USA. Le vain combat pour l'éthique de militaires américains à Guantánamo

Publié le par unmondeformidable

Le vain combat pour l'éthique de militaires américains à Guantánamo : Un nouveau livre relate les efforts d'une poignée de soldats pour faire respecter la convention de Genève. (Source : Reuters. 12 mars 2009)

Pour beaucoup, la prison militaire de la base américaine de Guantánamo, sur l'île de Cuba, est devenue synonyme d'injustice. Pourtant, un livre montre que ce ne fut pas toujours le cas.

Dans L'endroit le moins pire: les 100 premiers jours de Guantánamo, Karen Greenberg, professeure de droit à l'Université de New York, raconte comment une poignée de soldats, menés par le général Michael Lehnert, a tenté d'appliquer la convention de Genève malgré l'hostilité de l'administration Bush. «Ils sont devenus des héros simplement parce qu'ils étaient des types normaux qui appliquaient la loi», explique en entrevue Karen Greenberg. Le livre dévoile les conditions dans lesquelles, en 2002, le Pentagone a choisi dans la précipitation Guantánamo pour y enfermer les activistes islamistes présumés capturés en Afghanistan. Il montre la volonté délibérée des responsables américains, et au premier chef du secrétaire à la Défense Ronald Rumsfeld, de faire de Guantánamo un lieu où règne le flou juridique le plus complet.

Sans consignes précises concernant leur statut, sans même d'informations sur leur identité, le général Lehnert a résisté tant qu'il a pu aux pressions venues de Washington, qui incitait les gardes à traiter les détenus comme des bêtes. Il a désobéi à ses supérieurs en invitant la Croix-Rouge internationale à inspecter le camp, et en faisant venir un aumônier musulman pour les prisonniers. L'auteur narre le conflit permanent entre Lehnert et un groupe d'officiers supérieurs choisis personnellement par Rumsfeld, et qui le pressaient de pratiquer une politique de déshumanisation afin de faire parler les suspects.

Après une centaine de jours, le général commandant le camp fut écarté et la voie était libre pour «le déraillement du train», comme l'écrit Karen Greenberg. Désormais, les mauvais traitements et la torture allaient devenir monnaie courante et Guantánamo acquérir une réputation dénoncée par les organisations de défense des droits de l'homme et de nombreux gouvernements.

 Au cours de son enquête, Greenberg a interrogé de nombreux témoins, gardes, détenus, et officiers. «Ils avaient envie de parler, parce qu'ils savaient que je raconterais une histoire qui permettrait à leurs enfants de comprendre ce qui s'est passé.» Après avoir rencontré pendant des mois des militaires aux États-Unis, elle a entrepris de retrouver d'anciens détenus en Grande-Bretagne, en s'attendant à ce qu'ils donnent une tout autre version des faits. Sa surprise fut complète. En les interrogeant sur une grève de la faim qu'ils avaient entreprise dans les premiers temps de Guantánamo, elle a réalisé que leur récit correspondait à celui des hommes de Lehnert. «Quand je leur en ai parlé, les prisonniers ont non seulement corroboré les faits, mais ils sont même allés plus loin. Ils m'ont raconté avoir vu [Lehnert] assis par terre, en larmes. Cela les a énormément impressionnés de le voir si bouleversé, de voir que ce qui se passait violait totalement ce qu'il tentait de faire.»

Karen Greenberg avoue une autre surprise. Elle a découvert combien détenus et gardes se sont reconnus mutuellement. «C'était des gamins perturbés, perdus, à peine sortis de l'adolescence, qui se demandaient ce qu'ils allaient faire dans le monde et qui avaient adhéré de part et d'autre à une cause afin d'avoir une vie dont ils pourraient être fiers», note-t-elle.

Publié dans Amérique du Nord

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