USA. Le blanc, une couleur tout en nuances.

Publié le par Un monde formidable

Le blanc, une couleur tout en nuances. Par Solomon Moore et Robin Fields / The Record. (Source :  Le Courrier International . 17/10/02)

Qu'ils soient asiatiques, maghrébins ou latinos, les nouveaux immigrés sont de plus en plus nombreux à se déclarer blancs. Au point de vider cette catégorie de sa tonalité anglo-saxonne.

Zarmina Khalili explique qu'elle ne s'était jamais considérée comme blanche avant de s'installer aux Etats-Unis, il y a quinze ans. La question raciale ne se posait pas dans son Afghanistan natal, dit-elle. Là-bas, la distinction se faisait essentiellement sur des critères tribaux, entre Tadjiks et Pachtounes. Elle savait qu'elle était tadjike. Mais, aux Etats-Unis, on ne raisonne pas de la même manière. Les formulaires de recensement envoyés par la poste demandaient à cette femme de 42 ans installée en Californie de se classer dans l'une des six catégories raciales proposées. Elle a choisi "blanc". Bien qu'elle ait le teint clair, il ne s'agissait pas entièrement d'une question de couleur de peau, précise-t-elle. Elle avait considéré "blanc" comme synonyme d'Américain, et d'intégration.


En s'identifiant ainsi, Zarmina Khalili a rejoint un nombre croissant de nouveaux venus qui élargissent les définitions raciales traditionnelles aux Etats-Unis, ce qui - contrairement à ce qu'on pourrait penser a priori - fait des Blancs la catégorie la plus diversifiée. Le recensement 2000 a dénombré 28 millions de résidents d'origine étrangère. Les deux tiers se sont identifiés comme blancs. En 1990, seulement la moitié de la population d'origine étrangère s'était déclarée blanche. Autre signe de changement : en 1990, les immigrés représentaient 5 % de l'ensemble de la population blanche. En 2000, la proportion est passée à 9 %. Ce sont les Hispaniques - ils forment la plus importante communauté d'immigrés - qui tirent ces chiffres à la hausse, près de la moitié ayant coché la case "blanc" sur les formulaires. "Le cliché traditionnel du Blanc - WASP [White Anglo-Saxon Protestant, Blanc anglo-saxon protestant], cheveux blonds, accent californien, motard Hells Angels - se voit éclipsé par de nouvelles images, celles du Blanc russe, arménien, iranien, maghrébin ou latino", explique Dowell Myers, démographe de l'Université de Californie du Sud. "La catégorie 'blanc' est la plus diversifiée sur le plan linguistique, et elle ne cesse d'évoluer."

Les nouveaux venus élargissent la signification de "blanc", comme les immigrés d'Europe du Sud et de l'Est l'avaient fait il y a un siècle, lorsque de nombreux Américains considéraient encore le terme comme synonyme d'"anglo-saxon".
Les dernières vagues d'immigration bouleversent également l'idée reçue selon laquelle le pourcentage d'Américains blancs reculerait inexorablement au fil du temps.

Environ 75 % du peuple américain se définit aujourd'hui comme entièrement ou partiellement blanc, et nombre de démographes pensent qu'il en sera encore ainsi dans cinquante ans, malgré la poursuite du mouvement migratoire en provenance d'Amérique latine, d'Asie et d'ailleurs.
 Pourquoi les immigrés de fraîche date sont-ils si nombreux à préférer une identité blanche ? Pour les générations précédentes, celle-ci revêtait une valeur évidente. Ils venaient de pays où ceux qui n'étaient pas blancs étaient systématiquement victimes de discrimination.

Même de nos jours, de nombreux immigrés disent que, pour eux, être "blanc" est équivalent d'intégration et de meilleures perspectives d'avenir. Mais un nombre croissant d'entre eux, fortement influencés par la culture latino, ont une conception souple de la race et considèrent le fait d'être blanc comme un territoire sans frontières, où l'on entre et que l'on quitte au gré de ses désirs. Yareli Arizmendi, actrice d'origine mexicaine, ne se voyait proposer que des rôles de "mère de violeur" ou de "Cubaine hystérique". Alors, elle a cessé de préciser ses origines ethniques lors des auditions. Elle a récemment décroché un rôle d'avocate juive dans un épisode de la série télévisée NYPD Blue. Personne ne se doutait de ses origines jusqu'à ce qu'elle se confie à une coiffeuse sur le plateau. "Je suis latino", revendique l'actrice, qui vit à Los Angeles. "Mais je suis aussi blanche, et je refuse la catégorie 'autre'. Au Mexique, on ne vous demande jamais : qui êtes vous ? vous avez beaucoup du sang noir dans les veines ? ou du sang asiatique ? êtes-vous latino-américain, maya ou aztèque, européen ou arabe ? Cela ne se fait pas, parce que nous sommes beaucoup à être tout cela à la fois."


D'autres métis adoptent également ce genre de conception élastique de l'appartenance raciale et se disent principalement blancs. Selon une étude fédérale menée en 1995 dans les écoles, 17 % des élèves ayant un parent noir et l'autre blanc choisissent blanc comme race principale. Et le pourcentage atteint 50 % pour les enfants nés d'un parent blanc et d'un autre d'origine asiatique. Par le passé, on rangeait quasi uniformément les métis dans les minorités, et non dans la catégorie "blanc".
Il arrive même que des frères et soeurs de même origine ethnique fassent des choix différents, en fonction de leur expérience personnelle.

David Chau, 22 ans, étudiant à la Rhode Island School of Design, à Providence, a une mère juive et un père chinois. Il se déclare blanc. "Je dirais que c'est ce qui me correspond le mieux", dit-il. Sa grande soeur Jen, elle, a le sentiment d'appartenir à deux minorités : juive et asiatique. "Sincèrement, dit-elle, je ne sais pas ce que ça veut dire, 'être blanc'. C'est une expérience qui m'est étrangère."

 

Publié dans Métis

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