Afrique du Sud. Populisme ou souci de bonne gouvernance ?
Afrique du Sud: Populisme ou souci de bonne gouvernance ? Adama Ouédraogo Damiss. (L’observateur. Ouagadougou. 26/05/09)
Jacob Zuma le n° 1 sud-africain sait se faire remarquer en faisant dans la différence. On le connaissait grand coureur de jupons, danseur devant l’Eternel lorsqu’il était dans l’antichambre du pouvoir. Le voilà au pouvoir et, en moins d’un mois, il fait déjà dans la différence sur le plan de la gouvernance dans son pays. Pour peut-être rester toujours proche du bas peuple.
Et pour donner le ton de sa volonté de la renaissance sud-africaine, il a décidé de faire installer une ligne téléphonique, un numéro vert par lequel les populations peuvent, d’une part lui faire parvenir, via ses conseillers, leurs préoccupations, et d’autre part formuler des critiques sur la gestion des affaires du pays. Avec ce projet, le nouveau locataire de l’”Union Bulding”, le palais présidentiel de Prétoria, pourra, par procuration, répondre aux sollicitations de ses concitoyens. Et certainement aussi se faire une idée de ce que pense le citoyen lambda de son pouvoir.
Une sorte de sondage qui permettra à l’autodidacte au self-made-man devenu chef d’Etat de jauger son assise populaire et de donner une chance supplémentaire de résoudre certaines préoccupations basiques de ses concitoyens. L’idée de ce numéro vert reste lumineuse. Jacob Zuma, par cette initiave, veut, sans doute, montrer qu’il n’oublie pas ses origines modestes et entend rester en contact avec la masse, celle-là à laquelle il doit aujourd’hui son ascension à la magistrature suprême.
En effet, sans ce franc soutien populaire dont il a bénéficié, l’ancien petit berger du Zoulouland, empêtré dans des affaires de viol et de corruption, faits gravissimes pour pouvoir occuper certaines hautes fonctions, il n’aurait pas pu s’imposer au sein de son parti, le Congrès national africain (ANC), pour se hisser aujourd’hui à la tête de la Nation arc-en-ciel avec les élections générales du 22 avril 2009 remportées par sa chapelle politique.
Le Parlement avait alors la latitude pour élire cet homme controversé à la tête de la première puissance du continent. Parvenu donc au faîte de l’Etat, il entend demeurer en contact permanent avec le peuple grâce à la magie des télécommunications. Avec ses nouvelles charges présidentielles, il lui sera difficile de descendre pour dialoguer directement avec les Sud-Africains comme lors des meetings et des grandes réunions publiques au moment où il était simple dirigeant de l’ANC.
Qu’à cela ne tienne, un numéro vert à la présidence n’est-il pas lourd à gérer dans une Afrique du Sud où l’on compte plus de 4,6 millions de lignes de téléphone et 42 millions de téléphones portables (en 2007) ? Imaginez un seul instant ce beau monde vouloir exposer leurs problèmes au premier magistrat du pays ! Quand bien même techniquement, on pourrait réussir le coup, la gestion des plaintes ne sera pas une partie de plaisir. On se demande alors si Zuma ne verse pas encore dans le populisme dont il est passé maître. A-t-on vraiment besoin d’une ligne téléphonique pour connaître et résoudre les problèmes des populations ?
Les maux dont souffrent les Sud-Africains sont un secret de Polichinelle. L’Afrique du Sud, selon les données, est confrontée à une sérieuse crise. Le Fond monétaire international (FMI) prévoit une contraction de l’économie de 0,3% en 2009. Le taux de chômage frôle les 40%, et la pauvreté affecte 43% de la population. Et pour ne rien arranger, le Sida progresse dangereusement (on estime qu’en 2010, le quart de la population pourrait être porteur du virus, ce qui ferait passer l’espérance de vie de 65 ans, avant l’épidémie, à 48 ans ou moins) et la criminalité ne recule pas.
Près de 40% des villes sont composées de townships et la différence entre les riches et les pauvres est très visible. C’est dire que les chantiers sont grandement ouverts. Zuma n’a donc pas besoin d’un coup de fil pour être au service de la masse. Mieux, il y a des institutions républicaines pour gérer les problèmes sociaux. Reste peut-être à veiller à leur fonctionnement normal pour que tous les Sud-Africains soient traités équitablement. N’est-ce pas, président Zuma ?