USA. On voit tout cela dans ces dizaines de séries télé américaines

Publié le par Un monde formidable

Série Noire par Audrey Pulvar (France Inter. 10/01/11)

C’est une jolie blonde, élégante, respirant la santé, le sourire très télégénique. On l’imagine, mais sans doute en se trompant, ex-reine de beauté dans une petite bourgade américaine, on la verrait volontiers, mais peut-être n’est-ce que vue de l’esprit, première de sa classe, élève méritante, bonne éducation de classe moyenne démocrate conservatrice. Une belle femme sans histoire d’une quarantaine d’année, engagée en politique, femme d’astronaute. Le joli pavillon de banlieue américaine, la pelouse tondue au cordeau, les rosiers taillés comme il faut, tolérance envers les voisins, idées humanistes mais point trop n’en faut, América’s first ! On voit tout cela comme dans ces dizaines de séries télé nous vendant du rêve américain au kilomètre, dans les photos de Gabrielle Giffords.

Barack Obama l’appelle Gaby, demande au Américains de s’associer à ses prières pour qu’elle survive à ses blessures, comme les 13 autres personnes blessées dans la même attaque qu’elle, et pour le salut des six personnes tuées, dont une fillette de 9 ans. Le bonheur-propre-sur-lui pulvérisé en quelques secondes, les cris d’effroi, la bousculade, une bonne samaritaine plaquant au sol le meurtrier pour l’empêcher de recharger son arme et continuer son carnage… Là aussi tout y est.

Sauf qu’on n’est pas à la télé, ou plutôt si, mais pas dans les fictions. On est à la télé américaine, en « breaking news » depuis deux jours, glanant heure par heure des nouvelles de cette députés démocrate de l’Arizona, prise pour cible par un garçon de 22 ans, samedi, alors qu’elle animait une réunion publique sur le parking d’un supermarché. Son assassin s’est approché et l’a touchée d’une balle dans la tête, qui a traversé son cerveau. Il a également blessé 13 autres personnes et fait 6 morts. Appréhendé, il se tait, refuse de répondre aux questions des enquêteurs. Le garçon, « trop bizarre » selon les élèves de son lycée, n’avait pas d’amis. Il s’était vu signifier une exclusion de son établissement scolaire et une injonction de soins non-suivie d’effets. Jared Loughner avait posté sur internet plusieurs vidéos inquiétantes, il revendique Le Manifeste du Parti Communiste etMein Kampf pour livre de chevet, reproche pêle-mêle au gouvernement américain de vouloir contrôler le cerveau des gens, avec la grammaire de ne pas les faire assez rêver, de ne pas frapper la bonne monnaie.  Il n’avait pourtant eu aucun mal à se procurer une arme, dans l’un des états les plus permissifs en la matière. 200 millions d’armes circulent légalement aux Etats-Unis ! 200 millions ! Et elles provoquent chaque année la mort de 30 000 personnes, dont 10 000 meurtres. Plus de 80 personnes meurent chaque jour aux Etats-Unis, victimes d’armes-à-feu.

Commentant ces événements tragiques, le Sheriff du conté de Tucson, sous-entendant que qu’il est lié aux campagnes politiques « au vitriol » qui ont eu lieu depuis deux ans aux Etats-Unis et particulièrement l’an dernier, pour les élections de mi-mandat. « Toute cette colère, cette haine, sortant de la bouche de certaines personnes et visant le gouvernement, a-t-il déclaré, tout ce fanatisme… Il faut faire attention à la façon dont les personnes déséquilibrées peuvent y réagir » ; « Je crois, concluait-il, que l’Arizona est devenu la Mecque du fanatisme et des préjugés ».

Sur le banc des accusés le Tea Party de Sarah Palin. L’ex-candidate républicaine à la présidentielle affirmait à propos de Giffords et d’une liste d’élus démocrates, soutenant la réforme de la santé : face à eux, ne baissez pas les bras mais rechargez vos armes ! Elle avait même mis sur sa page Facebook une carte déterminant, comme dans la ligne de mire d’un fusil, plusieurs « cibles » à atteindre, dont Gabrielle Giffords.  Sarah Palin dénonce aujourd’hui le tueur et appelle à la prière pour ses victimes. Bien sûr, parmi les républicains, on pointe le fait que rien ne permet de prouver, jusqu’à maintenant, que les discours enflammés de la campagne électorale aient un quelconque lien avec cette tragédie.

Mais le débat fait rage auprès des éditorialistes politiques, eux aussi pointés du doigt par le Shériff.  En a-t-on trop ou mal fait sur les déclarations abracadabrantesques de certains candidas de la droite ? N’avons-nous pas une déontologie, une éthique à préserver avant de laisser micro ouvert à ces personnes ? Le débat fait rage aux Etats-Unis, avant qu’il ne retombe dans la poussière, jusqu’à la prochaine tuerie.

Publié dans Amérique du Nord

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