Afrique du Sud. La tragédie du viol étudiée par les lycéens.

Publié le par unmondeformidable

Afrique du Sud : la tragédie du viol étudiée par les lycéens. Magali Reinert (Syfia - 03-04-2009)

En Afrique du Sud, le théâtre contemporain s’invite au programme du bac cette année. La pièce Tshepang traite du viol des enfants dans ce pays à partir du cas réel d'un bébé de neuf mois. Une œuvre sur la responsabilité collective d’une société appauvrie matériellement et moralement.

On ne peut traiter de la violence qui sévit aujourd’hui en Afrique du Sud si on ignore la souffrance des autres. Tel est le message qu'adresse Lara Foot Newton aux lycéens qu'elle rencontre lors de conférences. Sa pièce, Tshepang, met en scène un terrible fait divers qui a fait la Une des journaux quelques années plus tôt : le viol d’une enfant de neuf mois à Louisvaleweg, un township situé au nord du pays. Depuis 2004, la pièce de Lara Foot Newton tourne dans le monde entier. Cette année, elle est inscrite au programme du bac sud-africain. Tshepang permet aux jeunes qui l'étudient d’aborder le viol, non à travers une approche sécuritaire ou sensationnaliste, mais comme une réalité sociale tragique. Selon Collen Dawson, qui a collaboré à la réforme des enseignements scolaires intervenue en 2008, le choix de cette pièce correspond à la volonté de développer l’étude des auteurs contemporains sud-africains : "Cette réforme marque un réel effort pour rendre les programmes pertinents, en prise avec la réalité actuelle de la société sud-africaine".

En Afrique du Sud, comme le rappelle l'exergue de la pièce ("Basée sur 20 000 histoires vraies"), les viols d’enfants représentent aujourd’hui 40 % des viols déclarés. Mais l’Institut de l’enfance de l’Université du Cap estime que ces abus sexuels concernent entre 400 000 et 500 000 enfants par an. Une étude du Conseil de la recherche en sciences humaines montre que, dans trois cas sur cinq, la mère est au courant. Les coupables se trouvent majoritairement au sein du cercle familial ou parmi des connaissances. Dans le dénuement quotidien d’une partie de la population, "l’esprit a perdu la capacité d’intérêt et d’empathie pour les autres et pour soi-même", analyse Tony Hamburger, psychologue, dans l’introduction de l’édition de Tshepang.

"En classe, nous avons abordé le viol comme l’atroce résultat d’une société appauvrie matériellement et moralement", souligne Susan Baker, professeure de lycée à Johannesburg. "Nous avons examiné comment la société sud-africaine souffre encore des séquelles de l’apartheid et combien le cycle de violences et de sévices, en particulier envers les femmes et les enfants, est commun dans notre pays", poursuit-elle. Cette enseignante de théâtre évoque la question soulevée par ses élèves de Terminale sur la pertinence "pour des jeunes de 18 ans" d’étudier cette pièce : "Je leur ai répondu : ‘plus que jamais !’ Ce sont des adultes et ils doivent ouvrir les yeux sur ce qui se passe autour d’eux". L’œuvre met en scène deux personnages principaux : Ruth, prostrée, et Simon qui raconte la vie dans le township. Peu à peu, ce dernier dévoile ce qu’il sait et le fait partager au public. Que sa compagne, Ruth, est la mère de cette enfant violée. Que le criminel était l'ex-compagnon de cette femme. Qu’elle savait. Ce récit devient une description de l’enfer, où l’auteure parle avec compassion d’une société meurtrie par l’apartheid. Sharoda, élève de Terminale qui a étudié le texte, analyse : "Le personnage de Simon, qui s’adresse directement au public, crée une atmosphère intime qui nous permet d’entendre les choses tristes et horribles qu’il nous raconte. C’était si intense que j’ai pleuré. Mais on [notre classe] a tous été capables de comprendre et d’apprécier le texte. C’est la force d’une telle œuvre et c’est pour cela qu’il faut l’étudier et la montrer."

Tshepang signifie espoir en tswana, une des onze langues nationales sud-africaines. C’est aussi le nom que les infirmières avaient donné à ce bébé violé à neuf mois et qu'elles ont suivi pendant son hospitalisation. Aujourd’hui, Tshepang a 8 ans et elle tente de se reconstruire dans une famille d'accueil. De l’espoir, il n’y en a pas beaucoup dans la pièce de Foot Newton, si ce n’est son succès et son entrée dans le répertoire des œuvres étudiées à l’école.

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