USA. Les musulmans ne sont plus en odeur de sainteté

Publié le par Un monde formidable

Les musulmans ne sont plus en odeur de sainteté par Barbara Abel, Julia Lieblich (Times. 30/08/2010)

Pour savoir ce que ressent aujourd’hui un musulman aux Etats-Unis, mettez-vous un instant dans la peau du Dr Mansour Mirza, 38 ans, d’origine pakistanaise, qui vit à Sheboygan County, dans le Wisconsin. En cet après-midi de février, vous assistez à une réunion de la commission d’urbanisme de Wilson (3 200 habitants), qui doit étudier votre demande de construction d’une mosquée dans le village voisin d’Ootsburg. Vous ne vous attendez pas à un refus, car vous êtes propriétaire du terrain et on ne peut pas dire que vous soyez un nouveau venu dans le coin, puisque vous travaillez depuis cinq ans à l’hôpital Manitowoc, voisin. 

  Pourtant, lorsque le débat commence, vous entendez des choses que ces gens ne vous diraient jamais dans l’intimité de votre cabinet. L’un après l’autre, les participants réagissent avec mépris et hostilité à votre demande, et la plupart des objections n’ont rien à voir avec les règles d’urbanisme. Elles concernent votre foi. L’islam est une religion de la haine, affirme-t-on. Les musulmans veulent éliminer le christianisme. Les musulmans assassinent leurs propres enfants. “Je ne veux pas de ça chez moi !” lance un des présents. 


 En y repensant, plus tard, Mansour Mirza se souvient qu’un ou deux des participants ont tenté de ramener la discussion sur un terrain plus calme. “Je pense que nous ne devrions pas faire de généralisations hâtives”, a déclaré l’un d’eux après le compte rendu du débat. Mais ces interventions ont à peine freiné le flot des paroles hostiles. Mansour Mirza a réussi à garder son calme lorsqu’un des membres de la commission a voulu savoir si des armes seraient entreposées dans la mosquée et si l’on y délivrerait un entraînement militaire, mais il est ressorti effaré de la séance. “Je n’aurais jamais cru que les mêmes personnes qui viennent me consulter à l’hôpital et me traitent avec respect me parleraient un jour de cette façon.” Parmi les quelque cent musulmans que compte Sheboygan County, certains estiment qu’il a fait preuve de naïveté. La plupart d’entre eux sont des Bosniaques et des Albanais venus aux Etats-Unis pour échapper aux persécutions serbes après l’éclatement de la Yougoslavie. Marqués par leur expérience dans leur pays d’origine, certains ont préféré taire leur appartenance religieuse. Ils craignent que le projet de construction d’une mosquée n’attire l’attention sur leur communauté. Ils n’ont pas tout à fait tort. Après la réunion, plusieurs pasteurs d’Oostburg ont lancé une campagne contre le projet. “L’objectif politique de l’islam est de dominer le monde, d’imposer ses enseignements et de supplanter les autres religions par des moyens militaires”, estime le révérend Wayne DeVrou, pasteur de la First Reformed Church d’Oostburg.

La bataille qui se livre à Wilson n’a rencontré que peu d’échos dans le pays jusqu’à ce qu’éclate la controverse à propos du projet de construction à New York d’un centre culturel islamique et d’une mosquée à deux blocs de Ground Zero, le site des attentats du 11 septembre 2001. Ce projet, nommé Park51, a été imaginé par l’imam Feisal Rauf et sa femme, Daisy Khan, des musulmans américains connus pour prêcher le dialogue interconfessionnel. Leur projet a été approuvé par les autorités municipales et bénéficie du soutien du maire, Michael Bloomberg, mais il a déclenché une levée de boucliers d’un bout à l’autre du pays. Certains de ses adversaires s’inquiètent en toute bonne foi de ce que la présence d’un tel lieu à proximité de Ground Zero puisse offenser les familles des presque 3 000 personnes tuées dans les attentats contre le World Trade Center. Il n’est pas nécessaire d’entretenir des préjugés envers l’islam pour penser, comme beaucoup d’Américains, que les environs de Ground Zero constituent un territoire sacré. Malheureusement, à l’approche des législatives de mi-mandat, qui se tiendront en novembre, la diffusion de tels sentiments n’a fait qu’enflammer le débat. Et, comme dans le Wisconsin, certains des adversaires de Park51 sont motivés par une inquiétante islamophobie.

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