les chrétiens sont devenus la cible d’attaques récurrentes, parfois meurtrières, et souffrent quotidiennement de nombreuses vexations, discriminations et violences.
Bien qu’il faille se prémunir de généralités abusives et tenir compte de la diversité du christianisme en Orient, ainsi que des contextes politiques, économiques, sociaux et culturels dans lesquels il s’inscrit, force est de reconnaître que les chrétiens se sentent de moins en moins en sécurité en terre d’Islam, notamment en Mésopotamie, où leur présence est pourtant deux fois millénaire.
Même si les Constitutions de la majorité des pays de la zone assurent la liberté de culte aux chrétiens, les gouvernements se révèlent incapables de faire respecter la loi et de protéger les minorités. « Il faut rompre le mur de silence qui entoure le meurtre de chrétiens à Mossoul et en Irak. L’État ne fait rien, les forces de l’ordre en service sur les lieux des attaques et des meurtres ne voient pas, n’entendent pas et ne parlent pas », déplore Mgr Jean-Benjamin Sleiman, l’archevêque de Bagdad. Car les États sont également responsables de ces discriminations contre les minorités chrétiennes. Ils « laissent faire ». Dans les pays régis par la charia, les chrétiens sont en effet souvent considérés comme des citoyens de seconde zone, y compris par les autorités : on leur interdit l’accès aux emplois publics (justice, armée, universités), et leurs activités cultuelles sont contrôlées, voire prohibées, comme en Arabie saoudite. C’est aussi le cas en Égypte, où la Constitution de 1971 proclame pourtant la liberté religieuse. Michel Chafik, recteur de la mission copte catholique de Notre-Dame-d’Égypte à Paris, parle de « vexations quotidiennes » et de « discriminations flagrantes » perpétrées contre les coptes (voir témoignage ci-dessous). Bernard Heyberger, spécialiste de la question à l’École pratique des hautes études (EPHE), à Paris, proteste : « J’aimerais parler des chrétiens d’Orient autrement qu’en victimes ! En Égypte comme en Irak, la loi, normalement, protège les chrétiens. Mais elle n’est pas appliquée. En Égypte, comme il est inscrit dans la Constitution que “la charia est à la source principale de la législation”, n’importe quel fonctionnaire peut se croire autorisé à appliquer la loi comme il l’entend. »
Dans l’Irak en guerre, de même qu’en Afghanistan, où les manifestations antichrétiennes sont récurrentes et où les meurtres de convertis restent impunis, la situation des chrétiens est bien entendu encore plus précaire. Abusivement assimilés à « l’envahisseur occidental », ils sont devenus des boucs émissaires. Depuis cinq ans, les attentats qui visent les églises et les communautés chrétiennes, aux quatre coins du pays, se sont multipliés. En octobre 2008, les attaques meurtrières quasi quotidiennes perpétrées à Mossoul ont abouti à un exil d’une ampleur jamais observée depuis des siècles : près de 15 000 chrétiens se sont enfuis de la métropole, où règnent des groupes armés sunnites, et ont trouvé refuge dans les villages de la plaine de Ninive, où vit une majorité chrétienne. Ils sont sous la protection d’une armée rémunérée par le ministre chrétien du gouvernement autonome du Kurdistan.
Dans les territoires palestiniens occupés, la situation des chrétiens s’est également détériorée depuis la victoire du Hamas, en 2006. La torture et l’assassinat, début octobre 2007, du baptiste Rami Ayyad ont affolé la communauté chrétienne, et les appels au calme de l’ancien Premier ministre et chef du Hamas à Gaza, Ismaïl Haniyeh, n’ont pas réussi à l’apaiser.
Dans ces conditions, de nombreux chrétiens d’Orient choisissent l’exil. États-Unis, Europe, mais ils sont aussi 200 000 à s’être réfugiés en Syrie. Leur religion joue cette fois en leur faveur et facilite l’obtention de visas. Les Chaldéens irakiens ont connu ainsi plusieurs vagues d’émigration au moment de la guerre Iran-Irak (1980-1988), de la guerre du Golfe de 1991 et de l’invasion américaine en 2003. Tout comme la diaspora chrétienne libanaise, ceux qui ont pu émigrer sont généralement les plus lettrés et les plus riches. Ils entretiennent des liens forts avec leur communauté d’origine et la soutiennent financièrement et moralement.
L’influence de ces diasporas, les appels au dialogue interreligieux lancés conjointement par le Vatican et la Commission Al-Azhar pour le dialogue entre les religions monothéistes, de même que la conscience d’un destin – et d’un pays – commun aux musulmans et aux chrétiens, représentent cependant pour ces derniers autant de raisons d’espérer un avenir meilleur, où ils ne seront pas contraints à l’exil.
Bola Abdu Amin, 22 ans, copte d'Egypte.Propos recueillis au Caire par Nina Hubinet (Jeune Afrique. 30/03/10)
Environ 10 % des 80 millions d'Egyptiens sont coptes (chrétiens orthodoxes). Dans les années 1990, ils ont été l'une des cibles des groupes djihadistes. Aujourd'hui, les attaques terroristes se font plus rares, mais les affrontements entre les deux communautés se multiplient. C'est souvent une querelle concernant une terre, ou la construction d'une nouvelle église, qui débouche sur des violences interreligieuses. La montée de l'islamisme dans la société égyptienne et le regain de religiosité qu'elle a provoqué chez les coptes alimentent ces tensions. Le 6 janvier dernier, une fusillade à la sortie de la messe de Noël, à Nagaa Hamadi, en Haute-Egypte (à 40 km de Louxor), a fait sept morts. Bola Abdu amin, jeune étudiant, y réside. Il est copte et nous parle de ses conditions de vie. Témoignage.
« Je suis des études d’histoire pour devenir professeur. Le mois prochain, je commence mon service militaire. Mon grand-père s’est installé à Nagaa Hamadi en 1962. Il a construit la maison dans laquelle on vit aujourd’hui. J’habite avec mes parents et mon frère, qui est au lycée. Mon père est fonctionnaire. Après la révolution de 1952, la place des coptes dans les administrations s’est réduite. Aujourd’hui, les coptes qui travaillent comme fonctionnaires n’ont en général pas accès aux postes à responsabilités. Ma mère possède un magasin de produits ménagers. Pendant longtemps, la cohabitation entre coptes et musulmans a été pacifique à Nagaa Hamadi. Il y avait parfois des incidents qui créaient des tensions entre les communautés, mais on les surmontait. Dans les années 1990, des groupes terroristes ont développé un discours très hostile envers les chrétiens. Des querelles qui auraient été auparavant vite oubliées ont commencé à prendre une tonalité religieuse.
En Haute-Égypte, le tar (code d’honneur) régit les conflits. Lorsqu’il y a un différend ou qu’un crime a été commis, on organise une séance de réconciliation entre les deux familles, ou bien le fautif est puni. Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est le concept de punition collective contre les coptes, comme on l’a vu à Alexandrie en 2006, à Farshout (village voisin de Nagaa Hamadi) l’an dernier, et avec la fusillade de Nagaa Hamadi. Au-delà des violences, il y a les discriminations au quotidien. À l’université, il arrive que les professeurs changent la note d’un élève en fonction de sa religion. Dans les écoles, une radio diffuse des versets du Coran, jamais des passages de la Bible. Mes camarades musulmans me disaient parfois : « La bonne religion c’est l’islam, les chrétiens ont tort. » Et il arrive d’entendre le mot « chrétien » utilisé comme une insulte. Le fanatisme existe des deux côtés, et les chaînes satellitaires religieuses (musulmanes et coptes) enveniment les choses. Il y a aussi des prêtres qui entretiennent la culture du martyre parmi les coptes, estimant qu’un chrétien persécuté est un bon chrétien. Mais moi j’ai toujours des amis musulmans ! Lorsqu’il y a eu la fusillade à Nagaa Hamadi, ils m’ont appelé pour être sûr que j’allais bien. Ils m’ont rendu visite.
Je pense que la majorité des Égyptiens veut vivre en paix. Mais maintenant, ça va prendre du temps pour éliminer les tensions. Il faut réformer les lois discriminatoires, changer les programmes scolaires… Le problème, c’est que le gouvernement n’agit pas dans ce sens. »
Asie : de multiples conflits religieuxpar Claire Gallien et Georges Dougueli (Jeune Afrique. 30/03/10)
Sur le continent asiatique, les persécutions religieuses sont monnaie courante. En Chine, le gouvernement pourchasse bouddhistes tibétains et protestants. En Inde, notamment depuis l’arrivée au pouvoir du parti nationaliste hindou en 1998, et au Sri Lanka, les attaques se multiplient contre les musulmans et les chrétiens, qui, cette fois, se retrouvent ensemble dans le camp des minorités. Cela n’empêche pas les grandes terres asiatiques d’Islam – Pakistan, Indonésie, Malaisie – de connaître les mêmes problèmes d’intolérance.
Au Pakistan, le droit aboutit à la stigmatisation des minorités religieuses. Calomnier le Coran entraîne une peine d’emprisonnement perpétuelle, et insulter le Prophète la peine de mort. Des mesures souvent utilisées contre des chrétiens facilement jugés blasphématoires. En juillet 2005, 80 chrétiens étaient encore emprisonnés. En Indonésie et en Malaisie, en revanche, les Constitutions garantissent la liberté de culte à des chrétiens qui représentent respectivement 13 % et 8 % de la population. Néanmoins, les gouvernements sont souvent peu efficaces pour lutter contre les violences commises contre la minorité chrétienne.
En Indonésie, la dernière grande vague de violence orchestrée par la branche locale d’Al-Qaïda, la Jemaah Islamiyah, remonte à 1999-2001 et s’était soldée par plus de 8 000 morts sur l’île de Sulawesi. Aujourd’hui, les attaques sont plus sporadiques et visent les églises locales. Ainsi, en janvier et février 2010, des chapelles et des maisons de pasteurs ont été prises pour cible par des musulmans qui jugent leur présence illégale. Le Forum de communication pour l’harmonie religieuse (FKUB), censé évaluer les demandes de construction de lieux de culte, n’est pas considéré par les minorités religieuses comme un gage de protection. La politique d’autonomie régionale joue également en défaveur des minorités confessionnelles. À l’instar de la province d’Aceh, de nombreuses autorités locales ont donné la préférence à la charia par rapport au droit civil.
En Malaisie, c’est une querelle autour de l’utilisation du nom d’Allah qui a mis le feu aux poudres. Le 31 décembre dernier, l’Organisation nationale des Malais unis (Umno, au pouvoir) a fait appel de la décision de la Haute Cour permettant au journal chrétien The Herald d’utiliser le nom d’Allah pour nommer Dieu. Le gouvernement, aujourd’hui enclin à favoriser les Malais musulmans (60 % de la population), a soudainement prétendu que les musulmans en avaient l’exclusivité. Ouvrant ainsi la porte à l’implosion d’un pays traditionnellement multiculturel, saisi depuis quelques années par le démon identitaire.